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tendu avec courage la lecture du jugement qui le condamnoit

mort.

Le condamné a été fuivi par fon frère Eméric-Louis-CharlesGodefroy Mingré, lieutenant de vaiffeau, âgé de 29 ans. En for tant de France, il s'eft rendu à Tournay, & de là à Coblentz. Il a pris du fervice dans les gardes du corps des princes rebelles; il est forti de Coblentz au commence hent d'août, & il s'eft porté vers les frontières de France, avec fon corps, qui étoit compofé de 13 à 14 cents hommes. Il a déclaré avoir quitté fa patrie, à caufe des menaces qui lui étoient faites chaque jour. Le général Berruyer lui a obfervé à ce fujet, que s'il avoit été perfécuté, c'étoit pour caufe d'avoir affi hé l'incivifme, comme la plupart des officiers de marine. Interrogé s'il avoit été fait prifonnier, il a répondu qu'il s'étoit rendu librement & volontairement. Malgré fes proteftations de fidélité & de patriotifme, il a été condamné comme fon frère.

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Charles-Hyacinte-Laurent Bernage de Saint-Hillier, natif de Verfailles, âgé de 29 ans ci-devant garde du roi. En fortant du royaume, fur une invitation anonyme, il s'eft rendu à Aix-la-Chapelle; de cette ville il s'eft rendu à Coblentz, & il s'eft réuni aux cantonnemens défignés pour les gardes du roi; il a été armé & équipé par les princes rebelles au nom de Louis XVI. Il a déclare, comme ceux qui avoient été interrogés avant lui, avoir toujours été relégué dans des villages écartés, & n'avoir eu aucune connoiffance des loix contre l'émigration; c'eft à la fin du mois d'août qu'il a été tiré de fon erreur; & depuis ce temps il a fait fes efforts pour fe retirer de l'abîme où il avoit été précipité. Il a expofé au tribunal qu'il étoit refté fur les derrières de l'armée, pour exécuter fon projet, & il s'eft rendu à un chaffeur du premier régiment. Il a montré dans fon interrogatoire une fierté die gne d'une meilleure caufe. il a entendu fon jugement avec tranquillité. On a trouvé dans fes papiers un mémoire portant pour titre': Compte payé par la triple alliance. Voici quelle explication a donnée à ce mémoire, qui a paru d'abord être une piece de conviction: il étoit le 6 octobre 1789 à l'infirmerie des gardesdu-corps à Versailles, lorfqu'on vint l'avertir des dangers qui le menaçoient. Il s'évada avec deux de fes camarades par-deffis les toits, & ils vinrent defcendre dans un couvent de réligieufes, où ils reftèrent deux jours. Ils en fortirent enfuite pour fe rendre tous les trois à Paris. Les compagnons de voyage du fieur Ber nage n'avoient point d'argent; ce fut lui qui paya les dépenfes de la route & du féjour dans la capitale : tel eft le compte payé par la triple alliance.

il

Jean-Léon de Mortemar, en Limofin, âgé de 20 ans & demi, étu diant à Mortemar, a quitté la France avec un ch. Léon, qu'il difoit être fon ami, & qu'on foupçonne être fon père. Il est allé aux eaux de Spa, & il a fuivi fon conducteur à Coblentz, où il eft entré dans les gardes-du-corps de Monfieur. Il a perfifté à déclarer n'avoir reçu aucune folde des princes, il a proteftté de fon projet de retourner dans fa patrie fes réponfes ont été vagues; il a été convaincu du crime d'émigration, & condamré à mort.

Le tribunal a fait comparoître devant lui René Rémy Charlier âgé de 33 ans, né à Virroi en Touraine; s'eft rendu à Spa, où

a conduit madame Coffé, au fervice de laquelle il étoit depuis quinze mois. Il n'a jamais porté les armes contre la patrie: arrivé fur le territoire étranger, fans argent & fans reffource, exposé à la fureur des émigrés, il s'eft trouvé dans l'impoffibilité de rentrer en Fiance. Le tribunal ne l'a pas trouvé coupable. Le peuple a montré, par fes applaudiffemens, la fatisfaction qu'il éprouvoit de rencontrer un innocent dans un accufé: le fieur Charlier a été reconduit en prifon, où il a dû refter encore 24 heures.

La caufe du fieur Charlier étoit celle du fieur Louis Cotté de Strasbourg, âgé de 26 ans ce dernier étoit depuis quatorze ans au fervice de M. Dumefnil, capitaine au régiment d'Efterhazy; il avoit fuivi fon maître à Spa, & de là à Coblentz; il ne s'étoit livré à une femblable démarche, que dans l'efpcir d'être payé des gages qui lui étoient dus; & il n'avoit pu revenir dans fa patrie, dans la crainte d'être facrifié par les émigrés, qui paroiffent avoir droit de vie & de mort fur ceux qui font à leur fervice. Il n'a point été pris les armes à la main; il a été abfous par le tribunal, & il eft forti de la falle au bruit des plus vifs applaudiflemens.

Jean Delatour, âgé de 25 ans, natif de Villeneuve, étoit parti depuis 18 mois, avec fon maître, M. Raffin, officier au régiment d'Artois il n'a pas paru au tribunal avoir eu des intentions holtiles: il a été renvoyé abfous.

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Le même jugement a été rendu en faveur de Sicaire Legrand, âgé de 22 ans né à Beauffac en Périgord; il étoit forti de France avec M. Moneferrand, officier au régiment d'Artois : il n'a point été pris les armes à la main.

L'exécution du jugement des neuf confpirateurs fe fit paifiblement mardi matin fur la place de la maison.commune & non fur celle de la journée du 10, comme on l'avoit annoncé, pour donner le change au peuple, & en diminuer l'affluence autour de l'échafaud. Mais cette précaution étoit inutile; tout fe pafla avec fag fle. Seulement plufieurs témoins s'étonnèrent de ce qu'on donnoit à Paris un tel fpectacle; mais ces bonnes gens n'étoient point initiés à ce mystère, non plus qu'à celui de la translation de trente-trois prifonniers pruthiens, qu'on auroit bien voulu faire paffer pour autant d'émigrés.

Un commiffaire chargé par le confeil général de la commune d'aller demander au miniftre de la guerre par quels ordres ces trente-trois étrangers fe trouvoient à Paris, le citoyen Pache ne fut trop que répondre, & la commune eft à la pourfuite de cette nouvelle affaire.

Il eft aifé de voir que ce font autant de piéges tendus au peuple de Paris qu'on cherche à trouver dans fon tort pour avoir du moins un prétexte ou une occafion de le forcer à recevoir une garde prétorienne. Mais quatre années de révolution ont donné de l'expérience au peuple,

& fon bon efprit a fait le refte. Les fans-culottes font toujours debout, mais tranquilles. I's fe furveillent euxmêmes; car ils favent que beaucoup de gens fufpects prennent leur coftume & la pique, pour les travailler fous le voile de la fraternité.

Les fans-culottes fe doutent auffi qu'il n'y a pas encore beaucoup d'ensemble, beaucoup d'à-plomb dans l'affemblée conventionale, & qu'elle eft déchirée inteftinement par plufieurs petites factions qui s'épient l'une l'autre & voudroient attirer le peuple dans le fens de celle qui écrafera l'autre; ils s'en apperçoivent aux petites menées de plufieurs de leurs repréfentans dont on cite les noms & aux petits moyens employés de part & d'autre. Mais ils voient tout cela de fang froid; ils favent bien deux chofes importantes: la première, c'eft qu'on ne pourra rien faire de bon fans les vrais fans-culottes ; la feconde, c'eft que les vrais fans-culottes, c'eft-à-dire, les patriotes ne font d'aucun parti, & ne forment point de faction.

On aura beau imaginer; quoi que difent Buzot & fa coterie, quoi que ne dife pas la coterie oppofée pour profiter des bévues de l'autre, le peuple n'eft ni pour Marat, ni pour Briffot. Il est pour la liberté, pour la république, pour l'égalité; il laura bien venir à bout des agitateurs, des meneurs, des petits ambitieux du dedans, comme il eft venu à bout de fes ennemis du dehors. I n'en démordera pas. Sans fe livrer aux excès dont on voudroit lui faire une néceffité, il ne ceffera de demander où en eft la conftitution, & le jugement de Louis Capet; où en est l'inftruction publique dont il a befoin? Croit-on qu'il a foif de fang, en lui envoyant des émigrés ?

Bon peuple! peuple fage! tu es par-tout le même, à Paris & dans les départemens. C'est toi qui acheveras de te fauver tci-même. On te tracaffe, on t'agite, on te provoque; on voudroit t'aigrir; on te laiffe à peine un moment de repos. Les chefs d'opinion t'appellent_chacun de fon côté, & voudroient t'attirer, te fixer, chacun dans fon petit tourbillon d'intrigues. Continue à profiter de toutes ces agitations, elles tourneront à ton avantage, & à la confufion des mal-intentionnés. Ce font des exercices falutaires au corps politique; une trop longue ftagnation d'humeurs te feroit peut-être funefte.

Mais crains toujours & pardeffus tout la défunion.

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On n'a plus que cette reflource; que les départemens n'aillent pas rivalifer l'un contre l'autre. Rien de pis ne pourroit nous arriver; ils font tous frères; qu'ils fe tiennent tous par la main & forment une chaîne d'amitié électrique, telle qu'au plus léger contact de l'enneini domeftique ou étranger la commotion foit générale.

2

Peuple de Paris & de toute la France, nation républicaine, tu n'as plus à redouter que les déterminations partielles, les mouvemens locaux. Ne perds jamais ton enfemble; refte toujours en mafie; cette maffe, de fon feul poids, écrafera tous les defpotes, grands ou petits. Veille dans le calme. Que ceux des membres de la convention ou de tes voifins rivaux qui ont femé dans le trouble, défefpèrent de récolter dans la paix de ta fageffe. Déjoue tous les partis la fois par ta tendance à un feul but, le bonheur de la république. Les invafions de territoire ne font rien. Ce que tu dois craindre, ce font ces petites prétentions intérieures d'un département fur un autre, qui finiroient par te mettre aux prifes avec toimême, te faire déchirer les entrailles de tes propres mains tu deviendrois bientôt une proie facile au premier parti qui fe préfenteroit pour te dévorer. Bon peu ple, tu es perdu fi tu te laiffes entamer, ou fi tu penches d'un côté plutôt que de l'autre ; fois immobile comme le cube de la vérité.

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Néceffité d'une fanétion provifoire & anticipée fur les décrets

urgens.

Tous les départemens en nommant leurs députés à la convention nationale, les avoient nommés fous la condition expreffe & formelle que leurs décrets ne deviendroient des loix qu'après la fanétion du peuple. La convention, dès le premier jour de fes féances, déclara ce grand principe, fans lequel la fouveraineté de la nation n'eft qu'une chimère. On applaudit de tous côtés à cette déclaration, parce que l'on compara la conduite de la convention à celle de l'affemblée conftituante, qui ne trouvoit pas fon intérêt à admettre une telle vérité, & qui profita de l'ignorance où étoit encore le peuple pour la paffer fous filence.

Mais il ne fuffifoit

pas

à la convention de reconnoître le principe, il falloit agir en conféquence; & au fond

la

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la conduite de la convention eft la même jufqu'à préfent que celle de l'affemblée conftituante, à quelques mots près; & ce n'eft pas des mots qu'il faut à un peuple libre, mais des choses.

Il étoit évident que les affemblées primaires ne pouvant pas fe convoquer tous les jours comme on rend des décrets tous les jours, il cft impoffible de faire fanctionner les décrets à mesure qu'on les porte: car il n'en eft pas des affemblées primaires des campagnes comme de celles de Paris & des grandes villes; en un clin d'oeil, pour ainfi dire, vous métamorphofez une affemblée de fection ou de police en aflemblée primaire. Si la fection n'eft point en affemblée permanente, en un clin-d'oeil vous la convoquez. Mais à la campagne plufieurs villages, un canton tout entier eft obligé de fe réunir. Les citoyens font forcés de fe déplacer; il faut du temps pour indiquer dans tous ces lieux, une feule affemblée primaire; il faut du temps pour qu'elle fe forme, & le Français confumeroit fa vie en courfes pénibles, fi de telles affemblées étoient trop frequentes; car elles fe tiendroient d'un bout à l'autre de l'empire.

D'un autre côté, il est certains décrets qui ont befoin d'avoir fur le champ leur exécution, & qui par conféquent doivent avoir fur le champ force de loi; ces décrets font, par leur nature, affez fréquens. Leur fréquence & la néceffité de leur prompte exécution les em pêchent d'être revêtus de la fanction; leur fréquence parce qu'on ne peut fe déplacer tous les jours; la néceffité de leur prompte exécution, parce qu'avant que la fanction fût donnée à Antibes ou à Bayonne, avant que le résultat en fût connu à l'affemblée, l'occafion pourroit s'être échappée, la loi pourroit être devenue inutile; & dans cet intervalle le mal pourroit avoir fait d'étonnans progrès, & être devenu irremédiable.

La convention fe trouvoit donc placée entre deux inconvéniens majeurs, deux inconvéniens terribles pour un législateur de bonnè foi; celui de ne pas faire une loi nécellaire, & celui de faire une loi contre tous les principes de la liberté, fans la fanction du peuple.

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Le premier devoir de la convention étoit donc de parer d'abord à ce double inconvénient, de concilier autant qu'il étoit poffible deux principes qui fembloient s'exclure & fe détruire. D'où vient qu'elle ne Pa pas fait ? Seroit-ce par oubli? Mais devoit-elle oublier dès le premier jour la nature de les obligations? Seroit-ce par nonchalance? Mas avons-nous envoyé nos mandataires pour No. 172, Tome 14

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