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Charles-Hyacinte-Laurent Bernard, âgé de 19 ans, natif de Verfailles, ci-devant garde-du-corps du roi, pa ti au mois d'août de l'année dernière, arrêté par le commandant de l'avant-garde de Kellermann.

Réné-Remy Charlier, âgé de 33 ans, né à Virrois en Touraine, cocher de madame Coité, parti depuis 15 mois, artèté au Grand Saint-Hilaire, par la gendarmerie.

Jean Delatour, âgé de 25 ans, natif de lleneuve, département du Lot & Garonne, parti depuis dix mois avec fon maître, qu'il a dit s'appeler Raffin, officier du ci-devant régiment d'Artois, cavalerie, arrêté par des payfans d'Auberive.

Louis Cotté, natif de Strasbourg, âgé de 26 ans, domestique de M. Dumefnil, capitaine au ci-devant régiment d'Efterhazy, parti au commencement d'avril dernier, excité par le père de fon maître, arrêté par un détachement de dragons, à trois lieues de l'armée Dumourier.

Jofeph-Alexandre Dumefnil, ci-deffits nommé, âgé de 27 ans, natif de Nanci, ci-devant capitaine au régiment d'Efterhazy, parti au mois d'avril, arrêté aux avant-poftes de l'armée Dumourier; il s'eft dit enlevé par fon père par fupercheries.

Hyacinte-Amand-Conftant-Honoré Godefroy, dit Leffart âgé de 35 ans environ, né à Saint-Jean-Day en Normandie, ci-devant garde-du-corps du roi, parti à la fin de juillet dernier, pris par les hufiards d'Efterhazy.

Etienne-Hyacinte-Gautier Latouche, âgé de 45 ans, né à Bordeaux, confeiller au ci-devant parlement de Bordeaux, parti au mois de février dernier, arrêté par les chaffeurs de Hainaut.

Jean-Jacques Maurice, âgé de 20 ans, natif de Bordeaux, attaché à l'artillerie, comme officier furnuméraire, parti depuis le mois d'octobre 1791, pris par les chaffeurs de Hainaut.

Emeri-Louis-Charles Godefroy, dit Mingré, frère de Godefroy,. dit Leflärt, fufnommé, âgé de 29 ans environ, lieutenant de vailleau de la marine françaife, arrêté par les huffards d'Efterhazy.

Jean Beon, âgé de 21 ans, né à Mortemart en Limofin, fans qualité, ci-devant gentilhomme, parti avec le fieur Beon fon père, depuis treize mois environ, pris par les huffards d'Efterhazy. (Renvoyé au comité de furveillance.)

Michel Dommartin, âgé de 24 ans, natif de Metz, officier réforme du ci-devant régiment, de Paris, provincial, en 1783, parti depuis deux ans, pris par des foldats de l'armée Dumourier.

Jean-Louis Mirambel, âgé de 19 ans, natif de Saint-Remy en Limofin, ne faisant rien, ci-devant gentilhomme, parti depuis huit mois, arrêté par la gendarmerie de Paris.

Sicaire Legrand, agé de 22 ans, natif du village de Beauffac en Périgord, domeftique de M. de Montferrand, officier au ci-devant régiment d'Artois, cavalerie, pris par les citoyens armés à Auberive.

Nota. Tous les fufdits ont déclaré s'être rendus volontairement & librement. (Extrait des regiftres de la commune. )

Le lendemain, il y eut quelques raffemblemens dans les cours du palais de juftice. Des agitateurs excitoient les groupes à hâter l'exécution trop lente des prifonniers,

parmi

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parmi lesquels on citoit à deffein des perfonnages dont le nom feul étoit capable de porter la multitude aux plus grands excès. La commune proclama de nouveau le dé cret, & cette petite fermentation n'eut pas les fuites qu'on en espéroit.

Le bruit courut en même temps que le prifonnier du Temple avoit gagné au large. On fut bientôt à quoi s'en tenir ; mais on demanda au conseil général de la commune que Louis-le-Découronné fe montrât tous les jours à midi, lors de la garde montante; cette motion a été mife aujourd'hui à exécution (1).

La commiffion chargée du jugement des treize émigrés s'inftalla dans une falle du palais fans difficulté & fans murmure de la part du peuple.

Ce n'eft pas tout; en ce moment s'effectuoit l'évacuation du camp de Montmartre, & les ouvriers en grand nombre furent confeillés de faire plufieurs réclamations avant de fe féparer.

L'interrogatoire des treize émigrés, ou plutôt des neuf confpirateurs, n'éprouva aucun délai. Le citoyen Berruyer, commandant général de toutes les troupes du département de Paris, préfidoit ce tribunal, ou confeil de guerre. Il n'y garda pas toujours cette gravité qui fied à un juge, comme on le verra dans l'extrait ci-dessous du procès-verbal :

Sur les onze heures du matin, MM. les commiffaires, chargés de juger les treize emigrés pris les armes à la main, fe fant affemblés dans la falle du juré d'accufation. Ils ont commencé par la lecture des décrets des 19 & 20 octobre, dont l'un prononce la peine de mort contre les émigrés pris les armes à la main ; & l'autre ordonne la nomination de cinq commiffaires, pour juger ceux qui ont été transférés à Paris. Puis on a lu l'arrêté du confeil de guerre, de l'armée fous les ordres de M. Berruyer, qui nomme MM. Berruyer, Leftrange, Carroy, Sableau & Marly. On a enfuite amené M. Ďammartin, que MM. les commiffaires ont interrogé fucceffivement en

ces termes :

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Quel eft votre nom? Michel-Ignace Dammartin Fontenoy.
Quel âge avez-vous ?
De quel pays, êtés

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Près de 25 ans.

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(1) Nous fommes inftruits que dans le quartier du Temple les logemens font extrêmement courus, & par conféquent très-chers; nous donnons cet avis aux magiftrats chargés de la fûreté des prifonniers confiés à leug vigilance.

N°. 172. Tome 14.

C

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vous? De Metz. - Où ferviez-vous avant de quitter la France ?4 Dans un régiment provincial, que j'ai quitté en 1783; puis dans un régiment d'infanterie que j'ai abandonné en 1785. -- Pourquoi avez-vous abandonné votre patrie, dans un moment où vous pou viez la fervir utilement? --- Je n'étois plus dans le fervice depuis fept ans ; il y avoit trois ans que je voyageois; j'étois allé en Allemagne, où je comptois m'établir; & j'y étois effectivement fixé depuis deux ans. Vous n'ignoriez pas la loi prononcée contre les émigrés? Je ne connois pas les loix, je fais cependant qu'il en exilte. Vous faviez qu'il y avoit eu une révolution en France.→→ Je le favais; mais je ne la connoillois pas; d'ailleurs, il y en a eu quatre. Pourquoi êtes-vous rentré en France il y a quinze mois J'y ai été déterminé par ma femme, groffe alors, que je voulois emmener en Allemagne avec mes enfans.

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"Dans quel corps êtes-vous entré, en fortant de France ? Dans aucun. Cependant vous avez été pris les armes à la main. J'ai été rencontré par des chaffeurs, que je crois du fixième régiment. Mais vous ferviez dans l'armée des princes. M. Te comte de Berchiny levoit des troupes pour le roi de Prufle ou pour les princes; j'ai fervi dans l'armée de Brunswick, en qualité de volontaire. Quel habit aviez-vous, quand vous avez été pris?J'avois la capote que je porte actuellement, avec un habit bleu célefte; mais je n'avois pas cet habit bleu. - Pourquoi fervir dans l'ar mée des princes profcrits par la nation? Vous pouviez trouver du fervice en France. C'eft ce que je méditois. Aviez-vous une folde? Non, j'étois volontaire. Il vous étoit donc bien libre de vous retirer? Non; cette qualité de volontaire n'eft qu'une dénomination. Comment avez-vous fubfifté, pendant votre ab fence de France? -- De mes propres moyens. Qu'avez-vous fait depuis la prife de Longwy, jufqu'au 23 feptembre, jour de votre arreftation? J'ai cherché à m'échapper; c'est ce que j'ai fait le 23 septembre. A quelle époque êtes-vous entré en France? Ici il fe recueille un inftant). A-peu-près quinze jours après la prife de Longwy. Ainfi, il s'eft écoulé quinze jours, pendant lefquels vous pouviez entrer dans votre patrie. Qu'êtes-vous devenu pendant ce temps-là ? J'étois à l'avant-garde ; & avec la meilleure volonté du monde, je ne pouvois m'échapper. Il femble au contraire qu'étant à l'avant-garde, vous auriez dû entrer en France. Etes-vous entré par le Tiercelet? -- Non, par Rodewick, d'où je comptois rentrer dans le pays meffin. -- Pourquoi, puisqu'il ya quinze mois que vous étiez en France, êtes-vous pallé chez l'étranger? C'eft ma femme qui m'y a déterminé je fuis forti par Tournay, je fuis revenu à Thionville; & je fuis allé à Luxem bourg, Trèves, & delà à Rodemaker, où j'ai loué une abbaye qui

étoit vide.

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Quelle étoit votre activité depuis votre entrée en France? - Je n'en avois pas. Etiez-vous avec votre corps? -- Oui. Quelles armes aviez-vous, lorfque vous avez été pris? Aucune. Lorfque j'ai vu la vedette à dix pas de moi, j'ai jeté mon fabre... J'avois deux paires de piftolets dans ma poche.

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nier, que, lorfqu'on eft devant une avant-garde, on n'eft pas armes. Quel grade aviez-vous ? Je n'en avois aucun : j'étois huffard; notre corps marchait fans hoftilité, parce que tout Français, fous les ordres des princes, ne devoit pas agir. ( Parlez haut,

it ici le général Berrüyer, car vous êtes ici devant la republique, car Le peuple de Paris forme toute la république). Lorsque vous avez été arrêté, vous a-t-on faifi quelque chofe? Mon porte-manteau vraifemblablement. Y avoit-il des papiers? Je ne le crois pas. Pourquoi n'avez-vous pas déferté comme tant de Pruffiens? J'ai déferté, & le procès-verbal doit en faire foi.... ”

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-

Ici, l'on a fait retirer le prévenu; un intant après on l'a fait rentrer, pour lui donner lecture du procès-verbal de fes déclarations, qu'il a figné. Il s'eft encore retiré. Puis, étant rentré, on lui a demandé s'il n'avoit pas dans fes papiers un ordre du général pruffien pour faire des vivres. Il a répondu n'avoir que le déchirement d'un roman traduit du Gaulois. Ici, le tribunal s'eft retiré quelques inftans pour délibérer dans la chambre du conseil; puis rentrés dans la falle, les cinq commiffaires fe font levés, & M. Berruyer a parlé ainfi :

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Citoyens, d'après les moyens de défenfe, & les réponses aux "interrogats faits à Michel-Ignace Dammartin Fontenoi, accufé d'é" migration; & auffi d'après l'article III du titre premier du code pénal, & l'article II du décret de la convention nationale du 2 "de ce mois, mon opinion eft que ledit Ignace foit puni de

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» mort".

Les quatre autres commilaires ont fucceffivement déclaré que telle étoit leur opinion. Le général a alors prononcé cet arrêt terrible: «Le tribunal vous condamne à la peine de mort "... Le coupable a reçu fa fentence avec beaucoup de réfignation.

Un fait qui mérite d'être remarqué, c'eft qu'il n'exifte aucun procès-verbal d'arreftation de ces particuliers. On a feulement trouvé, à l'égard de celui-ci, une note qui nous apprenoit qu'il avoit chez l'étranger rang de capitaine de cavalerie.

M. Jofeph-Alexandre Dumefnil, âgé de 27 ans, né à Nancy, cidevant capitaine au régiment d'Efterhazy, huffards. Il eft forti de Erance au mois de juin dernier. Il y a été provoqué par son père qui, voulant lui rendre compte des biens de fa mère, l'a appelé au village de Mortuan, terre autrichienne; que là fon père, qui eft général autrichien, l'a forcé, le piftolet fous la gorge, à quitter fa cocarde, & à s'attacher au régiment de Berchiny; qu'il l'a enfuite fait transférer à Luxembourg, où il a été en prifon pendant quinze jours; que, recommandé à M. de Berchiny par fon père,

n'a jamais fervi que comme volontaire; qu'il a cherché tous les moyens de s'échapper; et qu'il a profité d'un moment de laffitude, pour fe jeter dans les premiers poftes français, près Virginie, le 23 feptembre; qu'il n'avoit alors que fon uniforme, fon fabre, fes pistolets d'arçon déchargés & fon cheval. C'est un brigadier des chaffeurs, ci-devant Languedoc, qui les a pris. Il a été arrêté avec fon domestique & un camarade. Il n'a point affifté aux prifes d'Etain, Verdun & de Longwy; & jamais il n'a été employé pour faire des vivres pour les Pruffiens...

Ici, le tribunal a rempli les mêmes formalités que pour le précédent; & M. Berruyer a déclaré que Jofeph-Alexandre Dumefni étoit atteint & convaincu d'avoir émigré, & d'avoir porté les armes contre fa patrie. Je le condamne, a-t-il dit, à la peine de mort». Cette opinion a été uniforme. Le condamné a entendu fon jugement avec la même réfignation que le précédent. Jean-Louis Mirambal, né à ş. Remy, en Limoufin, âgé de dix

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neuf ans, d'abord fans profeflion, puis, garde-du-corps de Mon
fieur depuis deux mois. Au mois de février dernier, il a quitté fon
pays, forcé par les menaces de fes voifins, qui vouloient incendier
fa maifon. Quoi qu'il fût qu'il fût défendu d'émigrer, il ignoreit
les peines que prononçoit la loi contre les réfractaires. Il a été pris
au Grand-Saint-Hilaire par la gendarmerie de Paris. Il n'avait point
de paye, mais il vivoit d'étapes. Il n'a jamais connu les ordres des
Pruffiens pour faire des vivres en France. Lorfqu'il a été pris, il
portoit l'uniforme que les gardes de Monfieur portoient en France;
& il n'avoit d'autres armes qu'un piftolet, un fabre & un mouf.
queton. Suivant fa déclaration, MM. de Damas & d'Avaray font les
chefs de ces gardes de corps.... Ce particulier a été condamné
d'une voix unanime à la mort; &, comme les deux autres,
,il a reçu
fen arrêt avec réfignation.

On a remarqué une obfervation, faite par M. Berruyer. «Vous avez, a-t-il dit à l'accufé, gardé Monfieur; il auroit bien mieux valu nous l'amener ».

Jean-Jacques-Maurice Santon, natif de Bordeaux, officier d'artil lerie, âgé de 21 ans, a déclaré avoir quitté la France pour voyager, & avoir féjourné à Coblentz. Il étoit dans les gendarmes des princes émigrés, & il avoit quitté fon corps depuis cinq jours, lorfqu'il a été fait prifonnier. Quelque adresse qu'il ait mis dans fes réponses, le tribunal a prononcé contre lui la peine de mort.

Etienne-Hyacinte Gauthier de la Touche, né à Bordoaux, & cidevant confeiller au parlement de la même ville, a quitté la France au mois de février dernier, & s'eft fucceffivement rendu à Oftende, à Bruxelles, à Courtray, à Aix-la-Chapelle & à Coblentz. Il s'eft enrôlé au mois de mai dans les gendarmes des princes, où il a fervi fans recevoir aucune folde. Il a protesté comme celui qui l'a-, voit précédé, n'ayoir jamais eu le projet de porter, les armes contre fa patrie.

Il a été arrêté à Brière, où il étoit depuis cinq jours, avec l'intention, a-t-il dit, de revenir en France, d'où la crainte l'avoit fait fortir. On a trouvé dans fon porte-feuille un morceau de carton rouge, où étoit peint un cœur furmonté d'une couronne d'épine, & percé de plufieurs flèches, avec cette infcription: cor Jesus miferere nobis: il a divagué dans fes réponses, & il a été condamné à

mort.

ans

Hyacinte-Amant-Conftant-Honoré Godefroy de Leffart, de SaintJean de Day en Normandie, ci-devant garde-du-corps, âgé de 35 a été traduit devant le tribunal, après le fieur Latouche; l eft forti de France au mois de Juillet dernier. Il s'est rendu à Trèves; & là, il s'eft enrôlé dans le corps des gardes du roi, formé au-delà du Rhin. Il a donné pour motif de fes démarches, l'inten tion qu'il avoit de ramener en France un frère qui étoit émigré & qui étoit depuis long-temps au fervice des princes. Son portefeuille contenoit un médaillon où étoit le portrait du ci-devant roi & de fa femme. On eft fondé à croire qu'il lui avoit été donné par le fieur Durofoi, Le fieur Godefroy a été arrêté au Chêne-Pouilleau, par un huffard d'Efterhazy; il avoit quitté fon corps depuis trois jours, & il portoit fur lui un fabre de garde national. réfulte de fes réponfes, que les princes ne font diftribuer, que de trois jours en trois jours, du pain à leurs gardes-du-corps. Il a en

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