Page images
PDF
EPUB

tion de la part des représentants Mezaire, soit contre la veuve de Labigne et les époux Bunouf-Benouville, soit contre Tillard; inconvénient qu'il est facile de prévenir par la mise en cause desdits représentants Mezaire, puisque, d'après une jurisprudence certaine, on peut, en cause d'appel, forcer d'intervenir la partie qui aurait droit de former tierce opposition;

Considérant dès lors que ce n'est point ici le cas d'ordonner le sursis que veulent faire prononcer les appelants;

Considérant, quant aux dépens, qu'il résulte de ce qui précède que la veuve Delabigne et les époux Bunouf-Benouville ont eu tort d'élever l'incident dont la Cour est en ce moment saisie;

Par ces motifs,

[ocr errors]

DIT à tort le sursis demandé, et RENVOIE l'affaire au mois, pendant lequel temps l'une ou l'autre des parties pourra mettre en cause les représentants Mezaire; CONDAMNE la veuve Delabigne et les époux Bunouf-Benouville aux dépens de l'incident. Du 2 juin 1843.-2 ch.

COUR DE CASSATION.

1° Société en commandite.-Constitution.
2o Commanditaire.-Faillite.-Action directe.
3o Contrainte par corps.-Commanditaire.

1o La constitution définitive et la mise en activité d'une société en commandite, peuvent résulter d'un acte qui n'était d'abord qu'un projet, de certains faits émanés des souscripteurs et du gérant, ainsi que de l'accomplissement de la condition suspensive et de la publicité donnée au fait de la constitution de la so

ciété.

2° Lorsque la faillite d'une société en commandite est réjuliérement déclarée, les créanciers ont une action directe contre les commanditaires pour les obliger à verser leur mise sociale, et non pas seulement une action du chef du gérant, qui devrait être jugée par arbitres (1.

3. L'obligation de verser une mise de fonds à titre de commerce, étant commerciale par la nature de l'opération, le commanditaire est soumis pour ce versement à la contrainte par corps. (2)

(1) L'action directe, d'une utilité supérieure, est admise par MM. Pardessus (t.4, no 1034), Troplong (Sociétés, no 831 et suiv.), Malpeyre et Jourdain (n° 256), et par les Cours royales d'Aix (arr. 10 mars 1820 et 21 juill. 1840), Paris (arr. 23 fév. 1833), Grenoble (28 mars 1840), et Rouen (21 déc. 1841). Elle est contestée par MM. Delvincourt. Favard de Langlade et Delangle (Sociétés commerciales, n ́s 279 et suiv.) e'le a été repoussée par un arrêt de la Cour de Paris, du 24 août 1838. La Cour de cassation avait préjugé cette dernière solution, dans un arrêt du 3 fév. 1838.

(1) V. dans le sens contraire, arr. de la Cour de Rouen, du 6 août 1841, arr. de la Cour de Paris, du 28 fév. 1842, et l'opinion de M. Delangle (Sociétés commerciales, no 314).

(Faillite Loubon et Cie ).-ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen tiré de la prétendue violation des art. 1108, 1109, 1325, 1338, C. Č., et 39, C. Comm.:

Attendu que le jugement de première instance, dont l'arrêt attaqué a adopté les motifs en cette partie, s'est fondé principalement : 1° sur ce que l'acte qui a reçu depuis, la date du 1er août 1837, et qui, dans le principe, n'était qu'un simple projet, était devenu définitif et obligatoire par l'accomplissement de la condition apposée en son art. 10, c'est-à-dire par la réunion d'un nombre de signatures suffisant pour représenter le capital de 500,000 francs, de l'existence duquel cet article faisait dépendre la constitution de la société en commandite; 2o sur ce qu'en apposant successivement leur signature au bas de cet article laissé dans les mains de Loubon, les actionnaires avaient suivi la foi de ce gérant et lui avaient donné le mandat tacite de régulariser l'acte dès que la condition suspensive viendrait à s'accomplir par la formation du capital de 500,000 francs, c'est-à-dire de le dater, de remplir les blancs et de le publier; 3° sur ce que les tiers n'ont pu considérer l'acte que dans l'état où il était lors de son enregistrement et du dépôt qui en a été fait au greffe du tribunal de commerce; 4o sur ce que la publicité donnée par Loubon à ce même acte, après l'enregistrement et le dépôt, avait formé, dans le commerce, une suffisante notoriété du fait de la constitution définitive et de la mise en exercice de la société en commandite;

Attendu qu'en tirant de cet ensemble de faits et de circonstances la conséquence que l'acte du 1er août 1837 n'était pas demeuré dans les termes d'un simple projet, et qu'il réunissait, à l'égard des tiers, toutes les conditions d'existence, de validité, et même d'exécution, qui étaient nécessaires pour la rendre obligatoire, l'arrêt attaqué n'a pas violé les art. 1108, 1109, 1325, 1338, C. C., et 39, C. Comm.:

Sur le deuxième moyen, pris de la prétendue violation des art. 1165, 1166, C. C.; 18, 23, 24, 26, 51, C. Comm.;

Attendu que d'après l'art. 23, § 2, C. Comm., la société en commandite ne peut exister que sous une raison sociale;

Que d'après l'art. 42, elle doit être publiée par extrait de l'acte constitutif, tout comme la société en nom collectif, et que l'extrait rendu public doit, selon l'art. 43, indiquer le montant des valeurs fournies ou à fournir par les associés commanditaires;

Attendu que les tiers qui traitent avec la société sont censés suivre non-seulement la foi personnelle des associés responsables et solidaires, mais encore celle des capitaux engagés à titre de commandite;

Qu'un tel contrat renferme véritablement, de la part des commanditaires auxquels tout acte de gestion est interdit, un mandat donné aux associés gérants de les obliger envers les tiers jusqu'à concurrence des fonds qu'ils ont mis ou qu'ils se sont engagés à mettre dans la société ; Attendu que les tiers qui contractent avec la raison sociale ont réellement la société pour débiteur, savoir, les associés gérants indéfiniment, et les associés commanditaires jusqu'à concurrence du montant de la commandite, et que l'obligation ainsi limitée à l'égard de ces derniers, engendre nécessairement un droit, et par conséquent une action utile au profit des tiers;

Attendu que la faillite de la la société ayant fait cesser en la personne

du gérant la représentation de la société, l'action en versement des mises commanditaires a pu et dù nécessairement être intentée directement par les créanciers ou les mandataires légaux de ceux-ci, contre les associés commanditaires;

Attendu qu'il suffit que cette action intéresse les tiers pour qu'elle échappe à l'application de l'art. 51, C. C., qui ne soumet à l'arbitrage forcé que les contestations entre associés pour raison de la société ;

Attendu, dès lors, qu'en décidant que les syndics à la faillite Loubon aîné, soit comme subrogés par suite d'un mandat légal, au droit qu'avait eu le gérant failli d'exiger des commanditaires le versement de leurs mises sociales, soit comme représentant les créanciers de la société en commandite, avaient qualité pour exercer l'action sur laquelle a prononcé l'arrêt attaqué, cet arrêt, loin d'avoir violé les textes de loi invoqués à l'appui du pourvoi, en a fait au contraire une juste application;

Sur le troisième moyen, tiré de la prétendue violation de l'art. 1er de la loi du 17 avril 1832;

Attendu que c'est à la qualité de la dette et non à la qualité du débiteur, que l'art. 1er attache la sanction de la contrainte par corps; que c'est une opération évidemment commerciale que celle qui consiste à verser à titre de commandite des fonds dans une maison de banque, en vue de prendre part aux bénéfices résultant du mouvement de ces fonds réunis et confondus avec d'autres; que le § 4 de l'art. 632, C. Comm., range formellement une telle opération dans la classe des actes de commerce; qu'ainsi, en condamnant les demandeurs, même par corps, au versement de leurs mises commanditaires dans la maison de banque de Loubon aîné, l'arrêt attaqué n'a fait qu'une juste appliIcation de la loi.

[merged small][ocr errors][merged small]

Saisie immobilière.-Poursuivant.- Créancier inscrit.— Subrogation. Le créancier inscrit, qui, usant du droit nouveau introduit par l'art. 702, C. P. C. (L. 2 juin 1841), fait procéder, à défaut du créancier poursuivant, à l'adjudication d'immeubles saisis dépendants d'une succession, n'est pas tenu de faire notifier son titre aux héritiers, conformément aux dispositions de l'article 877; Cod. civ.

(Foret C. Delaire-Bouteriger.)

Des immeubles dépendant de la succession du sieur Jean Torrerias, sont saisis à la requête des sieurs Marc et Durand, après notification de leur titre aux héritiers, conformément à l'art. 877, C. C. I.'adjudication était indiquée au 10 août 1843; mais ce jour-là, les poursuivants font défaut. Les héritiers Delaire-Bouteriger, créanciers inscrits sur les biens saisis, usant de la faculté introduite dans le Code de procédure par la

loi du 2 juin 1841, art. 702, requièrent l'adjudication. - Jugement du tribunal de Thiers qui admet ces conclusions, et les immeubles, mis aux enchères, sont adjugés à un sieur Rigaudias.

La dame Jeanne Foret, l'une des cohéritières du sieur Torrerias, interjette appel du jugement, dont elle demande la nullité, en se fondant sur ce que les héritiers Delaire-Bouteriger n'avaient pu valablement se subroger au droit des poursuivants et requérir l'adjudication, sans avoir, au préalable, notifié leur titre aux héritiers saisis.

L'art. 877, C. C., a-t-on dit pour elle, contient une disposition aussi générale que possible: il veut qu'un titre ne puisse être mis à exécution contre les héritiers de celui qui l'a souscrit, qu'autant qu'il leur a été notifié et huit jours après cette notification. Il faut que les héritiers soient mis à même de connaître ce titre, qu'ils peuvent ignorer, afin qu'ils puissent le critiquer s'il y lieu ou y satisfaire en payant. C'est le but du délai de huitaine qui leur est accordé par la loi. Or, l'art. 702 ne contient pas d'exception à cette règle générale; il ne dit ni expressément, ni tacitement, que l'on sera dispensé de s'y conformer. Tout créancier inscrit peut demander, à défaut du poursuivant, qu'il soit procédé à l'adjudication, cela est vrai, mais tout créancier ayant un titre en règle, un titre régulier et exécutoire. Eh bien! celui qui n'a pas notifié aux héritiers de son débiteur, le titre qu'il a contre la succession, n'a pas un titre en règle, un titre exécutoire. La disposition de l'article 877, en l'absence d'une exception formelle, doit donc recevoir son application dans tous les cas. Cette exception, elle n'existe pas, et l'on ne saurait abroger une règle aussi générale et aussi fondamentale que celle-là, en se basant sur le motif que le législateur ne l'a pas rappelée dans l'art. 702. La rappeler dans l'art. 702 était inutile, car, écrite au Code civil, elle domine tous les cas d'exécution possibles. Après tout, qu'est donc en elle-même la disposition de l'art. 702? Que contientelle? une véritable subrogation. Tout créancier inscrit peut requérir l'adjudication, si le poursuivant a négligé de le faire. Tout créancier inscrit a donc le droit de prendre la place du poursuivant, c'est-à-dire de se faire subroger. Si c'est là une subrogation, que dirait-on d'un créancier qui demanderait la subrogation sans que son titre ait été notifié conformément à l'art. 877? Assurément on le repousserait par une fin de nonrecevoir, car il faut un titre exécutoire pour demander la subrogation. Or, il n'y a pas de différence entre la subrogation ordinaire et celle de l'art. 702, il ne peut y en avoir, en ce qui touche le titre en lui-même. La subrogation de l'art. 702 est plus rapide, mais elle doit avoir le même fondement, la même base, c'est-à-dire un titre en règle, un titre rendu exécutoire. Il ne faudrait pas dire que la nature de la faculté qui est ac

cordée par l'art. 702, s'oppose à ce que l'on puisse procéder à la notification, car la nouvelle loi a accordé le pouvoir de suspendre l'adjudication. On pourra demander un délai pour remplir cette formalité. Les tribunaux sont juges des causes de suspension, et l'intérêt des créanciers, dans cette hypothèse, peut, eu égard aux circonstances, motiver un sursis.

Les défenseurs ont répondu qu'il fallait se placer dans le cas prévu à l'art. 702 de la nouvelle loi. On a voulu prévenir la collusion entre le poursuivant et la partie saisie. Les créanciers inscrits sont parties dans l'instance depuis la notification qui leur a été faite des placards. Ils ont un intérêt à surveiller, un droit à exercer, puisque la saisie leur appartient en quelque sorte. Il arrive que le poursuivant abandonne la saisie au moment même où tous les créanciers étaient sur le point de voir se réaliser leur gage. Leur espoir va-t-il être déçu? Le législateur ne l'a pas voulu. Alors, à l'instant même où cet incident se produit, un créancier se présente et demande la vente. Qu'exigera-t-on de lui? Qu'il aille faire notifier son titre? mais le jour fixé pour l'adjudication s'écoulera, et la disposition que l'on veut créer en så faveur sera illusoire! Ici il faut que tout soit rapide, instantané. L'intérêt des créanciers le veut. C'est un incident qui doit être vidé sur le champ. Aussi, la loi n'exige que deux conditions: que l'on soit créancier et créancier inscrit. On a dû, par la nécessité, par la force même des circonstances, dispenser de la formalité de l'art. 877. Il faut que l'adjudication ait lieu, nonobstant le mauvais vouloir du poursuivant, et pour empêcher tout concert frauduleux avec la partie saisie.

Le ministère public a abondé dans ce sens. Il est remonté a l'origine de l'art. 877 du Code civil. Avant cette disposition, on ne pouvait mettre à exécution contre les héritiers un titre que l'on avait contre leur auteur, qu'après les avoir assignés et avoir obtenu un jugement contre eux. Le législateur moderne, plus ami de la simplicité, a remplacé cette instance par une notification. Quel est le but de cette notification? Mettre les héritiers en demeure de payer?-Dans l'espèce, cette formalité est complètement inutile, car les héritiers sont saisis et l'on sait bien qu'ils ne peuvent satisfaire à leurs engagements. La vente de leurs biens est sur le point d'être faite.-Leur faire connaître le titre? La loi a voulu que celui qui demande l'adjudication fût créancier inscrit, c'est-à-dire créancier connu. Il est de plus partie en l'instance, le placard lui a été dénoncé. Les parties saisies peuvent aussi être présentes, et alors discuter le titre qu'on leur oppose. Que demande t-on donc ? Une vaine formalité, une formalité qui n'ajoutera aucune garantie pour les parties saisies, qui entravera la marche d'une procédure que le législateur de 1811 a voulu rendre de plus en plus rapide. C'est pousser trop loin l'amour des formes. Le législateur ne les aime

« PreviousContinue »