mandeurs, que la somme de cent francs paraît suffisante pour les indemniser du préjudice causé; Déclare la dame Dumont convaincue d'avoir publié à Limoges et livré, dans le courant de janvier de l'année 1883, à un tiers, et ce au mépris des droits des requérants, un recueil de chansons intitulé « Au joyeux chanteur» fait qui constitue le délit de contrefaçon; Dit qu'il existe dans la cause des circonstances atténuantes, en sa faveur ; Et par application des art. 425, 427, 463 Code pénal et 194 Code inst. crim... La condamne à 25 fr. d'amende; Prononce au profit des demandeurs la confiscation des exemplaires saisis et condamne Mme Dumont à 100 fr. de dommagesintérêts; Condamne les plaignants aux dépens envers le ministère public, lesquels sont liquidés à 25 fr. sauf leur recours contre Mme Dumont qui demeure condamnée en tous les dépens; Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps; Dit qu'à la diligence des demandeurs, le présent jugement sera inséré par extrait dans deux journaux, l'un paraissant à Limoges, l'autre à Paris aux frais de Mme Dumont, sans qu'il puisse lui être réclamé de ce chef une somme supérieure à cent francs. V. (Trib. corr. Amiens, 17 déc. 1884. Le Bailly et autres c. Cadé Van Messem.) Une nouvelle poursuite ayant été intentée par les mêmes éditeurs de Paris contre M. Cadé Van Messem qui avait imprimé les Joyeux Refrains déjà condamnés par la Cour de Douai, le tribunal correctionnel d'Amiens, après avoir entendu Me LE SENNE du barreau de Paris pour les plaignants et Mc DEVELLUNE pour les prévenus, rendit le 17 décembre 1883 le jugement suivant devenu définitif : LE TRIBUNAL Attendu que Cadé a reconnu à l'audience avoir fait un tirage d'au moins mille exemplaires de la petite feuille : Joyeux Refrains; Attendu qu'il résulte d'un procès-verbal dressé par Chubot, commissaire de police à Amiens, le vingt et un octobre mil huit cent quatre-vingt-quatre, que ledit jour il a été saisi chez Cadé, dit Cadé Van Messem, imprimeur à Amiens: 1o Deux châssis contenant en caractères d'imprimerie mobiles la composition d'une feuille intitulée Les Joyeux Refrains, contenant quarante-six chansons, sans noms d'auteurs ni d'imprimerie; 20 Une autre feuille imprimée d'un format plus petit, portant le même titre, et renfermant vingt-quatre chansons également sans noms d'auteurs ou d'imprimerie; Attendu qu'il a été justifié que quarante chansons de la grande feuille et vingt-deux chansons de la petite feuille sont la propriété des demandeurs, éditeurs de musique, qui ont acquis des auteurs ou de leurs ayants droit le privilège exclusif de vendre, de faire vendre, distribuer, ces œuvres dans le territoire de la République conformément aux prescriptions de la loi du 24 juillet 1793 qui a reconnu et consacré la propriété artistique et littéraire en France. Attendu que Cadé dit Cadé Van Messem a révélé dans son interrogatoire qu'il devait imprimer quatre mille exemplaires də la grande feuille et mille exemplaires de la petite feuille. Que, pour s'excuser du délit de contrefaçon qui lui est reproché, il a prétendu qu'il n'avait fait qu'exécuter un travail à lui commandé et qu'il était de bonne foi. Mais attendu qu'il appartient à l'imprimeur de vérifier si les œuvres qu'il imprime pour le compte de marchands ou de chanteurs ambulants sont tombées dans le domaine public. Que Cadé Van Messem ne pouvait d'ailleurs avoir aucun doute pour un certain nombre de chansons et romances tirées d'œuvres bien connues, n'étant pas dans le domaine public. Attendu qu'en omettant sur les feuilles saisies la mention d'imprimeur, et en ne faisant pas le dépôt qui lui était imposé par l'article trois de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, Cadé dit Cadé Van Messem, a certainement voulu échapper aux réclamations et poursuites des auteurs dont les œuvres étaient par lui contrefaites ou de leurs cessionnaires; qu'il ne peut donc valablement exciper de sa bonne foi; que d'ailleurs le fait matériel de la contrefaçon crée contre son auteur une présomption de mauvaise foi qui, dans l'espèce, n'a pas été détruite par les explications du prévenu; Qu'il y a donc lieu de faire à Cadé Van Messem application des articles 425, 426 et 427 du Code pénal. Mais attendu qu'il existe dans la cause des circonstances atténuantes, qui permettent de faire application de l'article 463 du Code pénal. Par ces motifs; le Tribunal déclare Cadé dit Cadé Van Messem coupable avec circonstances atténuantes de contrefaçon. En conséquence, lui faisant application des articles précités combinés le condamne par corps en cinquante francs d'amende sur les conclusions du ministère public. Et statuant sur les conclusions de la partie civile; Attendu que Cadé a; par son délit, causé aux demandeurs un préjudice dont il leur doit réparation, et que le Tribunal a les éléments nécessaires pour l'apprécier; Prononce au profit des demandeurs la confiscation des feuilles à bon droit saisies et pour la réparation fixe à cinq cents francs le chiffre des dommages-intérêts que Cadé sera tenu de payer aux demandeurs. Dit qu'à la diligence des plaignants, le présent jugement sera inséré par extrait dans deux journaux, paraissant l'un à Amiens, l'autre à Paris aux frais du condamné, sans que néanmoins il puisse lui être réclamé de ce chef une somme supérieure à cent cinquante francs; Déclare la partie civile responsable des frais, lesquels sont liquidés à la somme de quarante et un francs quarante-trois centimes, sauf son recours contre Cadé qui demeure condamné en tous les dépens. ART. 2992. - Marque de fabrique. Imitation frauduleuse. Dépôt.-Renouvellement. — Imprimeur. — Garantie. Il y a imitation frauduleuse, dès que la disposition d'ensemble est de nature à tromper l'acheteur, et le juge ne saurait tenir compte des dissemblances apportées dans les détails, alors surtout qu'elles sont insuffisantes pour mettre, surtout en pays étranger, l'acheteur souvent illettré, ignorant de la langue française, et qui n'a pas d'ordinaire, pour les comparer, les deux marques sous les yeux, en garde contre les confusions possibles, résultant de la similitude de l'ensemble (1). L'intention frauduleuse de l'imitation peut ressortir de la similitude même de sa copie, que le hasard seul ne saurait produire (2). L'inaction et le silence plus ou moins long des propriétaires de la marque à l'égard des imitateurs ne sauraient être invoqués par ceux-ci comme un abandon de son droit; outre que nul n'est censé renoncer à son droit, on peut ad (1) V. sur les caractères de l'imitation frauduleuse, Pouillet, marques de fabrique, nos 181 et suiv. (2) V. Pouillet, Ibid. no 195. mettre qu'un négociant néglige, sans se forclore, de poursuivre une imitation qui n'éveille pas ses craintes (3). A raison des délais accordés par les décrets du gouvernement de la défense nationale en date des 9 septembre et 3 octobre 1870, et par la loi du 26 mai 1871, le renouvellemenl, opéré le 19 avril 1873, d'un dépôt fait le 2 juillet 1857, c'est-à-dire effectué près de dix mois trop tard, doit étre considéré comme fait régulièrement (4). Le fait que le dépôt ait été opéré par l'imprimeur ne préjudicie pas au droit du propriétaire de la marque, alors qu'il résulte des circonstances que l'imprimeur agissait dans l'intérêt et pour le compte de ce dernier (5). Le négociant, qui a fait usage d'une étiquette entachée d'imitation frauduleuse, ne saurait exercer un recours en garantie contre celui qui la lui aurait cédée, son devoir étant de ne pas l'accepter aveuglément: au surplus le cédant, en ce cas, étant co-auteur ou complice de l'imitation, pourrait bien être responsable de sa coopération délictueuse au regard du propriétaire de la marque, mais ne saurait être l'objet d'une action en garantie de la part de son co-délinquant (6). (Trib. civ. de Marseille, 12 juin 1884, Plagniol c. Puget et Canquoin.) Ces solutions résultent du jugement suivant, rendu à la date du 12 juin 1884, par le Tribunal civil de Marseille, présidé par M. FABRE, sur les plaidoiries de Mes PLATY, STAMATY et COUVE, avocats des parties, et sur les conclusions de M. le substitut GEORGE. (3.) La jurisprudence est constante en ce sens. - Pouillet, Ibid.no 150. (4.) Les décrets auxquels notre décision fait allusion ont eu pour objet de suspendre, pendant la guerre de 1870, toutes péremptions et prescriptions en matière civile. Ces décrets s'appliquaient-ils à la matière spéciale des marques? En présence de leurs termes généraux, le tribunal de Marseille l'a pensé. Du reste, il faut remarquer que s'agissant du renouvellement d'une marque le retard plus ou moins grand apporté à l'opérer, ne pouvait avoir pour objet de faire tomber la marque dans le domaine public (Pouillet, Ibid., no 132). (5) Il y a là avant tout une question de fait ; dans l'espèce, il était impossible d'admettre que le dépôt fait par l'imprimeur eût pour but, de sa part, de s'approprier une marque de fabrique destinée à un commerce d'huiles, qu'il n'exerçait pas; au surplus le jugement constate que l'imprimeur n'avait agi que sur l'ordre et sur les indications du négociant d'huiles. (6) Jurisprudence constante. V. Pouillet, Ibid., no 269. LE TRIBUNAL. Attendu que depuis de longues années la maison Plagniol de James, a adopté, pour marques de fabrique, diverses étiquettes qu'elle appose, sur ses bouteilles d'huiles, notamment : 1. Une étiquette de forme carrée, appliquée sur le flanc des bouteilles, le dessin gaufrage en or représentant les armes de la ville de Marseille dans un ovale et en légende: «James Plagniol Marseille, huiles d'olive surfine raffinée »; 2. Une contre étiquette au dos des bouteilles, représentant en haut la vue à vol d'oiseau de son établissement au-dessus duquel, sont dans un ruban, les mots : « Vue de l'établissement de James Plagniol, suivis d'une instruction en langues française, espagnole, anglaise ; 3. Une étiquette en forme de cravate, entourant le goulot et la capsule, portant cette inscription sur un fond imprimé : Afin de pouvoir poursuivre les contrefacteurs, chaque bouteille d'huile portera ma signature Plagniol, ainsi que les initiales J.-P. eatrelacées dans un losange formant le nœud de cravate, le tout encadré de filets »; Attendu que la maison Plagniol, pour s'assurer le droit de poursuivre les imitateurs, a fait, à leurs dates, les dépôts au greffe du tribunal de commerce de Marseille, comme marques de fabriques, des trois étiquettes ci-dessus décrites. Attendu qu'informée par ses correspondants qu'elle était victime de nombreuses imitations et ayant acquis, dès l'année 1881, la conviction que Adolphe Puget en était l'auteur, elle obtint de M. le président Autran, à la date du 13 décembre de la même année, l'autorisation de faire saisir chez son imitateur et partout où besoin serait deux échantillons des étiquettes incriminées, mais que craignant de ne pas parvenir à cette fin elle dût surseoir jusques à plus ample informé; que cependant ayant acquis, le 22 février 1883, la preuve de la culpabilité de Puget, elle obtint, à cette date, une nouvelle autorisation de saisie et qu'il est résulté du procès-verbal de la saisie opérée et décrite par Cauvin, huissier à Marseille, à la date du 28 février 1883, premier, deux, trois et cinq mars suivants, la preuve que Adolphe Puget vendait ses produits dans des bouteilles demibordelaises pareilles aux siennes et revêtues: 1o Sur le flanc, d'une étiquette fond doré représentant les armes de la ville de Marseille; 20 au dos, d'une contre-étiquette représentant en haut un établissement qui ne concorde nullement avec le sien, avec audessus des instructions en trois langues; 30 d'une étiquette à forme de cravate entourant le goulot et la capsule de la bouteille, etc.; Altendu que la maison Plagniol de James, demanderesse, par |