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épitoge. Sur les autres bancs siégeaient les conseillers d'honneur, les quatre maîtres des requêtes qui avaient séance au parlement, les conseillers du parlement, tous en robes rouges. Le grand maître et le maître des cérémonies étaient placés sur des tabourets devant la chaise du chancelier; dans le même parquet, à genoux devant le roi, deux massiers du roi tenant leurs masses d'argent doré et six hérauts d'armes. Il y avait aussi des bancs réservés pour les conseillers d'Etat et les maîtres des requêtes que le chancelier amenait à sa suite et qui étaient revêtus de robes de satin noir, ainsi que pour les quatre secrétaires d'Etat, les chevaliers des ordres du roi, les gouverneurs et lieutenants généraux des provinces, les baillis d'épée, etc., etc.

Lorsque le roi était assis et couvert et que toute l'assemblée avait pris place, le roi ôtant et remettant son chapeau, donnait la parole au chancelier pour exposer l'objet de la séance. Le chancelier montait alors vers le roi, s'agenouillait devant lui, et après avoir pris ses ordres, retournait à sa place, où assis et couvert il prononçait une harangue d'apparat. Son discours fini, le premier président et les présidents se levaient, mettaient un genou en terre devant le roi, et après qu'ils s'étaient relevés, le premier président, debout et découvert, ainsi que tous les présidents, prononçait un discours qui renfermait presque toujours l'éloge du roi. Le chancelier montait ensuite vers le roi, prenait ses ordres genou en terre, et revenu à sa place disait que la volonté du roi était qu'on donnât lecture des édits. Sur son ordre, le greffier les lisait. Le chancelier appelait ensuite les gens du roi pour qu'ils donnassent leurs conclusions. Le procureur général ou l'un des avocats généraux prononçait alors un discours pour motiver des conclusions qui allaient toujours à l'enregistrement des édits. Cependant quelques avocats généraux, parmi lesquels on remarque Omer Talon, profitèrent de ces occasions solennelles pour adresser au souverain d'utiles remontrances.

Les harangues terminées, le chancelier recueillait les voix, mais seulement pour la forme. Il montait pour la troisième

fois vers le roi et un genou en terre lui demandait son avis; il s'adressait ensuite aux princes, pairs laïques et ecclésiastiques, maréchaux de France, présidents du parlement, conseillers d'Etat, maîtres des requêtes, conseillers au parlement. qui tous opinaient à voix basse et pour la forme. Après avoir pris les voix, il allait pour la quatrième fois demander les ordres du roi, et de retour à sa place, il prononçait la formule d'enregistrement: "Le roi séant en son lit de justice a ordonné et ordonne que les présents édits seront enregistrés, et à la fin de l'arrêt, on ajoutait: "Fait en parlement, le roi y séant en son lit de justice.

Le roi sortait ensuite avec les mêmes cérémonies qui avaient accompagné son entrée au parlement.

Ces lits de justice étaient regardés comme des espèces de coups d'Etats qui violaient les droits des parlements. L'assemblée se réunissait quelquefois le lendemain pour protester contre un enregistrement forcé; il en résultait des conflits et des troubles. Ce fut en 1648, l'occasion de la Fronde.

La plupart des lits de justice, avons-nous dit, avaient pour but l'enregistrement forcé des édits royaux. Cependant il y avait des lits de justice où le roi siégeait comme juge, principalement quand il s'agissait d'un procès criminel contre un prince du sang. Dans ce cas, le cérémonial du lit de justice présentait quelques différences.'

4. C'est sous le règne de Charles VI que le Parlement commença à prétendre que les lois ne recevaient leur complète validité que par l'enregistrement; et c'est à la fin du Ve que cet usage acquit enfin force de loi.

Au XVIe et au XVIIe siècles, il était admis par tous les magistrats et les jurisconsultes, comme un des premiers principes de l'organisation judiciaire en France, et que les ordonnances royales ne recevaient leur force légale" et exécutoire" que de leur enregistrement au Parlement.

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1 Chéruel, Dictionnaire des Institutions de la France, Vo Lit de Justice.

Les rois eux-mêmes énoncèrent quelquefois ce principe dans leurs ordonnances. Le premier qui le fit fut Louis XI qui, en 1482 déclara: "que l'édit qu'il avait rendu sur les grains ne pourrait être mis à exécution qu'après enregistrement provi"soire sur les registres du Parlement."

Pour l'enregistrement d'une ordonnance ou d'un édit, le Parlement siégeait toutes les chambres réunies. Les lois n'étaient valables que dans le ressort du Parlement qui les avait enregistrées. C'est pourquoi si elles concernaient toute la France, après avoir été enregistrées au Parlement de Paris, elles devaient l'être aux autres Parlements du royaume.

:

Qui ne voit combien était précieux et salutaire, dans une monarchie absolue, ce frein imposé aux volontés quelquefois arbitraires des souverains? Aussi Machiavel qui s'y connaissait, disait-il "Le royaume de France ne demeure assuré “pour autre chose que parce que les rois y sont obligés à une "infinité de lois, où se trouve la sûreté de tous les peuples, lesquelles lois et ordonnances, les Parlements sont les gar"diens et protecteurs."

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Et Michel de Castelnau, autre bon juge, s'exprime ainsi : "Les édits ordinaires, n'ayant point force et n'étant approuvés "des autres magistrats, s'ils ne sont reçus et vérifiés ès dits "Parlements, ce qui est uue règle d'é at, par le moyen de laquelle le roi ne pourrait quand il le voudrait, faire des lois injustes, que bientôt après elles ne fussent rejetées."

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Et il ajoute : "Le Parlement de Paris est une compagnie illustre de 130 juges, suivis de 300 avocats et plus, qui ont "réputation, entre les peuples chrétiens, d'être les mieux "entendus aux lois humaines et au fait de la justice."

Et ce n'était pas seulement pour les ordonnances que l'enregistrement était requis, mais encore pour les traités avec les autres nations, pour les impôts demandés par le roi, etc., qui sans la sanction du Parlement étaient privés de toute exécution.

Ce pouvoir énorme, dont était investi le Parlement, ne fut sans doute pas toujours exercé avec sagesse, et ne fut pas non

plus toujours respecté par les souverains. Car il ne faudrait pas croire que les rois de ce temps-là, semblables aux rois constitutionnels d'aujourd'hui, se contentaient de la formule consacrée le roi règne mais ne gouverne pas."

Aussi l'histoire nous dit-elle, à chaque page, les luttes que soutint le Parlement contre l'autorité royale, surtout aux époques les plus troublées des derniers siècles de la monarchie. Fortement pénétré du rôle protecteur qui lui incombait, à ces époques désolées où la nation semblait être devenue la proie des gouvernants, seul corps pouvant exercer un contrôle sur les affaires publiques, en l'absence des Etats-généraux que l'on ne convoquait plus, le Parlement s'interposait héroiquement entre le peuple et le roi, sans crainte des disgrâces et de l'exil, qui punissaient si souvent ces résistances.

Et il faut le dire, à la gloire du Parlement de Paris, bien qu'on puisse lui reprocher bien des fautes, il n'a, le plus souvent, fait usage de ce pouvoir si grand qu'il possédait que pour la protection de la nation dont il se voyait le seul défenseur; luttant énergiquement contre les entreprises inconsidérées et irréfléchies des rois gouvernés par leurs flatteurs, ou esclaves de leurs passions; imposant un frein salutaire à leurs excès d'autorité; dressant une digue souvent protectrice contre le flot toujours montant des impôts, qui dans les derniers temps de la monarchie écrasaient les populations découragées.

Mais les services immenses qu'il avait rendus ne suffirent pas pour le sauver aux jours de la tempête. Dissous une première fois sous Louis XV, rétabli ensuite par Louis XVI, il fut définitivement supprimé au mois d'août 1790.1

1 Jetté, Le Parlement de Paris, Vol. I, Thémis, p. 286, 287, 288.

CHAPITRE VINGT-CINQUIEME

Les Ordonnances-(SUITE).

SOMMAIRE:

I. CARACTÈRE GENERAL DES ORDONNANCES SOUS LES
DEUX PERIODES DE LA MONARCHIE.

II. LUTTE DES ORDONNANCES CONTRE LE DUEL JUDICIAIRE,
LES GUERRES PRIVEES ET CONTRE LE DROIT CIVIL ET
JUDICIAIRE DE LA FEODALITE..

PAGES

181

182

III. L'EDIT DES SECONDES NOCES (1560).

185

IV. L'ORDONNance de Villers Cotterets (1539) ; L'OR-
DONNANCE D'ORLEANS (1561); L'ORDONNANCE DE
MOULINS (1566); L'ORDONNANCE DE BLOIS (1579).

V. LES ORDONNANCES ET LE DOMAINE DE LA COURONNE..

186 191

1. La législation des ordonnances, dit Esmein 1, est fort variée et présente une somme de documents considérable. Il faut comprendre sous cette dénomination, toutes les lois émanées du pouvoir royal: ordonnances, édits, déclarations et lettres-patentes.

Les ordonnances générales qui ont été rendues du XIVe au XVIIe siècle, et qui souvent sont très étendues et pleines de sages dispositions, présentent des caractères connus et distinctifs. Ce sont des ordonnances pour la réforme de l'état, et, par suite, elles contiennent des dispositions sur les matières les plus variées, parcourant successivement les diverses branches de l'administration et du gouvernement pour corriger les abus qui y avaient été signalés. Mais, en revanche, elles ne touchent qu'en certains points à chacune d'entre elles. sont pas des codifications, mais au contraire, des retouches partielles. Le plus souvent, mais non toujours, elles ont été rendues après des convocations d'Etats-généraux, sur les

1 Esmein, Cours élémentaire d'histoire du Droit français, page 779.

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