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Elles y travailleront, y vivront en commun, & y demeureront jufqu'à ce qu'elles aient trouvé une condition.

ISLE NOTRE-DAME OU SAINT-LOUIS.

Quelques Auteurs ont cru que c'étoit fous le règne de Charles VI, que vivoit un Chien, dont la mémoire mérite d'être confervée à la poftérité, par un monument qui fubfifte encore fur la cheminée de la grand'falle du Château de Montargis. D'Audiguier prétend que c'étoit un Levrier; j'en doute, attendu que le nez dans les chiens eft le mobile du fentiment; or, les Levriers n'ont pas de nez; & par conféquent, s'ils careffent un Maîs'ils fe trouvent à fon lever, à fon coucher, ce n'eft que par l'habitude, comme des courtisans, fans s'y attacher & fans l'aimer : je les crois abfolument incapables de ces traits de bonté de cœur dont je vais faire le récit.

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Aubri de Mondidier, paffant feul dans la Forêt de Bondi, est affaffiné & enterré au pied d'un arbre. Son chien reste plufieurs jours fur fa foffe, & ne la quitte que preffé par la faim. Il vient à Paris chez un intime ami du malheureux Aubri, &, par fes triftes heurlemens, femble vouloir lui annoncer la perte qu'ils ont faite. Après avoir mangé,

il recommence ses cris, va à la porte, tourne la tête pour voir fi on le fuit, revient à cet ami de fon Maître, & le tire par fon habit, comme pour lui marquer de venir avec lui. La fingularité de tous les mouvemens de ce chien, fa venue fans fon Maître qu'il ne quittoit jamais; ce Maître qui, tout-d'un-coup, a difparu; & peut-être cette diftribution de juftice & d'événemens, qui ne permet guère que les crimes reftent long-temps cachés; tout cela fit que l'on fuivit ce chien. Dès qu'il fut au pied de l'arbre, il redoubla fes cris, en gratant la terre, comme pour faire figne de chercher en cet endroit on y fouilla, & on y trouva le corps du malheureux Aubri.

Quelque temps après, il apperçoit, par hasard, l'affaffin, que tous les Historiens nomment le Chevalier Macaire : il lui faute à la gorge; & l'on a bien de la peine à lui faire lâcher prife. Chaque fois qu'il le rencontre, il l'attaque, & le pourfuit avec la même fureur. L'acharnement de ce chien, qui n'en veut qu'à cet homme, commence à paroître extraordinaire : on fe rappelle l'affection qu'il avoit marquée pour fon Maître, &, en mêmetemps, plufieurs occafions où ce Chevalier Macaire avoit donné des preuves de fa haine & de fon envie contre Aubri de Mondidier. Quelques autres circonftances augmentent les foupçons. Le Roi,

inftruit de tous les difcours que l'on tenoit, fait venir ce chien, qui paroît tranquille jufqu'au moment qu'appercevant Macaire au milieu d'une vingtaine d'autres Courtifans, il tourne, abboie, & cherche à fe jeter fur lui. Dans ces temps-là, on ordonnoit le combat entre l'Accufateur & l'Accufé, lorsque les preuves du crime n'étoient pas convaincantes: on nommoit ces fortes de combats Jugemens de Dieu, parce qu'on étoit perfuadé que le Ciel auroit plutôt fait un miracle, que de laiffer fuccomber l'innocence. Le Roi, frappé de tous les indices qui fe réunifoient contre Macaire, jugea qu'il échéoit gage de bataille, c'est-à-dire, qu'il ordonna le duel entre ce Chevalier & le Chien. Le champclos fut marqué dans l'Ifle Notre-Dame, qui n'étoit alors qu'un terrein vague & inhabité. Macaire étoit armé d'un gros bâton; le chien avoit un tonneau percé pour fa retraite & fes relancemens. On le lâche; auffitôt il court, tourne autour de fon adversaire, évite ses coups, le menace tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, le fatigue, & enfin s'élance, le faifit à la gorge, le renverfe, & l'oblige de faire l'aveu de fon crime, en préfence du Roi & de toute la Cour.

On ne fera point étonné que ce chien ait refté plufieurs jours fur la foffe de fon Maître, ni qu'il ait marqué de la fureur à la vue de fon affaflin :

il recommence fes cris, va à la porte, tourne la tête pour voir fi on le fuit, revient à cet ami de fon Maître, & le tire par fon habit, comme pour lui marquer de venir avec lui. La fingularité de tous les mouvemens de ce chien, fa venue fans fon Maître qu'il ne quittoit jamais; ce Maître qui, tout-d'un-coup, a difparu; & peut-être cette diftribution de juftice & d'événemens, qui ne permet guère que les crimes reftent long-temps cachés; tout cela fit que l'on fuivit ce chien. Dès qu'il fut au pied de l'arbre, il redoubla fes cris, en gratant la terre, comme pour faire figne de chercher en cet endroit on y fouilla, & on y trouva le corps du malheureux Aubri.

Quelque temps après, il apperçoit, par hafard, l'affaffin, que tous les Hiftoriens nomment le Chevalier Macaire: il lui faute à la gorge; & l'on a bien de la peine à lui faire lâcher prife. Chaque fois qu'il le rencontre, il l'attaque, & le pourfuit avec la même fureur. L'acharnement de ce chien, qui n'en veut qu'à cet homme, commence à paroître extraordinaire : on fe rappelle l'affection qu'il avoit marquée pour fon Maître, &, en mêmetemps, plufieurs occafions où ce Chevalier Macaire avoit donné des preuves de fa haine & de fon envie contre Aubri de Mondidier. Quelques autres circonftances augmentent les foupçons. Le Roi,

ils étendirent les bras en croix : le peuple, dévotement attentif, parioit tantôt pour l'un, l'un, tantôt pour l'autre l'homme de l'Évêque fe laffa le mier, baiffa les bras, & lui fit perdre fon procès (1).

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L'épreuve, ou le Jugement de Dieu par l'eau froide, confiftoit à jeter l'accufé dans une grande & profonde cuve pleine d'eau, après lui avoir lié la main droite au pied gauche, & la main gauche au pied droit; s'il enfonçoit, on le croyoit innocent; s'il furnageoit, c'étoit une preuve que l'eau qu'on avoit eu la précaution de bénir, le rejettoit de fon fein, étant trop pure pour y recevoir un cou. pable.

Celui que l'on condamnoit à l'épreuve, ou Jugement de Dieu (2) par le feu, étoit obligé de porter à neuf, & quelquefois à douze pas, une barre de fer rouge, pefant environ trois livres. Cette épreuve fe faifoit auffi en mettant la main dans

(1) Parmi plufieurs moyens qu'emploient les Siamois, pour connoître de quel côté eft la juftice dans les affaires civiles ou criminelles, ils fe fervent fur-tout de certaines pillules purgatives qu'ils font avaler aux deux parties: celle qui les garde le plus long-temps dans fon eftomac, fans les rendre, gagne fon procès. Hiftoire des Voyages.

(2) On dit encore tous les jours, pour affirmer un fait, j'en mettrois ma main au feu : cette folle expreffion vient, fans doute, de l'ufage de cette épreuve.

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