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et se trouvant, par les circonstances, en 92, à la tête du plus grand commandement militaire, était du parti qui voulait attendre que la déclaration de guerre nous fût faite par les puissances étrangères. Mais alors nos principes, nos amis, nos auxiliaires naturels n'étaient pas compromis dans les autres pays.

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Il y a quelque temps que je me plaignais à cette tribune de ces dénominations inexactes de république et de monarchie, qui contribuaient à fausser et à embrouiller les idées sur les conditions essentielles, sur les droits imprescriptibles de la liberté, en les portant sur des combinaisons secondaires des gouvernements. Aujourd'hui je me plains de cette distinction qu'on fait entre les amis de la guerre et les amis de la paix. Je ne suivrai pas M. le ministre dans son éloquent discours. Je n'aime pas ces discussions avec lesquelles on se jette des injures à la tête.

Et, par exemple, lorsqu'on nous reproche de vouloir la guerre à tout prix, d'en attirer tous les malheurs sur notre pays, tandis que nous ne voulons que défendre son indépendance, sa liberté, son principe vital et Thonneur national, ne pourrions-nous pas accuser à notre tour, bien injustement, sans doute, les amis de la paix à tout prix, de vouloir se faire pardonner, dans les cours de l'Europe, notre révolution populaire de juillet, en calmant l'élan de la liberté dans l'intérieur, et en la laissant étouffer dans les pays étrangers?

Laissons ces accusations, injustes des deux parts; mais je persiste à demander à M. le ministre des affaires étrangères s'il est vrai ou s'il n'est pas vrai qu'il a déclaré officiellement que le gouvernement français ne consentirait jamais à l'entrée des Autrichiens dans les pays actuellement insurgés de l'Italie.... »

M. le ministre des affaires étrangères, de sa place: « Entre ne pas consentir et faire la guerre, il y a une grande différence.

M. de Lafayette: Et moi, Messieurs, je persiste à dire qu'après une telle déclaration officielle, laisser ainsi violer l'honneur de cette déclaration en se contentant de s'écrier: Non, je n'y consens pas, n'est pas compatible avec la dignité et l'honneur du peuple français. »

Voir à gauche : « Très bien! très bien!

M. le ministre des affaires étrangères, de sa place: « La Chambre me rendra, je l'espère, la justice de penser que je n'ai fait allusion à aucun des membres qui ont parlé, et surtout que je ne leur ai adressé aucun reproche, tandis que les reproches les plus amers ont été adressés à la politique du gouvernement. Messieurs, le gouvernement ne peut ni ne doit faire connaître ce qui se trouve dans ses dépêches, dans ses négocia tions. L'orateur qui vient de parler a un sentiment trop exquis des convenances pour en douter un seul instant. Je connais la carrière glorieuse qu'il a parcourue; je sais qu'il n'appelle pas la guerre sur son pays, et qu'il la ferait si elle devenait indispensable. Mais qu'il nous rende aussi la justice de croire que nous aussi nous l'accepterions avec empressement, de quelque part qu'elle nous vint, si l'honneur, la dignité nationale, la juste appréciation des intérêts de la France l'exigeaient.» (Marques d'adhésion.)

Après ces discours, la discussion, qui avait pour point de départ le projet de loi relatif aux douzièmes, fut close, ou plutôt ajournée. La Chambre décida qu'une commission nouvelle, composée de neuf membres, serait nommée pour faire

un rapport, tant sur la loi des douzièmes que sur le dernier projet de loi présenté par M. le baron Louis.

Diverses propositions occupèrent ensuite la Chambre des députés.

La première, présentée par M. de Cormenin, et destinée à empêcher le cumul des traitements de plusieurs fonctions, emplois ou commissions, à quelque titre et sous quelque prétexte que ce soit, fut discutée et adoptée (21 mars): mais lorsqu'elle fut soumise à la Chambre des pairs, M. le duc de Broglie, rapporteur de la commission chargée de son examen, en proposa le rejet (14 avril), en exprimant toutefois l'opinion qu'il serait utile d'insérer à l'avenir, dans les lois de finances, une disposition qui obligeât le gouvernement à faire imprimer et distribuer chaque année la liste des personnes titulaires de plusieurs fonctions, avec la désignation des diverses fonctions dont chacune serait investie de la sorte, la publicité ferait justice de tous les abus. La Chambre des pairs ne prit pas d'autre décision sur la proposition, qui se trouva ainsi tacitement rejetée.

Une autre proposition du même auteur, M. de Cormenin, relative à l'organisation du Conseil d'État, tendait à réformer les ordonnances des 2 février et 12 mars dernier, qui, au lieu de se borner à établir la publicité des séances du comité du contentieux, disposaient que les affaires contentieuses seraient discutées dans une séance générale du Conseil d'État, et que les maîtres des requêtes y rempliraient les fonctions du ministère public.

Cette proposition ayant été prise en considération, fut discutée le 22 mars. En réponse aux critiques adressées aux ordonnances du 12 mars et du 2 février, qui, suivant M. Odilon-Barrot, dénaturaient absolument le Conseil d'État. M. le garde des sceaux fit observer que les articles 21 et 25 du décret du 11 juin 1806 disaient précisément que le comité du contentieux ne ferait que préparer un avis, et que le Conseil d'État prononcerait en assemblée générale. En définitive, la

proposition ne fut pas admise. M. Dubois-Aymé en avait présenté une autre, tendant à ce que les salaires, traitements, remises, dotations et pensions, payés par le trésor public, sauf quelques exceptions spécifiées, subissent, jusqu'au 1er janvier 1832, des retenues proportionnelles, également spécifiées dans un tableau. Prise en considération (22 mars), cette proposition fut examinée et discutée à l'occasion de la loi sur les contributions extraordinaires, amendée par la commission, et dans le cours de la discussion même, elle devint l'article 7 de ladite loi.

23 et 24 mars. Dans la séance du 18 février, à propos de l'émeute soulevée par le service funèbre du duc de Berri, M. Barthe, alors ministre de l'instruction publique, avait parlé du conseil adressé au ministère de présenter une loi qui prononçat le bannissement de la famille déchue, et il avait ajouté que si une proposition analogue partait du sein des Chambres, le gouvernement s'empresserait d'y donner son adhésion, mais qu'il n'en prendrait pas l'initiative. C'est pour répondre à cette invitation', que, dans la séance du 15 mars, M. Baude, ex-préfet de police, lut une proposition ainsi conçue;

• Art. 1o. L'ex-roi, Charles X, ses descendants et les alliés de ses descendants, sont bannis à perpétuité du territoire français, et ne pourront y acquérir, à titre onéreux ou gratuit, aucun bien, y jouir d'aucune rente ou pension.

Art. 2. Les personnes désignées dans l'article précédent sont tenues de vendre dans les six mois, à partir de la promulgation de la présente loi, tous les biens, sans exception, qu'elles posséderaient en France.

Art. 3. Si la vente desdits biens n'est pas effectuée dans le délai prescrit, il y sera procédé dans les formes déterminées pour l'aliénation des biens de l'État, par l'administration des domaines. Le produit des ventes, déposé à la caisse des consignations, sera tenu à la disposition des fondés de pouvoir des anciens propriétaires, déduction faite du montant des droits des créanciers et des dommages qui seraient exigibles en raison des événements du mois de juillet 1830. »

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Le lendemain, M. Baude développa sa proposition, qui fut appuyée, ainsi qu'on l'a vu, par le président du conseil (page 161). M. Berryer se leva pour la combattre il s'étonnait et s'affligeait de cet acte qu'on demandait à la Chambre, comme pour agiter ses derniers jours, et qui n'était pas seulement un acte

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législatif, mais en quelque sorte judiciaire. Il en cherchait vainement la raison politique. Suivant l'orateur, la loi proposée était propre à blesser les sentiments, les consciences. Elle lui semblait n'avoir pour but que de concourir avec les associations qui s'élevaient de toutes parts, et sous tous les prétextes, pour enrégimenter, classer les citoyens en présence les uns des autres. Avant que le ministère eût pris la parole, M. Berryer regardait la mesure projetée comme un piége tendu aux nouveaux ministres, comme une proposition insidieusement faite à la Chambre. En résumé, il la jugeait inutile, dangereuse, capable de troubler la paix et de jeter de mauvais germes pour l'avenir.

Dans le débat qui s'engagea, M. Odilon-Barrot rappela l'attention de la Chambre sur une phrase prononcée par lui en discutant la loi électorale : « La Chambre nouvelle, avait-il «dit, aura peut-être tout à la fois à remplir les devoirs de la <«<Constituante et des devoirs encore plus rigoureux. » Des murmures violents, des interpellations, des cris à l'ordre! avaient accueilli cette phrase, commentée d'ailleurs par les journaux, et à laquelle un orateur, en combattant la proposition de M. Baude, venait encore de faire allusion. M. Odilon-Barrot se défendait fortement d'avoir voulu indiquer, par ces mots, des devoirs encore plus rigoureux, la sanglante mission que la Convention avait accomplie. S'expliquant sur la mesure proposée, il ne concevait pas qu'on réclamât le bénéfice de la qualité de citoyens français pour des personnages qui s'étaient mis en état d'hostilité flagrante contre la France. Malgré les efforts de quelques orateurs, dont l'un, M. d'Escayrac-Lauture, soutenait que désormais les relations des membres de la branche aînée des Bourbons avec la France n'étaient plus que celles « de simples propriétaires, qui reçoivent ce qui peut à «peine suffire à leur existence», la proposition fut prise en considération à une majorité considérable. Trente ou quarante membres du centre droit seulement se levèrent contre; plusieurs députés assis au centre ne votèrent pas.

M. Girod (de l'Ain), rapporteur, s'attacha d'abord à déterminer la nature de la proposition: ce n'était pas un jugement que la Chambre serait appelée à prononcer; ce n'était pas un acte de colère et de vengeance; mais une mesure de haute politique, d'autant plus imposante, d'autant plus efficace, qu'elle ne serait point dictée par la crainte, et qu'aucune passion n'en altérerait le caractère.

. Le bannissement, dit-il, vous est proposé; mais, bien que la proposition ait pu ne vouloir lui attribuer d'autre effet que celui de l'exclusion, par cela seul que le bannissement est une peine, et que l'application de dispositions pénales, qui ne saurait résulter que d'un jugement, enleverait à la mesure que nous discutons le caractère que vous devez vouloir lui imprimer, votre commission a cru convenable d'amender la proposition sur ce point.

Devions-nous attacher à l'exclusion la sanction d'une peine? Nous ne l'avons pas jugé nécessaire. Si les personnes frappées de l'exclusion rentraient sur notre territoire sans intentions hostiles, ce qui est trop invraisemblable, il suffirait de les en expulser, nous ne devons les y souffrir dans aucune position; si, au contraire, elles apparaissaient sur le sol français pour y tramer des complots, ou si elles tentaient d'y pénétrer à main armée, elles subiraient les conséquences de leur témérité : les lois y ont pourvu.

• Des considérations de même nature nous ont empêché d'interdire, par une disposition générale, et sous de certaines peines, les communications que des Français pourraient avoir avec les personnes dont nous nous occupons. En effet, si dans ces communications il pouvait en être d'innocentes, sans danger pour l'Etat, il ne serait pas juste de les punir; si elles peuvent être qualifiées d'intelligences coupables, les dispositions des lois existantes leur seront appliquées, et nous devons nous en rapporter à la surveillance sévère du gouvernement pour les réprimer.

- Les personnes ainsi, et pour de tels motifs, exclues de notre territoire, ne pouvaient conserver la qualité de Français. Elle se trouvent d'ailleurs dans un cas analogue à celui qui est prévu par l'art. 17 du code civil; puisque l'esprit de retour ne peut leur être permis, nous avons pensé qué cet article devait leur être appliqué.

⚫ Cessant d'être Français, notre territoire leur demeurant interdit, ils devenaient incapables d'y acquérir des biens ou des revenus qu'ils n'auraient pu administrer par eux-mêmes, et qu'il eût été dangereux de laisser régir par des agents qui auraient trop facilement couvert leurs manœuvres politiques du voile de cette gestion. On concevrait encore moins que des pensions puissent leur être accordées. Les prohibitions que contient à cet égard la proposition nous ont paru justifiées, et nous les avons main

tenues..

La commission proposait d'ailleurs quelques modifications en ce qui touchait l'aliénation des biens appartenant à l'ex-roi et à sa famille, et la conservation des revenus. La commission

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