Page images
PDF
EPUB

cheminée, par des canaux en planches construits au-dessus du plafond de la salle.

Les salles de spectacle sont dévouées à l'incendie; telle est, tôt ou tard, leur destinée, et bien peu parviennent à s'y soustraire. Leurs matériaux sont combustibles au premier degré ; des feux nombreux y sont allumés; enfin on ne peut les surveiller comme on fait dans les habitations particulières. Elles font courir le danger du feu au public pendant les représentations et, en tout temps, aux maisons voisines. Divers moyens sont en usage pour atténuer ces chances. Dans quelques théâtres, un rideau métallique, tombant tout-à-coup du cintre, isolerait les spectateurs de la scène enflammée et les mettrait à l'abri. Des réservoirs, constamment remplis d'eau, sont placés dans les combles de la salle; des tuyaux en cuir sont auprès, et tout est disposé pour que l'eau puisse être lancée promptement sur le point enflammé. Pendant les hivers rigoureux, les tuyaux et les réservoirs gèlent : c'est un inconvénient grave si le feu vient à éclater. M. Gaultier de Claubry a proposé de maintenir à une température de 20 à 25° l'eau des réservoirs, en faisant traverser ceux-ci par les tuyaux des appareils de chauffage; moyen simple, qui n'occasionne aucune dépense, et dont rien ne peut empêcher l'effet, puisque la congélation n'est à craindre qu'au temps où le chauffage des salles est indispensable. Une toiture en fer serait un moyen préservatif bien meilleur.

CHAPITRE VI.

DES ÉTABLISSEMENTS ET DES LIEUX A ÉMANATIONS INCOMMODES, DANGEREUSES ET INSALUBRES.

§ 1. L'industrie peut être nuisible de différentes manières : tantôt elle attaque la santé des hommes, tantôt elle compromet les commodités de la vie sociale. Dans l'un et l'autre cas, le dommage qu'elle occasionne peut exister à des degrés différents; il y a lieu dès lors à répartir dans des catégories spéciales les nombreux ateliers auxquels la législation des établissements incommodes ou dangereux est applicable. Quand les inconvénients de l'usine sont très grands et d'une nature telle, que la salubrité publique est gravement menacée, l'éloignement des habitations d'une industrie aussi redoutable est une condition rigoureuse. Dans les autres cas, qui sont nombreux, la législation transige avec les arts et métiers, et les assujétit à des formalités d'espèces différentes, selon que la propriété et la salubrité ont à leur demander plus ou moins de garanties.

On comprend maintenant quel est l'esprit de la législation : elle distribue en trois classes les établissements incommodes, dangereux et insalubres, et définit, pour chacun, sa manière d'être insalubre ou incommode..

Les établissements de la première classe ne peuvent être tolérés dans le voisinage des habitations particulières; leur formation n'est permise qu'en vertu d'une ordonnance royale rendue en Conseil d'Etat. A cette catégorie appartiennent la fabrication des acides sulfurique, hydrochlorique, nitrique, ainsi que celle des cendres gravelées et de divers produits chimiques; les fonderies de suif en branche à feu nu, les ateliers pour la préparation des taffetas, cuirs et tissus cirés ou vernissés; les ateliers d'écarrisseurs, de boyaudiers, tripiers;

hi

ceux dans lesquels on confectionne le noir animal, la colle-forte, le bleu de Prusse, les engrais cruoriques, l'orseille, l'amidon; les ateliers des artificiers et ceux dans lesquels on fabrique en grand les briquets phosphoriques, et les différentes espèces de pâtes fulminantes. Les inconvénients que la législation leur reconnaît sont la viciation de l'air par le dégagement, dans l'atmosphère, d'émanations dangereuses pour la santé, le danger d'un incendie, une odeur d'une insupportable fétidité; aussi leur établissement n'est-il possible qu'après l'accomplissement de formalités longues et multipliées. Adressée au préfet, la demande de l'industriel est affichée par l'ordre des maires des communes à cinq kilomètres de rayon, autour de l'emplacement proposé, pour l'atelier de première classe. Ces affiches demeurent en place pendant un mois, et, durant ce temps, les oppositions sont reçues dans chaque mairie et inscrites sur un registre particulier. Ce délai expiré, l'autorité locale fait dresser un procès-verbal de commodo et incommodo, et transmet au préfet toutes les pièces, au nombre desquelles se trouve l'avis motivé du maire ou du sous-préfet. Le préfet renvoie le dossier au Conseil de salubrité, qui nomme une Commission pour apprécier les oppositions et faire une enquête directe sur les lieux mêmes. Après avoir vérifié tous les faits et interrogé les opposants, cette Commission lit son travail au Conseil de salubrité, qui met en discussion le rapport et approuve ou rejette les conclusions des commissaires. Le Conseil donne un avis favorable ou défavorable sur la demande de l'industriel, et renvoie au préfet toutes les pièces, augmentées de son rapport. S'il existe des oppositions, et c'est le cas ordinaire, après avoir été jugées par le Conseil de salubrité, elles sont soumises à l'appréciation du Conseil de préfecture, qui n'est aussi appelé qu'à donner un avis. Cette opinion n'est point un jugement contre lequel l'atelier condamné ait à se pourvoir; elle est communiquée officieusement à l'industriel, qui se désiste ou persiste dans ce dernier cas, toutes les pièces de l'instruction sont adressées au ministre du commerce. S'il y a lieu à autorisation, elle est accordée par une ordonnance royale rendue en Conseil d'Etat, et transmise au préfet par le ministre, qui retient le rapport du Conseil de salubrité. Cette ordon

nance est définitive et il n'y a point de recours contre elle hors le cas, expressément enregistré dans le décret du 15 octobre 1810, où, nonobstant l'avis du Conseil de salubrité, la santé publique serait compromise. Un plan de l'atelier en projet est joint ordinairement aux pièces du dossier. Si, n'ayant pas attendu le résultat de ces démarches en autorisation, l'industriel a fait construire son atelier, il est contraint, sinon de le démolir, du moins de n'en faire aucun usage, lors que sa demande a été rejetée : cette circonstance s'est présentée plusieurs fois.

Les établissements de seconde classe sont ceux dont l'éloignement des habitations n'est pas rigoureusement nécessaire, mais dont il importe néanmoins de ne permettre la formation, qu'après avoir acquis la certitude qu'on n'y pratique aucune opération de nature à incommoder les propriétaires voisins, ou à leur causer des dommages. A cette catégorie appartiennent les fours à chaux et à plâtre lorsqu'ils sont permanents, les machines à vapeur dites à haute pression, les usines pour la fabrication en grand du gaz hydrogène carboné destiné à l'éclairage, les ateliers de corroyeurs, de tanneurs, de chapeliers, les fonderies en grand au fourneau à réverbère, les fabriques de sulfate de fer et de zinc, de sulfate de soude à vases clos, de phosphore, de fausse bijouterie, de mastic bitumineux, de chandelles et de bougies stéariques, les ateliers pour le dérochage et le décapage du cuivre, industries diverses que les Conseils de salubrité ont souvent étudiées.

Ni les unes ni les autres ne sauraient être dangereuses pour la santé; elles ne sont jamais nuisibles; mais plusieurs, très incommodes, ont des inconvénients graves, qui sont la fumée, le bruit, le danger du feu et la mauvaise odeur. Toute demande en autorisation pour un établissement de seconde classe doit être adressée au sous-préfet, ou au préfet, qui la transmet au maire de la commune, chargé de procéder à une enquête de commodo et incommodo, et invité à donner son avis motivé. Cette formalité accomplie, le Conseil de salubrité émet son opinion, selon la manière qui a été indiquée, et le préfet statue par un arrêté. Si l'industriel voit sa demande repoussée, il peut se pourvoir contre la décision du préfet, devant le Conseil de préfecture,

et, s'il est encore condamné, il a le droit d'attaquer le jugement du Conseil de préfecture par-devant le Conseil d'Etat. Le même recours est à la disposition des opposants: une ordonnance royale n'est pas nécessaire pour les établissements de seconde classe.

Ceux de troisième classe sont les ateliers qui peuvent rester sans inconvénient auprès des habitations particulières, mais qui doivent cependant être soumis à la surveillance du préfet, qui les a autorisés. Cette catégorie comprend les fours à chaux et à plâtre qui ne travaillent pas plus d'un mois dans l'année, les fours pour briqueteries, poteries et tuileries, les fabriques de gélatine et de colle de poisson, les fonderies au creuset, les ateliers de teinture, etc. Les autorisations sont accordées par le préfet d'après l'avis du maire, l'enquête de commodo et incommodo et le rapport du Conseil de salubrité les réclamations, si elles interviennent, sont jugées par le Conseil de préfecture. Quelques établissements de troisième classe peuvent être fort incommodes.

Il n'y a rien d'absolu dans cette classification, en ce sens qu'une même industrie, dont les procédés sont perfectionnés, peut passer d'une catégorie dans une autre moins surveillée. C'est ainsi que des Conseils de salubrité, consultés, ont émis une opinion favorable à la translation de l'orseille, traitée directement par l'ammoniaque, de la première classe dans la troisième; ainsi, le suif fondu à vases clos cesse d'appartenir à la première classe; ainsi, la chaux fabriquée au coke passe de la seconde dans la troisième.

Assez souvent des arts nouveaux se produisent et demandent à être classés; alors le préfet consulte son Conseil de salubrité, qui émet son opinion; c'est le ministre du commerce qui statue. Ces nouvelles industries, ainsi reconnues, sont comprises dans des états supplémentaires que le ministre du commerce annexe au tableau général des établissements incommodes, insalubres ou dangereux.

Toute la sécurité des établissements industriels, ainsi enregistrés, est dans l'autorisation qu'ils ont obtenue. Quelle est la force de cette permission? l'autorisation est-elle absolue et définitive? c'est ce qu'il importe d'examiner.

« PreviousContinue »