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caisses de pensions en faveur des veuves et des orphelins, par Département ministériel ou pour certains ordres de fonctionnaires. La loi, après avoir déterminé les bases sur lesquelles seraient constituées les caisses, a ajouté (art. 30) qu'en aucun cas elles ne pourraient être subventionnées par le trésor public. Il résulte de cet état de choses un problème dont la solution est fort compliquée et difficile, mais qu'il est de notre devoir de tâcher de résoudre : c'est l'équilibre à observer entre les dépenses et les recettes des caisses; ce problème est d'autant plus ardu que presque partout on s'est trompé, comme à plaisir, sur l'élévation des charges que ces institutions entraînent. On a vu qu'en Prusse elles dépassaient, en 1857, 4 millions huit cent trente mille francs. L'État, pour combler le déficit, y est obligé de suppléer annuellement au manquant des recettes par une somme de plus de 2 millions 600 mille francs.

Nous avons donc considéré comme une étude digne d'attention la situation des caisses des veuves et orphelins, en Belgique; le sort d'un grand nombre d'intéressés est attaché à la prospérité de ces caisses. Mais il est, de plus, une responsabilité morale pour le Gouvernement qui les a instituées, pour ceux dont le Gouvernement a recueilli l'avis, et qui ont contribué, pour une part plus ou moins grande, mais toujours honorable, à la fondation d'une institution à laquelle se rattachent tant d'existences.

Avant d'entrer dans le détail des opérations des caisses, nous allons en décrire l'organisation, et montrer de combien de garanties a été entourée la préparation de la loi de 1844 et des statuts qui en ont assuré l'exécution.

CHAPITRE III.

ÉTABLISSEMENT DES CAISSES DES VEUVES ET ORPHELINS EN BELGIQUE.

$ 1er.

Principes consacrés par la loi du 21 juillet 1844.

L'article 139 de la Constitution avait rangé la révision de la liste des pensions parmi les objets auxquels il était nécessaire de pourvoir dans un bref délai. Mais

il était un intérêt plus important encore: l'adoption d'un régime uniforme pour les pensions civiles. Aussi, dès que les événements le permirent, le 10 février 1838, M. le baron d'Huart, alors Ministre des finances, déposa à la Chambre des Représentants un projet de loi, où il admettait le principe des rémunérations civiles, frappait les traitements d'une retenue, et introduisait le système de la réversibilité des pensions en faveur des veuves'.

La discussion de ce projet à la Chambre des Représentants, en janvier et février 1841, suivie du rejet de la loi à la majorité de 39 voix contre 34, eut au moins pour résultat d'établir les principes qui doivent servir de base à la législation sur les pensions. Dans le cours de la discussion, le Ministre des finances (c'était alors M. Mercier) proposa trois amendements qui établissaient nettement ces principes, et que la Chambre adopta. Ces amendements se résumaient ainsi qu'il suit :

1o Supprimer la caisse de retraite existante près du Ministère des finances, et mettre à la charge du trésor le service de ses pensions;

2o N'accorder des pensions sur le trésor qu'aux magistrats, fonctionnaires et employés de l'État;

3o Créer, près de chaque Département, une ou plusieurs caisses spéciales de pensions au profit des veuves et des orphelins.

L'année suivante, M. Smits, qui avait succédé à M. Mercier comme Ministre des finances, fit rédiger deux projets, dont l'un était en grande partie calqué sur celui qui semblait avoir obtenu l'assentiment de la Chambre dans ses dispositions principales. Ce projet mettait les pensions des fonctionnaires et autres agents de l'administration à la charge du trésor public; il créait des caisses spéciales pour les veuves et les orphelins. Le second projet réglait les droits à la pension des fonctionnaires, et ceux de leurs veuves et de leurs orphelins, en établissant des retenues au profit du trésor. Le Ministre de l'intérieur (M. le comte de Theux), consulté sur ces deux projets, préféra le second, nous ne savons pour quel motif. Profitant de ces observations, le Ministre des finances fit rédiger sur ces bases un troisième projet qui fut communiqué aux différents Départements ministériels. Ce dernier projet donna lieu, à son tour, à des observations portant principalement sur ses dispositions fondamentales. Au milieu de ces difficultés, M. Mercier, redevenu Ministre des finances, réunit le 10 octobre 1843 une commission, où il appela à siéger plusieurs Représentants et des délégués des différents Départements. Le travail de cette commission (dont l'auteur de ce Mémoire a eu l'honneur d'être rapporteur avec MM. J. Malou et Quoilin) fut remis à M. le Ministre des finances le 14 jan

Le Moniteur belge a reproduit, dans son numéro du 24 janvier 1841, le projet de M. d'Huart, celui de la section centrale et le projet de loi français sur les pensions civiles présenté en 1840.

vier 1844. Il fut présenté, avec quelques modifications, à la Chambre des Représentants, dans sa séance du 16 janvier; mais M. Malou ayant été nommé rapporteur de la section centrale, la plupart des dispositions primitives du projet furent rétablies.

La loi adoptée par les deux Chambres, et qui porte la date du 21 juillet 1844, a consacré comme principes distincts: 1° L'obligation de l'État de rémunérer les bons et loyaux services de ses fonctionnaires, lorsque l'âge ou les infirmités les mettent hors d'état de continuer leurs fonctions; 2o La création de caisses de pensions, alimentées par des retenues sur les traitements, au profit des veuves et des orphelins des magistrats, fonctionnaires ou employés. En même temps l'on supprima la caisse de retraite du Ministère des finances, et le passif en fut mis à la charge de l'État. La caisse du pilotage fut conservée, mais seulement au profit des veuves et des orphelins des pilotes et des employés du pilotage. Elle fut réorganisée par l'arrêté royal du 10 décembre 1844. Les autres caisses des veuves et orphelins ne furent supprimées que lors de l'établissement des caisses nouvelles.

Nous ne parlerons pas ici de ce qui concerne les pensions de retraite. Nous nous bornerons à reproduire les articles qui s'appliquent aux caisses des veuves et orphelins :

TITRE II.

DES PENSIONS DES VEUVES ET ORPHELINS.

CHAPITRE PREMIER.

Établissement de caisses de pensions.

ART. 29. Il sera institué, par le Gouvernement, des caisses de pensions au profit des veuves et des orphelins des magistrats, fonctionnaires ou employés rétribués par le trésor public, et des ministres des cultes auxquels le mariage est permis.

ART. 30. Ces caisses seront alimentées au moyen de retenues faites sur les traitements et suppléments de traitement.

En aucun cas, elles ne pourront être subsidiées par le trésor public.

ART. 31. Tous les magistrats, fonctionnaires et employés, rétribués par le trésor public, ainsi que les ministres des cultes désignés à l'article 29, contribueront à la caisse qui leur sera assignée.

ART. 32. L'avoir des caisses de pensions, sauf les sommes nécessaires pour le service courant, sera placé en rentes sur l'État ou en obligations du trésor.

ART. 35. Les statuts organiques des caisses, arrêtés par le Roi et insérés au Bulletin officiel, détermineront :

1° Les fonctionnaires ressortissant à une même caisse;

2o Le taux des retenues à prélever sur les traitements et suppléments de traitement, d'après les bases indiquées au chapitre suivant;

3o Les conditions d'admissibilité à la pension des veuves ou orphelins, ainsi que les règles qui serviront à la liquidation de leurs pensions;

4° Les cas de déchéance;

5o Le mode d'administration des caisses.

CHAPITRE II.

Revenus des caisses de pensions.

ART. 34. Les revenus des caisses de pensions se composeront des ressources indiquées ci-après, telles qu'elles seront déterminées cumulativement ou séparément pour chaque caisse, par arrêté royal :

1° Retenue de 5 p. % au plus sur les traitements et suppléments de traitement, sur les remises et sur les émoluments, sans pouvoir excéder une somme annuelle de 500 francs par traitement;

2o Retenue du premier mois, au plus, de tout traitement ou supplément de traitement, des remises ou émoluments accordés à l'avenir;

3° Retenue, pendant un mois au moins et trois mois au plus, de toute augmentation de traitement ou supplément de traitement, d'émoluments ou de remises;

4o Retenues sur les traitements, opérées en vertu des lois ou règlements pour congé, absence ou punition disciplinaire;

5o Parts assignées par les lois ou règlements dans les amendes, saisies, confiscations, ou tout autre produit;

6o Retenues sur les pensions de retraite des magistrats, fonctionnaires ou employés, mariés ou ayant des enfants mineurs;

7o Retenues sur les traitements et suppléments de traitement, équivalant au montant d'une année de la pension éventuelle des veuves.

Cette dernière contribution pourra être payée en un ou plusieurs termes, selon ce qui sera déterminé dans les statuts arrêtés par le Roi.

TOME VIII.

3

ART. 35. Les magistrats, fonctionnaires ou employés démissionnés ou démissionnaires, pourront conserver à leurs femmes et à leurs enfants mineurs des droits éventuels à la pension, en souscrivant l'engagement, dans le délai qui sera assigné, de continuer les versements à la caisse, et en opérant ces versements.

TITRE III.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

CHAPITRE II.

Pensions des veuves et orphelins.

ART. 51. Les pensions des veuves et orphelins sont à la charge de la caisse à laquelle le défunt a contribué.

ART. 52. Aucune pension ne sera accordée que par un arrêté royal, rendu sur le rapport du Ministre au Département duquel ressortit la caisse.

ART. 53. Les pensions prennent cours à partir du premier du mois qui suit le décès. Les dispositions des articles 44 et 45 ci-dessus leur sont applicables 1.

ART. 54. Nulle pension ne peut excéder la moitié du traitement du défunt, ni un maximum de 4,000 francs.

1

ART. 35. Toute veuve qui se remarie perd ses droits à la pension 2.

ART. 56. La femme qui se marie avec un pensionnaire ou avec un magistrat, fonction

Art. 44. Les pensions seront payées par trimestre, sur certificat de vie des parties pre

nantes.

» Elles seront acquittées intégralement pour tout mois commencé.

» Les certificats de vie seront délivrés par l'autorité communale du lieu de la résidence du

>> pensionnaire; ils le seront sans frais pour les pensions n'excédant pas six cents francs.

D

» Art. 45. Les pensions ou les quartiers ne peuvent être saisis, et ne sont cessibles que

jusqu'à concurrence d'un cinquième pour dette envers le trésor public, et d'un tiers pour

» les causes exprimées aux articles 203, 205 et 214 du Code civil. »

2 Cette disposition a été modifiée par la loi du 18 décembre 1857 (Moniteur belge du 20 décembre), ainsi conçue :

« Article unique. Par dérogation à l'art. 55 de la loi du 21 juillet 1844, la veuve sans enfants qui se remarie, conserve la moitié de sa pension.

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