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donnances du roi ou des arrêts du conseil dénués de pénalité, parce que celle qu'ils renferment est restée inefficace faute d'enregistrement? Pourrat-on, même depuis la promulgation de l'article 471, enfreindre impunément leurs dispositions régle

mentaires?

Nous avons vu que ces dispositions sont devenues obligatoires par le seul fait de leur publication, comme celles des ordonnances et arrêts du conseil, qui ne statuaient aucune peine spéciale; la cour de cassation l'a reconnu dans l'arrêt du 24 juillet 1834, en déclarant la pénalité de l'ordonnance du 31 octobre 1744 inapplicable en Normandie faute d'enregistrement; non-seulement elle a jugé que cette ordonnance, contenant des dispositions réglementaires, avait pu par elle-même devenir obligatoire sous le rapport de ces dispositions, mais encore elle a appliqué aux infractions dont elle était l'objet les peines portées à une ordonnance de 1729, enregistrée au parlement. Ces dispositions réglementaires, étant obligatoires comme celles des règlements qui n'ont en eux-mêmes aucune peine spéciale, doivent trouver, comme celles-ci, leur sanction dans l'article 471 du Code pénal. Cette conséquence est inévitable; aussi nous ne balançons pas à penser que les tribunaux pourront et devront recourir à cet article pour réprimer les infractions faites aux règlements royaux, dont la pénalité est restée inerte faute d'enregistrement. I importe peu que le roi ou son conseil aient ajouté à des dispositions réglementaires qu'ils avaient le pouvoir de prendre une répression dont l'exécution demeurait subordonnée à la vérification des parlements. L'inefficacité de la sanction ne peut pas réagir sur la force obligatoire de la partie réglementaire pour l'amoindrir ou l'effacer. Chacune de ces dispositions conserve, indépendamment l'une de l'autre, le caractère qui lui est propre. Un règlement de police n'est pas nul dans son entier, parce qu'il renferme quelques prescriptions contraires à la loi. Ainsi, comme nous l'avons dit dans un autre paragraphe, la cour de cassation a jugé que l'arrêté de police qui réservait à une seule entreprise la vidange des fosses d'aisances n'était pas obligatoire, et en même temps elle a jugé que le voisinage de cette illégalité ne diminuait en rien la force obligatoire des autres dispositions contenues dans l'arrêté, et que celles-ci devaient être appliquées comme si elles n'étaient pas précédées de cette prescription illégale.

En résumé, les dispositions réglementaires des ordonnances du roi et arrêts du conseil étaient par elles-mêmes et peuvent être encore obligatoires dans toute l'étendue du royaume; les dispositions pénales de ces règlements royaux n'étaient et ne pourront être exécutoires que dans les localités dépendant de l'ancienne circonscription des parlements qui les auront enregistrées; ceux de ces règlements qui n'avaient pas, dans l'ancienne législation, de sanction pénale, ou parce qu'ils n'en portaient pas en eux-mêmes, ou parce que celle qu'ils renfermaient était restée inefficace faute d'enregistrement, en pourront avoir une aujourd'hui dans l'article 471 cíté plus haut.

Pour en finir avec les règlements royaux, nous n'avons plus que quelques mots à dire sur la manière dont se fera la preuve de l'enregistrement, dans les cas où elle sera nécessaire.

Cette preuve résultera, ou du certificat délivré par le fonctionnaire qui aura la garde des archives du parlement, ou de la publication de l'édit, ou de l'arrêt dans le Recueil des édits, déclarations, lettres patentes, arrêts et réglemens du roy, registrés en la cour du parlement, imprimé de l'exprès commandement de la cour, ou même

de l'exécution que l'édit royal ou l'arrêt du conseil aura reçue sans contredit dans le ressort du parlement.

L'exécution de l'édit ou de l'arrêt pourra même avoir une tout autre valeur. Elle pourra suppléer à l'enregistrement. En effet, cette formalité n'avait qu'un but, c'était de prouver que le parlement agréait la volonté royale. Or, n'est-il pas évident qu'il l'approuve lorsqu'il la laisse appliquer ou qu'il l'applique lui-même à ses justiciables? La preuve de l'exécution peut donc remplacer la preuve de l'enregistrement.

Le pouvoir réglementaire des parlements s'étendait sur toutes les localités de leur juridiction, et, chose remarquable, alors que les règlements du roi ou de son conseil étaient subordonnés, au moins dans leur partie pénale, à la vérification des cours de justice, les arrêtés des parlements n'étaient soumis à aucun contrôle.

Le pouvoir réglementaire des juges inférieurs, royaux ou autres, embrassait les lieux compris dans leur justice, mais ne s'étendait pas au delà.

Il faut en outre remarquer, d'une part, que ces juges ne pouvaient, dans leurs arrêtés, porter atteinte ni aux règlements vérifiés ou rendus par le parlement dont ils dépendaient, ni à ceux qui étaient emanés des juges, même subalternes, qui leur étaient supérieurs dans la hiérarchie judiciaire; et, d'autre part, que leurs arrêtés de police pouvaient être réformés, soit dans leurs prescriptions, soit dans leurs peines, par le parlement où les juges placés au-dessus d'eux.

.......

Il n'appartiens qu'au roy ou à ses parlements, dit Delamare, de faire des règlements qui concernent la police générale et universelle du royaume... par cette subordination à cet ordre général, il n'appartiens aussi qu'au bailly ou sénéchal, premier juge ordinaire de chaque province, de faire des règlements qui concernent toute la province; et au juge principal de chaque ville, soit royal ou autre, d'en faire pour la police qui doit estre observée en particulier dans la ville et les faux-bourgs: bien entendu que les règlements du magistrat de la province, on de celuy de la ville particulière, ne contiendront rien de contraire au règlement général et universel du roy ou du parlement. LAMARE, Traité de la police, liv. Ier, tit. V, chap. IV.)

(DE

Ces différents règlements n'ont que la valeur qu'ils avaient autrefois.

Doués, dans le principe, d'une puissance purement locale, leur action reste aujourd'hui concentrée dans les limites où elle pouvait s'exercer jadis. Aussi, lorsque les tribunaux sont appelés à faire l'application d'un arrêté de police émané d'un parlement ou d'un juge inférieur, doivent-ils s'assurer que l'infraction qui leur est dénoncée a été commise sur une localité anciennement comprise dans la juridiction du parlement ou du juge, auteur du règlement; car, si elle avait eu lieu ailleurs, elle ne pourrait pas être réprimée par un arrêté dont les effets purement locaux ne se seraient jamais étendus sur le territoire où elle se serait produite. C'est ainsi que, le 28 avril 1852, la cour de cassation a jugé que les ordonnances du lieutenant de police de Paris ne pouvaient être obligatoires en province.

De plus, lorsqu'il s'agit d'un règlement fait par un juge inférieur, les tribunaux doivent rechercher si ce règlement n'est pas contraire à quelque arrêté de police publié par le parlement, ou même par un juge subalterne supérieur à celui qui l'a émis, et s'il n'a pas été réformé par l'une ou l'autre de ces autorités, car le règlement du juge inférieur n'est

exécutoire qu'à la condition de ne pas contraricr les arrêtés pris par les différents pouvoirs qui lui étaient supérieurs.

§ 5. Signes auxquels on reconnaît qu'un règlement ancien est encore obligatoire ou qu'il a été abrogé. Nous allons rechercher à quels signes on peut reconnaitre qu'un ancien règlement n'a pas cessé d'être exécutoire ou qu'il est abrogé. Nous reproduirons la distinction que nous avons déjà faite ailleurs entre les dispositions réglementaires des anciens arrêtés de police et leurs dispositions pénales.

Il est en effet possible que la loi moderne n'ait pas porté atteinte à la partie réglementaire de cerlains de ces arrêtés, et qu'elle en ait, au contraire, abrogé la partie pénale. C'est, comme nous le verrons, ce qui a lieu pour le plus grand nombre de ces anciens règlements. Il y a d'ailleurs une raison en quelque sorte péremptoire pour étudier séparément la question d'abrogation des dispositions réglementaires et celle des dispositions pénales, c'est que les règles à l'aide desquelles on peut démontrer que les premières sont ou ne sont pas abrogées ne sont pas celles à l'aide desquelles on peut savoir si les secondes sont ou ne sont pas maintenues. On peut admettre, comme règle générale, que les dispositions réglementaires des anciens arrêtés n'ont pas été abrogées par la législation moderne, et qu'ainsi elles n'ont rien perdu de leur force et vertu. En cette matière, l'abrogation n'est que l'exception. Dans le décret des 19-22 juillet 1791, non-seulement l'Assemblée constituante a confirmé provisoirement les règlements relatifs à la voirie et aux objets de serrurerie (tit. ler, art. 29), mais encore elle a (tit. Ier, art. 46) autorisé les corps municipaux à publier de nouveau les anciens règlements de police, et à rappeler les citoyens à leur observation. Le Code pénal leur a donné une consécration, s'il est possible, encore plus explicite. Dans son article 484, il prescrit aux cours et tribunaux de continuer à observer les lois et règlements particuliers dans toutes les matières qu'il ne règle pas. Ainsi, les anciennes dispositions réglementaires devront être appliquées par le juge, à moins qu'il ne lui soit démontré qu'elles ont été abrogées par une loi ou un règlement postérieurs. Il n'est même pas nécessaire, pour qu'elles aient aujourd'hui leur ancienne valeur, qu'elles aient été de nouveau publiées. La loi ne l'exige pas encore une fois, il suffit qu'elles n'aient pas été abrogées.

Un règlement peut être abrogé formellement ou tacitement.

L'abrogation formelle résulte de la loi ou du règlement qui la proclament ou qui, sans la proclamer, statuent sur les mêmes faits que le règlement antérieur.

Il y a abrogation tacite, lorsque la loi ou le rè glement postérieurs, sans proclamer l'abrogation du règlement antérieur, et sans prévoir exactement le même cas, ont cependant pour objet de régler la matière, dont ce cas peut être considéré comme un accessoire nécessaire.

Le premier mode d'abrogation ne présente aucune difficulté dans la pratique. Si la loi ou le règlement moderne prononcent l'abrogation du règlement ancien, il est évident que ce règlement ne peut plus être consulté. Si, sans la prononcer, ils statuent sur les mêmes faits, il arrivera de deux choses l'une ou ils confirmeront la prohibition de l'ancien arrêté, où ils la lèveront. Dans une hypothèse comme dans l'autre, l'ancienne disposition cessera d'être appliquée dans la première, parce que le fait, au lieu de continuer à être défendu par

l'ancien règlement, le sera désormais par la loi ou le règlement nouveau; dans la seconde, parce que le fait a cessé d'être une contravention pour devenir licite.

Le second mode d'abrogation réclame un examen beaucoup plus sérieux. En effet, il est souvent fort difficile de discerner si une loi, un règlement antécédents ont été tacitement abrogés par une loi, un règlement plus récents.

Il faut, en pareille conjoncture, vérifier d'abord si le fait, qui est l'objet de l'ancienne disposition, et dont le caractère serait modifié par la loi ou le règlement postérieurs, est analogue aux faits prévus par cette loi ou ce règlement, et s'il peut être considéré comme faisant partie du même ensemble de législation. C'est à cette condition-là seulement qu'il sera permis d'induire de la loi nouvelle qu'elle a entendu proscrire, en ne les renouvelant pas, les anciennes prohibitions. Qu'importerait le silence de la loi postérieure, qui n'aurait qu'un rapport éloigné avec le fait anciennement défendu ? Etrangère à ce fait, elle serait sans influence sur les dispositions antérieures qui peuvent le déclarer, illicite. En outre, pour qu'une loi, comme un règlement, ait la puissance d'abroger, tacitement ou par prétérition, une loi ou un règlement antérieurs, il ne suffit pas qu'elle ait quelques points de contact avec eux, il faut de plus qu'elle forme, par elle-même, un ensemble parfait de législation; car, si elle ne renfermait que quelques dispositions éparses et détachées, on ne pourrait pas raisonnablement en conclure qu'en statuant sur les cas spéciaux et dé terminés qu'elle énumère, elle a abrogé les dispositions antérieures, qui ne concernent pas les mêmes cas, et qui n'ont eu pour objet que de régler des faits analogues. Les anciennes dispositions continueraient alors à subsister à côté des nouvelles, qui ne devraient être considérées que comme des éléments de l'ensemble de législation, dont les anciennes faisaient déjà partie. On conçoit, en effet, que, loi ou d'un règlement qu'ils abrogent les disposipour qu'il soit possible d'induire du silence d'une tions qui les ont précédés, il faut que ce règlement ou cette loi forment un ensemble de législation si parfait et si complet qu'il ne soit plus permis de croire que le législateur ait voulu laisser certains cas en dehors de l'expression dernière de sa volonté. C'est parce que le législateur sera réputé avoir entendu résumer, dans la loi la plus récente, toutes les dispositions concernant la matière dont elle s'occupe que l'on décidera que cette loi a abrogé, même en ne s'en expliquant pas, les dispositions antérieures relatives au même ensemble de législation. Cette théorie sur l'abrogation tacite ou par forme de prétérition a été consacrée par un avis du conseil d'Etat du 8 février 1812, inséré au Bulletin des Lois. Voici à quelle occasion : le conseil d'Etat avait été consulté par le gouvernement sur le point de savoir si l'article 484 du Code pénal abrogeait la disposition de l'article 2 de la loi du 22 fieréal an 11, par laquelle les peines portées par le Code pénal de 1791 contre ceux qui opposeraient des violences ou des voies de fait aux fonctionnaires ou officiers publics mettant à exécution les actes de l'autorité publique, étaient déclarées communes à quiconque emploierait, même après l'exécution des actes émanés de l'autorité publique, soit des violences, soit des voies de fait, pour interrompre cette exécution ou en faire cesser l'effet. Le conseil d'Etat répondit que l'article 484, en ne chargeant les cours et tribunaux de continuer d'observer les lois et règlements particuliers, non renouvelés par le Code pénal, que dans les matières qu'il n'avait pas réglées, faisait clairement entendre que l'on

devait tenir pour abrogés toutes les anciennes lois, tous les anciens règlements qui portaient sur des matières que ce Code avait réglées, quand même ces lois ou règlements auraient prévu des cas qui se rattachaient à ces matières, mais sur lesquels ce Code était resté muet. Le conseil d'Etat ajouta, pour compléter sa pensée, qu'on ne pouvait pas regarder comme réglées par le Code pénal, dans le sens attaché à ce mot réglées par l'article 484, les matières relativement auxquelles ce Code ne renfermait que quelques dispositions éparses, détachées et ne formant pas un système complet de législation. En conséquence, il émit l'avis que c'était par ces raisons qu'on devait considérer, d'une part, comme subsistant encore au moment où il était consulté, toutes celles des dispositions des lois et règlements antérieurs au Code pénal, qui étaient relatives à la police rurale et forestière, à l'état civil, aux maisons de jeu, aux loteries non autorisées et autres objets semblables que le Code ne traitait que dans quelques-unes de leurs branches; et, d'autre part, comme abrogée la loi du 22 floréal an II, qui rentrait par son objet sous la rubrique résistance, désobéissance et autres manquements envers l'autorité publique, formant l'intitulé de la section IV du chapitre III du titre Ier du livre III du Code pénal, et réglant véritablement et à fond toute la matière comprise dans son énonciation. Cet avis du conseil d'Etat confirme, comme on le voit, ce que nous avons dit sur l'abrogation tacite des lois ou règlements.

Toutes les fois que la cour de cassation a été appelée à s'expliquer sur la valeur actuelle des anciens arrêtés de police ou sur leur abrogation, elle a toujours consacré les principes que nous avons développés. C'est ainsi qu'elle a appliqué comme étant encore en vigueur :

L'arrêt de règlement du parlement de Bretagne, du 29 juillet 1786, qui défend les scènes de débauche, les désordres et les tapages dans les maisons de prostitution (Cass. 3 octobre 1855; B. crim. n° 138);

L'arrêt du parlement de Normandie du 6 août 1765, défendant de couvrir en paille les maisons et bâtiments situés dans l'enceinte des bourgs et faubourgs des villes (Cass. 29 avril 1831; B. crim., n° 99);

L'arrêt du conseil du 20 septembre 1776 qui prohibe toute espèce de publication des loteries étrangères (Cass. 25 décembre 1855; B. crim. no 449 et 24 septembre 1856, no 323); (1)

L'arrêt du parlement de Besançon du 19 novembre 1764, qui fait défenses et inhibitions particulières à tous cabaretiers, cafetiers, limonadiers et autres ayant billards ouverts, de donner à jouer ou permettre qu'il soit joué chez eux, non-seulement aux jeux de hasard, mais encore à aucuns jeux de cartes ou de dés, de quelque espèce qu'ils soient, même de tenir chez eux publiquement ou sous clef des cartes, des dés et cornets (Cass. 19 janvier 1837, B. crim. no 22);

La sentence réglementaire du bailliage de Rouen, du 27 janvier 1779, qui enjoint à tous brocanteurs de faire viser leurs registres tous les mois par le commissaire de police de leur quartier, sous peine de 10 livres d'amende contre les refusants ou déloyaux (Cass. 24 août 1838, B. crim. no 289);

L'édit du mois de novembre 1554 qui interdit le glanage à tous les individus en état de travailler pendant le temps de la moisson; et les arrêts de

(1) Depuis la loi du 21 mai 1836, portant prohibition des loteries, l'arrêt du conseil du 20 septembre 1776 doit être, d'après les mêmes principes, considéré comme abrogé.

parlement, notamment celui du partement de Paris du 7 juin 1779, qui ont fait l'application d cette interdiction (Cass. 8 octobre 1840, B. crim., et 10 juin 1845, no 144);

Le règlement du bailliage de Rouen du 17 août 1771, prescrivant à tous marchands, revendeurs ou autres d'inscrire sur un registre le nom de personnes qui leur apporteront des meubles, linges, hardes et autres effets. (Cass. 5 juin 1841, B. crim., n° 169.)

Dans ces différentes espèces, la cour de cassation a considéré que les anciens arrêtés de police, qui les concernent, n'ayant été abrogés ni formellement ni tacitement, devaient continuer à recevoir leur exécution.

C'est, au contraire, en reconnaissant qu'un ancien règlement avait été tacitement abrogé par une loi formant un ensemble de législation, qu'elle a jugé que l'arrêt du conseil du 3 avril 1755, relatif au mesurage des tourbes et charbons, était abrogé par la loi du 4 juillet 1837, relative aux poids et mesures, et par les ordonnances royales, en forme de règlements d'administration publique, des 17 avril et 16 juin 1839, concernant les poids et mesures et les instruments de pesage et de mesurage (Cass. 16 décembre 1841, B. crim., no 559). Il est, en effet, impossible de ne pas voir que cette loi et ces ordonnances renferment, non pas seulement quelques dispositions éparses et détachées, mais un ensemble parfait de législation sur les poids et mesures et les moyens de pesage et de mesurage, et qu'ainsi elles ont eu la vertu d'abroger, même par forme de prétérition, les lois et règlements qui ne peuvent pas les prendre pour bases de leurs injonctions.

Il peut arriver qu'un ancien arrêté de police n'ait été modifié ou abrogé que dans quelques-unes de ses dispositions. Est-il nécessaire de faire remarquer que cette modification ou abrogation partielle n'aura aucune influence sur la partie de l'ancien règlement à laquelle elle ne touche pas? Oui, sans doute, puisque la cour de cassation a eu à statuer deux fois sur cette question. Cette cour a reconnu que les règlements de police qui, loin d'abroger les anciens règlements existants sur la même matière, s'y réfèrent formellement et ont pour but d'en assurer l'effet, ne peuvent être réputés y déroger qu'en ce qu'ils modifient et que, par conséquent, ils laissent subsister et renouvellent virtuellement le surplus de leurs prohibitions. L'ordonnance de police du 8 novembre 1780, renouvelée le 21 mai 1784, spéciale à Paris, défend de donner à boire passé dix heures du soir et avant cing heures du matin. Le préfet de police, pensant qu'il était possible de retarder, sans inconvénient, jusqu'à onze heures, la fermeture des cafés, modifia sur ce point l'ordonnance du 8 novembre 1780 par un règlement du 3 avril 1819; mais ce dernier règlement ne s'explique pas sur l'heure de l'ouverture des mêmes établissements. Quelques Jimonadiers ou taverniers s'imaginèrent qu'après avoir fermé leur café ou leur taverne, à onze heures du soir, il leur était loisible de l'ouvrir dès deux heures du matin. Ils furent poursuivis devant le tribunal de simple police, qui les acquitta sous le prétexte que le règlement du 5 avril 1819 avait abrogé l'ordonnance du 8 novembre 1780, et qu'ainsi, depuis ce règlement, les limonadiers et taverniers étaient libres d'ouvrir leurs établissements, même avant cinq heures du matin. Le ministère public se pourvut contre ces décisions et la cour de cassation, faisant l'application des principes que nous avons rappelés plus haut, jugea que le règlement du 3 avril 1819, en ne modifiant que l'heure de la fermeture des cafés et tavernes, avait maintenu virtuellement

l'heure, fixée pour leur ouverture par l'ordonnance du 8 novembre 1780. (Cass. 19 juillet et 10 août 1833.)

Les arrêtés, qui ont pour objet tantôt des mesures de police municipale, tantôt des mesures de haute police, prononcent contre les délinquants, le plus habituellement, des amendes considérables, quelquefois de l'emprisonnement, souvent des confiscations fort onéreuses. Ces peines subsistent-elles encore aujourd'hui ? Ont-elles, au contraire, été abrogées, et les règlements, dont elles garantissaient l'exécution, n'ont-ils plus pour sanction que les peines de simple police, édictées par la loi moderne? Ces peines, après avoir été, sous la loi des 16-24 août 1790, d'une amende pécuniaire et d'un emprisonnement de trois à huit jours, et, sous le Code du 3 brumaire an iv, d'une amende égale à la valeur de trois journées de travail ou au-dessous et d'un emprisonnement qui n'excédait pas trois jours, consistent aujourd'hui en un emprisonnement dont la durée la plus longue est de cinq jours, et en une amende qui ne peut s'élever au-dessus de quinze francs.

Nous avons vu qu'il est prescrit aux tribunaux de continuer à observer les règlements anciens dans toutes les matières qui n'ont pas reçu de règles nouvelles, et qu'ainsi il ne leur est permis de considérer comme abrogées que les dispositions, qui sont devenues l'objet d'une loi ou d'un règlement postérieur. Il faut donc, pour résoudre la question que nous nous proposons, rechercher s'il existe une loi qui ait abrogé la pénalité des anciens règlements et y ait substitué celle de la législation moderne. Ce n'est que la découverte de cette loi qui pourra nous autoriser à proclamer l'abrogation des anciennes pénalités. Nous la trouverons cette loi; mais elle n'embrassera pas tous les arrêtés de police: elle comprendra ceux qui sont relatifs à la police municipale, et restera étrangère à ceux qui concernent la haute police. La pénalité des premiers sera abrogée, tandis que celle des seconds continuera de subsister.

La loi des 16-24 août 1790, en conservant aux anciens arrêtés de police leur puissance réglementaire, a modifié la pénalité de tous ceux qui s'appliquent à des objets confiés à la vigilance des corps municipaux. L'article 5 du titre XI de cette loi est ainsi conçu les contraventions à la police ne pourront être punies que de l'une de ces deux peines, ou de la condamnation à une amende pécuniaire, ou de l'emprisonnement par forme de correction, pour un temps qui ne pourra excéder trois jours dans les campagnes et huit jours dans les villes, dans les cas les plus graves. L'étude de cet article et de ceux qui le précèdent nous convaincra qu'il a la valeur que nous lui attribuons, et qu'il ne peut pas en avoir une autre. La loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, après avoir traité dans ses premiers titres des arbitres, des juges en général, des juges de paix, des juges de première instance, des juges d'appel, des bureaux de paix et du tribunal de famille, s'occupe, dans son titre XI, des juges en matière de police. Elle impose, dans l'article 1er, aux corps municipaux le devoir de veiller et tenir la main, dans l'étendue de chaque municipalité, à l'exécution des lois et des règlements de police; elle indique, dans l'article 3, les objets confiés à la vigilance et à l'autorité de ces corps. Enfin, elle détermine, dans l'article 5, de quelles peines les contraventions à la police seront punies à l'avenir: désormais, elles ne pourront plus être réprimées que par une amende et un emprisonnement, qui n'excédera jamais huit jours.

Il n'est pas douteux que cette dernière disposition ait abrogé la pénalité des anciens règlements relatifs aux objets de police, que la loi de 1790 confie à la vigilance des corps municipaux, et qu'elle l'ait remplacée par les peines de la législation moderne. Il y a, en effet, une relation intime et directe entre l'article 5 et ceux qui le précèdent; ils sont d'ailleurs tous compris sous cette rubrique : des juges en matière de police. Tout à la fois, la loi charge l'autorité munícipale de veiller à l'exécution des lois et des règlements de police, détermine les objets de police confiés à sa vigilance, indique les peines dont les contraventions à la police seront punies à l'avenir. De quelle police la loi entend-elle parler? Nécessairement de celle qu'elle vient de regler, de celle qui est l'objet du titre, dans lequel se trouve l'article que nous examinons, c'est-à-dire, de la police municipale. A l'avenir, les infractions à cette police ne seront donc plus passibles que des peines de la loi nouvelle; celles que renferment les anciens règlements de police municipale sont abrogées.

Il ne nous parait pas nécessaire de faire remarquer que cette abrogation s'étend non-seulement aux réglements qui n'ont pas été de nouveau publiés, mais encore à ceux que l'autorité municipale a cru devoir rappeler, conformément à l'article 46 Litre Ier) de la loi des 19-22 juillet 1791. Cette publication ne peut pas avoir pour conséquence de donner au règlement, qui en est l'objet, une répression que la loi lui refuse.

L'article 5 du titre XI de la loi des 16-24 août 1790 qui, certes, a abrogé les dispositions pénales des anciens règlements de police municipale, a-t-il eu la même influence sur les dispositions pénales des anciens règlements de haute police? Nous ne le croyons pas. Le titre XI, dont cet article fait partie, n'a en vue que la police municipale. L'article 1er prescrit aux corps municipaux de veiller, dans l'étendue de chaque municipalité, à l'exécution des lois et des règlements de police. L'article 2 ordonne au procureur de la commune de poursuivre les contraventions aux lois et règlements de police. L'article 5 détermine les objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux. Enfin, c'est après l'article 4, qui donne aux officiers municipaux le droit d'autoriser les spectacles publics que se place l'article 3, indiquant les pièces désormais applicables aux contraventions de police. N'est-il pas évident que ce dernier article n'est et ne peut être que la suite de ceux qui le précèdent et que, comme eux, il ne peut avoir pour but que la police municipale? Sil substitue une peine à une autre pour la répression des contraventions à la police, il est clair que la substitution n'a lieu que pour la police que le legislateur entend régler, c'est-à-dire pour la police municipale. L'article reste donc inapplicable aux règlements de haute police; et, comme il n'existe, suivant nous, aucune autre loi, de laquelle on puisse faire dériver l'abrogation des dispositions pénales contenues dans ces arrêtés, il nous semble qu'on doit admettre que ces dispositions servent encore de répression à l'infraction des dispositions régiementaires dont elles étaient autrefois la sanction.

En résumé, les dispositions pénales des anciens arrêtés de police municipale sont et demeurent abrogées par l'article 5 du titre XI de la loi des 16-24 août 1790 au contraire, les pénalités des anciens arrêtés de haute police ont conservé lear force et vertu première, à moins qu'elles ne soient contraires à la constitution.

L'article 5 du titre XI de la loi des 16-24 août 1790, en disposant qu'à l'avenir les contraventions

à la police ne pourraient être réprimées que par l'une des deux peines qu'il renferme, a abrogé non-seulement les peines d'amende et d'emprisonnement, portées dans les anciens règlements de police municipale, mais encore celle de la confiscation. Si cette peine peut être désormais appliquée à certaines infractions à la police, ce n'est que dans les cas spéciaux pour lesquels la loi moderne l'aura autorisée. Le juge, provoqué à l'ordonner pour contravention à un arrêté de police municipale, devra donc s'assurer avant tout que quelque disposition de la loi nouvelle lui permet de la prononcer. S'il ne trouvait que l'ancien règlement pour appuyer cette partie de la condamnation, il devrait la refuser. (Cass. 17 décembre 1841.)

Jusqu'à présent, nous ne nous sommes préoccupé que de l'article 5, titre XI de la loi des 16-24 août 1790 et nous n'avons consulté que cette disposition pour savoir si les peines des anciens règlements de police étaient abrogées ou devaient, au contraire, continuer à être appliquées. Nous devons maintenant mettre en discussion un nouvel élément et chercher s'il n'emporte pas, par lui-même et implicitement, l'abrogation des peines des anciens règlements de police générale, comme l'article 5, titre XI de la loi des 16-24 août 1790 a produit, depuis longtemps, l'abrogation des peines des anciens règlements de police municipale.

Ce nouvel élément de discussion est la disposition finale, ajoutée par la loi du 28 avril 1832 à l'article 471 du Code pénal. Ce paragraphe est ainsi conçu Seront punis d'amende depuis un franc jusqu'à cinq francs inclusivement; -150 ceux qui auront contrevenu aux règlements légalement faits par l'autorité administrative et ceux qui ne se seront pas conformés aux règlements ou arrêtés publiés par l'autorité municipale en vertu des articles 5 et 4, titre XI de la loi des 1624 août 1790 et de l'article 46, titre Ier, de la loi des 19-22 juillet 1791. »

Cette disposition semble fournir une sanction pénale à tous les règlements de police légalement faits par l'autorité administrative. Nous-mêmes, nous avons déjà reconnu qu'on devait y recourir pour trouver une pénalité aux anciennes ordonnances du roi ou arrêts du conseil, qui en manquaient. Nous nous empressons d'ajouter, à la garantie de mêmes principes, que cet article devrait également servir de répression aux anciens arrêtés de police émanés des parlements et des juges royaux ou autres, qui pourraient n'en pas avoir.

S'il est vrai que cet article renferme une disposition si étendue, n'en faut-il pas conclure qu'ii a, par la généralité de sa prévoyance, abrogé les anciennes pénalités que la loi de 1790 avait laissées intactes, c'est-à-dire que, confondant règlements municipaux et règlements de haute police, il a voulu que désormais ils ne fussent plus les uns et les autres sanctionnés que par les peines de simple police? Nous ne nous dissimulons pas que cette question présente une difficulté sérieuse. Sommes-nous douc allés trop loin en admettant, avec la cour de cassation, que les anciens règlements de police générale, dénués de sanction, en ont une dans l'article 471? Irons-nous trop loin en soutenant la même thèse, quand il s'agira des règlements modernes ? nous ne le pensons pas. Cependant, nous persistons à croire que les pénalités des règlements de police générale qui ont survécu à la loi de 1790 ont également survécu à la loi du 28 avril 1832. Nous ferons d'abord remarquer que le texte qui nous occupe ne porte en lui-même aucun terme révélant la volonté du législateur d'abroger d'une manière formelle et expresse les

peines de ces anciens règlements. Il ne s'agirait donc que d'une abrogation tacite. Or, cette espèce d'abrogation ne s'accepte pas aisément. Il faut, pour qu'elle soit accueillie, ou que l'ancienne disposition ne puisse pas coexister avec la nouvelle ou qu'il résulte clairement de cette dernière qu'elle a eu pour but d'abroger la première. Ici, rien ne s'oppose à ce que le paragraphe 15 de l'article 471 apporte une sanction penale aux règlements qui n'en ont pas, et à ce que ceux qui en ont une, la conservent. La disposition ancienne et la nouvelle pourront exister ensemble. L'une n'est pas appelée à effacer nécessairement l'autre. De même, lorsqu'on examine le nouveau paragraphe de l'article 471, rien ne décèle qu'en le promulguant le législateur ait eu la volonté d'abroger les peines des anciens règlements de haute police, rien ne le décèle ni dans les termes de cet article, ni dans la discussion dont il a été l'objet. La loi dit, il est vrai, par son texte qu'elle est destinée à réprimer les infractions aux règlements légalement faits par l'autorité administrative; mais elle ne contient aucune expression qui permette de supposer qu'elle soit allée beaucoup plus loin, et qu'elle ait voulu abroger les pénalités qui, depuis longtemps, étaient la sanction de certains règlements légalement faits par l'autorité administrative. Si l'article 471 porte une peine nouvelle, il ne dispose pas, comme l'article 5, titre XI, de la loi des 16-24 août 1790, qu'à l'avenir les contraventions, dont il parle, ne pourront plus être réprimées, toutes et indistinctement, que par cette peine. Veut-on consulter la discussion dont la disposition finale de cet article a été l'occasion dans le parlement? On est émerveillé de la trouver aussi nulle, lorsqu'on se borne à donner à cette disposition sa valeur réelle; on le serait encore plus, si on devait lui attribuer la vertu exorbitante d'abroger toute une catégorie de peines. Le projet de loi, présenté par le gouvernement, ne mentionnait pas l'article 471; la chambre des députés, qui fut saisie d'abord, ne songea pas à le compléter. Le paragraphe 15 de cet article paraît avoir été ajouté à la loi par la commission de la chambre des pairs. M. de Bastard disait, dans son rapport: « Nous avons

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également introduit dans le projet quelques articles qui assurent l'exécution des ordonnances, règlements et arrêtés émanés de l'autorité administrative, qui prohibent la vente des comesti⚫bles gâtés ou corrompus, etc., etc. On avait été obligé de regarder comme non abrogés, dans le Code du 3 brumaire an iv, les articles qui punissaient ces contraventions. Il sera plus régulier de trouver dans le Code pénal ces dispositions dont on fait tous les jours l'application. » Le paragraphe fut adopté sans aucune discussion, par la chambre des pairs. Lorsque le projet, ainsi amendé, revint à la chambre des députés, M. Dumon se borna à rappeler, dans son rapport, que les additions que l'autre chambre avait faites au projet de loi consistaient principalement dans l'insertion de quelques dispositions pénales éparses dans des lois antérieures; que la pratique judiciaire de tous les jours était obligée de rechercher, dans le Code abrogé de brumaire an iv, divers règlements de police; et que ils seraient mieux placés dans le Code de nos lois pénales. Ne résulte-t-il pas clairement de cette discussion, quelque imparfaite, quelque insuffisante qu'elle soit, que le législateur, en introduisant, dans le Code pénal, le paragraphe 15 de l'article 471, n'a pas eu l'intention d'abroger les peines des anciens règlements de police générale que la loi de 1790 avait respectées.

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Il est donc impossible de trouver, dans ce para

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