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>> et de même nature que les droits réunis établis » sous le règne de Napoléon?

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» Sera-ce la jurisprudence criminelle où l'accusé >> ne pouvait voir ni sa famille, ni ses amis, ni ses >> conseils, ni les pièces du procès? Livré seul à un >> magistrat dont le mérite était d'arracher des aveux, >> il n'était confronté avec les témoins, interrogés >> eux-mêmes secrètement, que lorsque ceux-ci ne >> pouvaient plus se rétracter sans encourir la peine de » faux témoignage. Condamné sur le dire d'un rappor>>teur au tribunal inférieur, on l'envoyait à la tour>>nelle du parlement, quelquefois à plus de cent lieues » de sa résidence, avec l'addition de la grand'Cham>> bre, s'il était gentilhomme. Là, sur les mêmes pièces » et le rapport d'un conseiller, la sellette n'étant >> qu'une ignominie superflue, il subissait son ar>> rêt obscurci par la vague formule des cas résul» tans du procès. Cet arrêt pouvait être aggravé au >> choix des juges par les tortures de la question; » car la question préparatoire à l'instruction avait >> seule été abolie. On se souvient de la barbare va»riété des supplices, depuis la potence et la roue, » jusqu'à ces exécrables tourmens dont j'épargne ici >> la description.

>> Faut-il regretter l'intolérance religieuse qui met>> tait une grande partie de la population dans un » état légal de concubinage, de bâtardise et d'exhé» rédation; cette législation attentatoire à tous les >> droits de la nature et de la morale, que Louis XIV » établit et qu'un illustre prélat, Bossuet, appelait le di

»gne ouvrage de son règne, la marque la plus assurée » comme le plus bel ouvrage de l'autorité? (1) Les évê>>ques en 1751 et 1752, en demandaient l'exécution: » par jugement du commandant ou de l'intendant, » sans forme ni figure de procès. Telle a été la doctrine >> légale depuis l'arrêt du conseil de 1684, défendant » à tous particuliers de retirer dans leurs maisons au» cun malade de la Religion protestante, sous pré» texte de charité, jusqu'à la décision du conseil de » Louis XVI, où, malgré l'avis de Turgot et dè >> Malesherbes, fut maintenu, à son sacre, le serment » d'exterminer les hérétiques. Leur sort fut adouci par » édit du Roi, en 1780; je l'oublie d'autant moins » que l'année précédente j'avais eu l'honneur de » voir adopter au bureau présidé par le second frère » du Roi, la première demande officielle de leur >> état civil; mais déjà cette demi-tolérance était une >> innovation révolutionnaire.

>> Regretterons-nous les dîmes ecclésiastiques et >> seigneuriales, qui, recueillant les derniers résul»tats du travail, frappaient sur le revenu du pro>> priétaire dans une proportion triple de celle qu'elles >> enlevaient au produit brut; les droits féodaux » onéreux et humilians, soit qu'ils fussent servis en >> nature ou remplacés par un tribut qui en rappe>> lait l'origine; les banalités qui forçaient les ci» toyens à ne se servir que de l'usine du seigneur ; » les droits de chasse ; ces capitaineries qui livraient » les récoltes à la voracité du gibier, les travaux (1) Oraison funèbre du chancelier Tellier.

>> champêtres aux caprices et aux extorsions des >> gardes; où des peines allant jusqu'aux galères » perpétuelles, étaient distribuées dans un tribunal » nommé par le capitaine, et qui prononçait sur le >> seul procès-verbal du dénonciateur? Regretterons>> nous les lettres de cachet confiées en blanc aux » ministres, aux commandans et aux intendans ; » les arrêts de surséance qui dispensaient les cour>>tisans de payer leurs dettes; les évocations de » causes; les substitutions et les coutumes qui sa>>crifiaient les enfans à un collatéral et les familles » à un aîné? Regretterons-nous les appointemens >> sans fonctions, les survivances et cette multipli>> cité d'abus, d'entraves et d'oppressions qu'on trou>> verait dans les écrits et encore aujourd'hui dans la » mémoire de tous les contemporains, étrangers et »> nationaux, qui ont porté leurs regards sur l'admi>>>nistration de notre patrie?

» Français, voilà l'ancien régime, dont la destruc» tion a déjà rendu pour vous les avantages de la ré>>volution aussi peu sensibles que les bienfaits de » l'air qu'on respire, dont le rétablissement fut l'ob

jet avoué de l'émigration de Coblentz et de la coa>>lition de Pilnitz, et dont l'esprit n'a pas cessé d'ani>> mer ce gouvernement plus ou moins occulte de la >> cour, devant lequel les ministères ne sont rien, » et qui, dès 1814, disait officiellement: Jouissons » du présent, je vous réponds de l'avenir. »(1) Réponse du comte d'Artois à une députation de la garde nationale.

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·(1)

Dans la session de 1822, Lafayette parla contre la jurisprudence du code pénal: «Au lieu, dit-il, de l'una»> nimité exigée en Angleterre et aux États-Unis ; au >> lieu des cinq sixièmes fixés par l'assemblée consti» tuante, il suffit à présent d'une simple majorité >> pour associer à la condamnation les magistrats char»gés d'appliquer la loi, et pour les rendre ainsi juges >> du fait; ce qui attaque l'institution du jury dans son >> essence. Mais tandis que d'honorables publicistes, >> frappés de l'incertitude des jugemens humains, » demandent l'abolition de la peine de mort; tandis << qu'il n'y a guère eu, depuis trente ans, de condam» nés politiques dont les juges n'eussent bien souhai» té, au bout de quelque temps, soit dans l'amertu» me de leurs regrets, soit dans la réaction des re

présailles, n'eussent, dis-je, bien souhaité de >> pouvoir à tout prix racheter la vie, on s'applaudit » de posséder un code d'instruction criminelle et un » code pénal dont les subtilités et les rigueurs doi>> vent troubler toutes les consciences appelées à ›› juger, menacent tour à tour tous les partis, et où >> se trouve cette jurisprudence de révélation, digne >> conception de Tibère, reproduite par Louis XI et >> par le cardinal de Richelieu, et plus souvent usi>>tée aujourd'hui dans nos tribunaux qu'elle ne le >> fut sous aucun autre régime.

» La contre-révolution, ajoute-t-il, maîtresse de >> tous les pouvoirs de l'État, de toutes les institu» tions, de toutes les influences; soutenue par la >> coalition Européenne de tous les despotismes, de

» toutes les aristocraties, de tous les préjugés et de >> tous les abus, en un mot, de tout ce qui vit en de» hors des nations et forme exception au véritable » ordre social, tâche encore d'endormir le peuple sur » la sécurité des jouissances matérielles qu'il doit à >> la Révolution. Ce n'est même que par une antici»pation irréfléchie, par la force d'un naturel incor»rigible, qu'il lui arrive déjà de blesser les citoyens » dans le sentiment de leur dignité, et qu'elle laisse » percer avant le temps cette horreur de l'égalité, >> qui fut toujours son principal mobile.

>> Mais elle attaque successivement toutes les ga>> ranties; il est bon que le peuple français soit bien » averti qu'après la ruine de ces garanties préser>> vatrices, que vous ne voulez point, que vous ne >> pouvez plus défendre, on ne manquera pas de lui >> déclarer, comme on l'a fait à Pilnitz et à Coblentz, » que tous les droits, toutes les libertés, tous les >> avantages conquis sur l'ancien régime par la révo>>lution nationale de 89, n'ont été que d'illégitimes, >> passagères, et révocables usurpations. >>

Dans la session de 1823, Lafayette fut un de ceux qui dénoncèrent avec une patriotique indignation la détermination de faire la guerre à la constitution espagnole; détermination niée comme une calomnie par le discours du trône de l'année précédente, et avouée dans le discours de cette année; et lorsque son ami Manuel fut arraché violemment de la Chambre des Députés, Lafayette se retira avec soixantetrois de ses collègues, et signa la protestation dans

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