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déclarant que, ses instructions portant une exclusion entière de cet article, il ne peut consentir à le passer.

Enfin, dans la journée d'hier, le baron de Hundheim ayant souvent parlé à l'un et à l'autre, il fut dit que, sans Landau, il n'y avoit de ma part aucun consentement à la paix, mais, qu'en attendant les résolutions de la cour de Vienne sur cet article, on pouvoit traiter les autres pour ne pas perdre un temps précieux, et nécessaire à l'entière consommation de l'ouvrage. Ainsi donc, nous avons traité sur la base de la paix, et la cour de Vienne consent que cette base soit le traité de Riswick, comme j'en ai l'ordre de Votre Majesté.

Cet article a été bientôt convenu, bien entendu que c'est la paix de Riswick dans son tout, et qu'en attendant les ordres de Vienne, je compterai toujours sur Landau et le Fortlouis fortifié.

Sur les électeurs, M. le prince Eugène passe la restitution totale de celui de Cologne. Je la demande pareille pour l'électeur de Bavière, et cet article ne fera pas de difficulté; il n'est pourtant pas entièrement passé, parce que je demande un dédommagement des infractions faites au traité d'Ilbersheim. Le prince Eugène soutient toujours qu'il prouvera que ces infractions ont commencé par les Bavarois, et que même il n'y a qu'une seule année à demander à l'empereur, puisque le ban de l'électeur de Bavière confisque tous ses biens. Du reste, il m'a dit dans la conversation que tous les meubles de ce prince étoient encore dans les mêmes lieux, mais que l'on ne consentiroit jamais à aucun dédommagement, quel qu'il pût être.

Comme, dans les instructions de Votre Majesté, ce dédommagement est mêlé avec les affaires de Mantouë et le marquisat de Burgaw, je n'ai pu répondre décisivement, non plus que sur la demande que fait le prince de Savoie à l'égard des états d'Italie, qui est que, la chambre de Weslar et le conseil aulique étant les seuls juges naturels et compétents des fiefs de l'Empire, c'étoit à ces tribunaux à juger les légitimes appartenances de ces fiefs.

Quant aux fortifications d'Orbitelle et de Portolongone, j'ai seulement dit que ces articles n'empêcheroient pas la paix lorsqu'on seroit d'accord sur tous les autres.

Pour ce qui regarde Sabionette, le prince Eugène est convenu

que c'étoit une matière différente des autres, et que c'étoit un point à discuter. Il est sans comparaison mieux instruit de toutes ces affaires que moi. Premièrement, parce que, étant comme premier ministre de l'empereur, il est informé de tout. En second lieu, c'est que, s'étant toujours trouvé à la Haye et à Utrecht dans le temps des négociations, il n'ignoroit aucun des détails. Cependant, Votre Majesté peut compter que je ne ferai pas de faute manque d'instruction, sachant fort bien m’arrêter tout court en attendant ses ordres.

Je joins ici un mémoire assez long, bien que j'aie déclaré au prince de Savoye que je n'aurois pas l'honneur de l'envoyer à Votre Majesté. Mais le résultat de tout ce qui s'est passé hier est que je crois la paix faite, si Votre Majesté se contente de Landau fortifié et de la barrière du traité de Riswick, y comprenant les fortifications du Fortlouis, qui sera, je crois, le seul dédommagement de Fribourg, quoique j'insiste toujours sur les premiers dédommagements qu'elle m'a fait l'honneur de me prescrire, et sur le rétablissement total, et sans nulle restriction des deux électeurs. Je crois aussi que M. le prince Eugène s'opiniâtrera sans démordre à tout autre dédommagement pour Fribourg, et je prendrai la liberté de dire à Votre Majesté que, dans le commencement de la campagne, on ne s'attendoit pas à une paix si avantageuse, qui, laissant une bonne frontière à Votre Majesté, porte sa gloire, celle de son gouvernement et celle de la nation au plus haut point.

J'ose supplier encore Votre Majesté de me donner ses ordres précis, selon que j'ai déjà eu l'honneur de les lui demander, sur les articles qui doivent me faire rompre, supposé qu'on ne les passe point.

Je n'obtiendrai rien pour Mme des Ursins, ni pour le prince de Ragotski, et, pour ce qui regarde les états d'Italie, l'empereur voudra certainement que leurs différends soient réglés par les juges naturels.

Je ne parle point des dédommagements que la maison d'Autriche donnera à l'électeur palatin. Comme il ne les prétend que d'elle, ce n'est pas à moi à les disputer. J'ai cependant eu l'honneur de demander des ordres à Votre Majesté pour savoir d'elle si je dois m'opposer jusqu'à rompre, en cas que ce prince

prétende la dignité royale avec l'ile de Sardaigne. Il est certain que la justice veut absolument qu'il ne soit pas dégradé pour avoir été fidèle à l'empereur et à l'Empire.

Je dois ajouter que le prince Eugène m'a dit qu'il ne suffisoit pas de faire une ferme et solide paix entre nos maîtres, mais qu'il pourroit fort bien arriver que, dans la suite, leur liaison mutuelle pourroit leur être fort utile.

J'ajouterai encore au sujet de la demande de faire insérer dans le présent traité celui de Votre Majesté avec le roi de Sicile, fait en dernier lieu à Utrecht, et même celui de ce prince avec l'empereur Léopold, en 1703, que le prince Eugène m'a dit: «Est-il possible que le duc de Savoye veuille faire insérer dans le même traité deux des siens entièrement opposés l'un à l'autre? Il n'y a qu'à les lire pour en voir la contradiction. Par le premier, il nous procure la Sicile; par le second, il nous l'ôte sans pouvoir donner aucune raison de cette diversité. »

Je supplie donc Votre Majesté de me faire l'honneur de me mander si, dans le traité à faire, il faudra suivre mot à mot celui de Riswick, c'est-à-dire le faire copier.

J'aurai l'honneur de dire à Votre Majesté sur le mémoire de M. le prince Eugène que, dans celui que j'ai dicté devant lui à son premier secrétaire, j'ai fait, suivant les instructions de Votre Majesté, les plus hautes demandes, comme c'est l'usage dans l'ouverture des conférences pour une négociation.

Afin que ce courrier puisse porter quelque chose de plus décidé à Votre Majesté, j'ai prié M. le baron de Hundheim de revenir ce matin chez moi. Il y est revenu en sortant de chez M. le prince de Savoye, qui m'a mandé, par lui, qu'il ne s'étoit pas rendu sur Landau par des ordres précis. Le baron lui a dit : << Lorsque vous avez reçu ces ordres, l'empereur ne comptoit pas sur la perte de Fribourg et de tous les forts, et il ne faut pas s'attendre qu'une telle conquête rende la France plus facile. »

Enfin donc, le prince Eugène m'a fait dire qu'il auroit voulu être en état de convenir de Landau en même temps que de la restitution des électeurs, et même de la paix de Riswick en entier. Cependant, sire, je ne me suis pas encore rendu, demandant plus que le Fortlouis pour Fribourg. Et, de son côté, le prince Eugène déclare que ces retardements de sa part ne sont

pas pour rendre la paix plus difficile, mais par des égards que l'empereur doit à l'Empire.

J'ai donc l'honneur de répéter à Votre Majesté que je crois la paix faite moyennant la paix de Riswick en entier et la restitution totale des électeurs, si Votre Majesté laisse les affaires d'Italie dans l'état contenu dans cette lettre, et non dans le mémoire ci-joint et que j'ai dit que je n'enverrois pas à Votre Majesté.

Le prince de Savoye, je prends la liberté de le redire à Votre Majesté, déclare positivement que la demande des privilèges de Barcelonne étoit une condition sans laquelle il ne concluroit rien. J'ai répondu que j'ignorois si Votre Majesté voudroit faire des offices sur ce sujet auprès du roi son petit-fils, mais que, selon moi, on ne pouvoit lui demander rien de plus. J'ose la supplier encore une fois de m'honorer d'ordres précis, puisqu'au retour du courrier il faudra conclure et signer ou rompre.

Sur l'article de M. le duc de Lorraine, j'ai répondu que ce prince n'ayant eu aucune part à la dernière guerre, je n'ai aucun ordre sur ce qui le regarde, et que je suis persuadé qu'on s'en tiendra, sur ce qui le concerne, à la paix de Riswick.

J'ai déclaré que M. le duc d'Hanover seroit reconnu en qualité d'électeur; que, quant à l'article des Pays-Bas, je ne croyois point que Votre Majesté voulût rien changer à ce qui a été réglé par le traité d'Utrecht entre elle et les Hollandois.

Sur le refus que fait M. le prince de Savoye qu'il soit renoncé de part et d'autre par le roi d'Espagne et par l'archiduc aux titres des états que l'on ne possède point, j'ai dit qu'il me paroissoit que chacun les pouvoit conserver, à condition que cela ne pourroit causer aucun sujet ni prétexte à une nouvelle guerre, etc..

Dans le cours des entretiens, le prince Eugène dit qu'il avoit fait mettre au conseil de guerre les officiers qui avoient si mal défendu la demi-lune de Fribourg; que le gouverneur devoit souffrir l'assaut, et

1. Le mémoire d'Eugène, annexé à cette dépêche, a été analysé dans Villars d'après sa correspondance, II, 66.

faire plutôt tuer 4,000 ou 5,000 hommes que de les abandonner. Il est certain, en effet, que l'assaut pouvoit nous coûter cher. C'étoit le seul bon parti pour les ennemis. Mais l'usage de soutenir des assauts au corps de la place s'étoit perdu, chez eux comme chez nous, et il en faut convenir à leur honte comme à la nôtre. « Je l'avois bien ordonné, » ajouta le prince Eugène, « et moi aussi,» répliqua le maréchal, « et très publiquement, au gouverneur d'Exilles dont la lâcheté sauva l'armée du duc de Savoye. »

Le 12 décembre, le maréchal de Villars écrivit à Mme de Maintenon que, comme il n'y avoit jamais eu de monarque si puissant que le nôtre, jamais aussi il n'y avoit eu de connétable, ni peut-être même de général, à remonter vers les siècles les plus reculés, qui eût été honoré de commandement d'armées si considérables, pendant tant d'années, dans des circonstances plus dangereuses, ni qui en fût sorti plus heureusement; qu'il savoit que le maréchal de Boufflers, qu'elle honoroit de ses bontés, avoit demandé l'épée de connétable, et que la différence des services et des succès pouvoit lui permettre la même liberté.

Cependant, les dépêches du roi du 8 et du 9 décembre ayant été apportées par un courrier, les nouvelles propositions pour l'électeur de Bavière1 parurent très propres à rompre sur-le-champ toute négociation, et le prince de Savoye fit dire par le baron de Hundheim que ces changements continuels marquoient plutôt un

1. Le roi, choqué par le ton du mémoire d'Eugène, révoquait ses instructions conciliantes du 7 et demandait pour l'électeur de Bavière, outre son rétablissement, un dédommagement tel que la Sardaigne, ou les Pays-Bas, ou le Luxembourg et le titre de roi.

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