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pénétrer le sens, sujet à quelques discussions : « Si le contumax est condamné, ses biens seront, à partir de l'exécution de l'arrêt, considérés et régis comme biens d'absent; et le compte du séquestre sera rendu à qui il appartiendra, après que la condamnation sera devenue irrévocable par l'expiration du délai donné pour purger la contumace. » Il est clair d'abord que l'art. 29 du Code pénal et que l'art. 471 de l'autre Code doivent l'un et l'autre trouver leur application; qu'aucun des deux ne peut être considéré comme une abrogation, comme une modification de l'autre. En effet, ces deux articles existaient et s'appliquaient simultanément avant même la rédaction du Code pénal de 1810; ces deux articles se rencontraient dans la loi de 1791 et le Code du 3 brumaire an IV combinés, au moins ils s'y trouvaient quant au fond. De même on a reconnu dans la discussion récente, lors de la révision des lois pénales, on a reconnu dans la Chambre l'existence et l'application simultanée de l'art. 29 et de l'art. 471. On a reconnu formellement, précisément sur la question dont je vous parlais tout à l'heure, sur le droit qu'aurait le tuteur de distraire des revenus de l'interdit certaines sommes à titre d'aliments, on a reconnu que la matière de la contumace était régie par des principes absolument étrangers à la matière de l'art. 29.

Nous dirons donc que l'art. 29 ne reçoit d'application, quant à l'interdiction légale et à la nomination du tuteur, qu'aux condamnés contradictoirement subissant leur peine ou ne la subissant pas; qu'au contraire, les condamnés par contumace sont sous l'empire de l'art. 471, ne sont pas conséquemment frappés d'interdiction légale, et qu'il ne leur est pas, qu'il ne peut pas leur être nommé de tuteur d'après l'art. 29. En effet, ces deux idées sont inséparables, et dès lors que, d'après l'art. 471, on ne nomme pas de tuteur au contumax, la conséquence nécessaire, c'est qu'il n'est pas frappé d'interdiction.

so. Mais quel est précisément le sens de l'art. 471 ? quelle sera, pendant la durée de la contumace, c'est-à-dire jusqu'à l'expiration des vingt ans, quelle sera la règle à suivre pour l'administration des biens du condamné par contumace, pour les fruits qui en seront perçus, enfin pour les actes par lui passés ? Voilà trois points dont les deux premiers surtout ont donné lieu à une controverse dont il est bon de vous dire quelques mots.

D'après l'art. 471, les biens du condamné par contumace seront considérés et régis comme biens d'absent. Si nous prenions ces mots isolément, en les détachant de ce qui les suit, nous en conclurions qu'à partir de l'exécution par effigie de la condamnation par contumace les héritiers présomptifs du condamné obtiendraient la possession de ses biens. Telle serait la conséquence de ces mots, considérés et régis comme biens d'absent, expliqués isolément, interprétés par les dispositions du Code civil au titre De l'absence. Cependant, pour comprendre cette disposition, pour nous bien convaincre que celle interprétation qui se présente au premier aspect ne serait pas exacte, il faut jeter un coup d'œil en arrière sur la législation antérieure à cet article.

Le point de départ à cette question, fréquemment et tout récemment encore controversée, est dans l'art. 475 du Code de brumaire an IV: cet article déclarait qu'en cas de contumace, les biens du condamné seraient régis par l'administration des domaines, et que les revenus perçus par cette administration entreraient irrévocablement dans les caisses de l'Etat, et ne pourraient être ren

dus ni au contumax de retour, ni même à ses héritiers. Ainsi, pour punir le contumax, pour assurer plus efficacement le retour du condamné, la loi de brumaire le frappait d'une véritable confiscation de tous les fruits et revenus perçus ou échus pendant la contumace. Tel était le droit en vigueur lors de la rédaction du Code civil: séquestre de tous les biens du contumax dans les mains de l'administration des domaines, perception des fruits pour le compte de l'Etat qui ne les rendait jamais.

Lors de la rédaction du Code civil, on eut à s'occuper de cette question dans l'art. 28 de ce Code, à propos de la mort civile, et on déclara que les biens des individus condamnés par contumace à des peines emportant mort civile, seraient, pendant les cinq ans de grâce, considérés et régis comme biens d'absent. Il paraît que la pensée des rédacteurs du Code était de confier l'administration des biens, non plus à l'administration des domaines, mais aux héritiers présomptifs du contumax ; c'est là du moins ce qui paraît résulter clairement de toute la discussion au conseil d'État sur cet article. Il s'ensuivait d'ailleurs forcément que l'attribution à l'État des fruits perçus dans l'intervalle ne pouvait plus avoir lieu, puisque ce n'était plus l'État qui régissait.

Mais, dès lors, une bizarrerie bien étrange résultait du texte de l'art. 28 du Code civil comparé avec celui de l'art. 475 de la loi de brumaire. En effet, l'art. 28 ne s'appliquait qu'aux cas de condamnations perpétuelles ; qu'aux condamnations de nature à entraîner la mort civile après l'expiration des cinq ans de gråce; l'art. 475 du Code de brumaire restait en pleine vigueur pour les condamnations temporaires sur lesquelles l'art. 28 du Code civil, relatif à la mort civile, n'avait rien eu à statuer. Cette conséquence était bien étrange, car il s'ensuivait que la loi traitait d'une manière plus favorable le condamné par contumace à une peine perpétuelle emportant mort civile, que le condamné par contumace à une peine temporaire n'emportant pas mort civile. Au profit du premier, l'art. 28 ordonnait la restitution des fruits perçus pendant son absence; à l'égard du second, la confiscation des fruits avait lieu d'après l'article 475. Cette conséquence avait été aperçue, cette bizarrerie avait été relevée dans le sein même du conseil d'État, lors de la discussion du Code civil, mais on n'avait pas cru devoir la corriger, ne voulant pas introduire dans le droit criminel une modification qui résulterait ainsi d'une disposition générale du Code civil. Plus tard cette modification fut apportée par l'art. 471; cet article, dans sa première partie, ne fait que reproduire le texte de l'art. 28: « Ses biens (du contumax) seront considérés et régis comme biens d'absent; » mais il ajoute: « Et le compte du séquestre sera rendu à qui il appartiendra, après que la condamnation sera devenue irrévocable par l'expiration du délai donné pour purger la contumace. » La pensée des rédacteurs, dans l'art. 471, a été d'abroger la confiscation des fruits prononcée par l'art. 475 de la loi de brumaire; on s'en expliquait, d'ailleurs, formellement dans l'exposé des motifs au Corps législatif.

Ainsi, il est bien sûr que maintenant, dans le cas de condamnation à une peine temporaire comme à une peine perpétuelle, le contumax de retour, soit dans les cinq ans s'il s'agit d'une peine perpétuelle, soit dans les vingt ans s'il s'agit d'une peine n'emportant pas mort civile, doit reprendre les fruits sans confiscation possible, sauf tout au plus l'application de l'art. 127 du Code civil.

DES PEINES EN MAT. CRIM. LIV. I. CHAP. I (N° 80). La question n'est donc plus de savoir si l'État gardera les fruits, la négative est clairement décidée par l'art. 471; la question est de savoir si les biens du contumax seront administrés et régis, soit par l'administration des domaines, comme sous le Code de l'an IV, soit au contraire par ses héritiers présomptifs, comme l'avait entendu, à ce qu'il semble, l'art. 28, et comme il semblerait naturel de le conclure de ces mots, seront régis comme biens d'absent. En deux mots, le séquestre dont parle l'art. 471 pour les condamnés par contumace à les peines afflictives temporaires, est-ce l'administration des biens par les héritiers présomptifs du contumax ? est-ce, au contraire, comme sous l'empire du Code de brumaire, l'administration des biens par la régie des domaines, mais sans confiscation des fruits? Je crois qu'il faut reconnaître, aujourd'hui comme sous l'empire du Code de brumaire, que les biens du contumax seront administrés par l'Etat, sauf, bien entendu, l'obligation de restituer les fruits soit au contumax de retour dans les vingt ans, soit à ses héritiers présomptifs à l'expiration des vingt ans. Encore bien que l'art. 471 n'ait rien dit de formel à cet égard, encore bien qu'on pût être tenté d'attribuer l'administration aux héritiers présomptifs, en vertu des expressions de l'article, cependant il est à croire d'abord que la loi, se servant du mot séquestre, entend parler du séquestre ancien, du séquestre tel que l'organisaient les lois antérieures, du séquestre attribué à l'État par le Code du 3 brumaire an IV. Secondement, le but du séquestre dont parle cet article, tout le monde est d'accord à cet égard, est qu'en mettant sous les mains de l'État les biens du contumax, on s'assure qu'il ne pourra pas lui être envoyé des secours de nature à prolonger son état de résistance à la loi. Ajoutez que, d'après le § 2 de l'art. 472, l'extrait de la condamnation par contumace doit être transmis au directeur de l'enregistrement et des domaines. A quoi bon cette transmission, si ce n'est pour l'avertir que la loi lui confère l'administration de ces biens? Enfin, l'art. 475 est plus formel encore; il décide que pendant la contumace des secours pourront être accordés à la famille du condamné, et que ces secours seront réglés par l'autorité administrative. Or, il est clair que si les biens du contumax étaient confiés à ses héritiers présomptifs, ce ne serait pas à l'autorité administrative, mais bien à l'autorité judiciaire de déterminer quelle somme, quelle quotité de revenus ces héritiers présomptifs, enfants ou ascendants du contumax, sont autorisés à retenir pour subvenir à leurs besoins personnels.

En résumé, nous déciderons que, dans le cas de condamnation par contumace à l'une des trois peines de l'art. 29, il n'y aura pas lieu à la nomination d'un tuteur, parce qu'il n'y a pas d'interdiction légale, mais que les biens du contumax seront administrés et régis par l'administration des domaines, dans la forme établie pour la régie des biens d'absent; que cette administration percevra les fruits, non plus, comme autrefois, au profit et au compte de l'État, mais à la charge de les restituer, soit au contumax alors qu'il reparaîtra, soit à ses héritiers présomptifs, s'il ne reparaît pas dans le délai prescrit pour purger la contumace, c'est-à-dire dans le délai de vingt ans déterminé par l'art. 635 du Code d'instruction criminelle.

Un seul point nous reste à examiner, c'est de savoir quel sera, pendant la durée du séquestre, pendant la durée de la contumace, le sort des actes passés par le contumax, par le condamné en fuite. La réponse, en droit, ne peut pas

être douteuse; nous partons de cette idée que l'art. 29 est inapplicable aux condamnations par contumace; donc il n'y a pas d'interdiction, donc les actes passés par le condamné sont des actes valables. Il est bien vrai que l'art. 465 du Code d'instruction criminelle le suspend, à cause de sa contumace, de l'exercice des droits de citoyen, de l'exercice des droits politiques et civiques, mais ne le suspend pas de l'exercice des actes de droit civil, et à plus forte raison des actes de droit des gens.

Ainsi, nous pouvons poser en principe que, la loi ne frappant pas de l'interdiction légale le condamné par contumace à l'une des peines de l'art. 29, les actes de ce condamné sont valables.

Mais de cette validité, conclurons-nous qu'il ait le droit de faire cesser le séquestre, de dépouiller de ses biens l'administration des domaines en les aliénant, de paralyser ainsi les précautions de la loi qui a voulu l'empêcher de faire arriver jusqu'à lui des secours? Non; ces actes seront valables, mais sans pouvoir porter atteinte au séquestre de l'administration, qui ne doit se dessaisir qu'après le retour du contumax, ou après l'expiration des vingt ans. Ces actes seront valables sans porter atteinte au séquestre, c'est-à-dire qu'ils auront tout leur effet contre lui après son retour ou après l'expiration du délai pour purger la contumace.

Ainsi doivent, je crois, se rapprocher et se concilier les dispositions des articles 29 du Code pénal et 471 du Code d'instruction criminelle.

81. Une simple lecture suffit pour les art. 30 et 31.

ART. 30. Les biens du condamné lui seront remis après qu'il aura subi sa peine, et le tuteur lui rendra compte de son administration. »

ART. 31. Pendant la durée de la peine, il ne pourra lui être remis aucune somme, aucune provision, aucune portion de ses revenus. »>

Ici se terminent les dispositions relatives aux peines afflictives et infamantes, considérées soit en elles-mêmes, soit dans leurs conséquences, dans leurs accessoires. Nous passons maintenant à l'énumération des peines simplement infamantes, c'est à savoir le bannissement et la dégradation civique.

82. ART. 32. Quiconque aura été condamné au bannissement sera transporté, par ordre du gouvernement, hors du territoire du royaume. La durée du bannissement

sera au moins de cinq années et de dix ans au plus. »

« ART. 33. Si le banni, avant l'expiration de sa peine, rentre sur le territoire du royaume, il sera, sur la seule preuve de son identité, condamné à la détention pour un temps au moins égal à celui qui restait à courir jusqu'à l'expiration du bannissement, et qui ne pourra excéder le double de ce temps. »

Telles sont les deux dispositions relatives à la peine du bannissement, la première des deux peines purement infamantes énoncées dans l'art. 8.

Je n'ai pas besoin de faire remarquer, sans doute, en combien de points le bannissement, peine purement infamaute, diffère de la déportation, peine afflictive et infamante. Ce n'est pas seulement quant à sa durée, et en ce sens que dans nos lois la déportation est essentiellement perpétuelle et le bannissement nécessairement temporaire, c'est aussi et plus encore dans son mode d'exécution. Le bannissement est le simple transport du condamné hors du

DES PEINES EN MAT. CRIM. LIV. I. CHAP. I (N° 83). territoire du royaume, avec défense d'y rentrer pendant la durée de la peine; ce n'est pas, comme la déportation, son transport dans un lieu déterminé, avec obligation d'y rester et mesures coercitives destinées à l'y retenir. Ainsi, le bannissement laisse au banni le choix de son séjour hors des 'frontières du royaume, et par là même des facilités pour rompre son ban, contre lesquelles l'art. 33 a cru devoir se prémunir par une peine accessoire.

83. Le bannissement a été jugé par les publicistes d'une manière tout à fait contradictoire ; il a été regardé par les uns comme une peine digne des plus grands éloges, et par les autres comme une peine illusoire, et surtout profondément immorale.

Voici comment s'exprime Beccaria, l'un des criminalistes les plus distingués du dernier siècle; il disait : « Celui qui trouble la tranquillité publique, qui n'obéit pas aux lois, qui viole les conditions sous lesquelles les hommes se supportent et se défendent réciproquement, doit être exclu de la société,c'est-àdire banni. » Beccaria, emporté par des désirs d'amélioration, par un sentiment de philanthropie souvent inconsidéré, faisait ainsi du bannissement une sorte de peine applicable à tous les crimes, une sorte de panacée universelle suffisante à guérir tous les maux du corps social.

Au contraire, un publiciste contemporain dit que l'universalité de la peine du bannissement, c'est-à-dire son introduction chez tous les peuples, démontre bien chez toutes les nations l'égoïsme de la loi; au lieu de nous regarder comme une immense famille, nous rejetons sans pitié sur nos voisins un mal redouté, car le délit tient moins à la demeure du coupable qu'à ses inclinations perverses; il ne trouve dans ses passions ni ressource ni amélioration.

Entre ces opinions fort opposées, l'une qui admet et recommande, l'autre qui flétrit et repousse la peine du bannissement, quelle est celle que nous devons admettre? Pour répondre à cette question, au lieu de l'examiner en pure théorie, ce qui a peu d'intérêt, occupons-nous de la peine du bannissement comparée avec les crimes qu'elle doit punir.

Il est sûr d'abord que les critiques élevées contre cette peine, critiques qui reposent avant tout sur son immoralité, sur ce qu'il n'est pas permis à un peuple de rejeter sur ses voisins les coupables dont il veut se délivrer; il est clair que ces critiques seraient très-fondées dans une législation qui ferait du bannissement une peine applicable aux crimes ordinaires, aux attentats soit contre la sûreté des personnes, soit contre la sûreté des propriétés : le bannissement serait alors une peine immorale au premier chef; il ne serait vraiment qu'un échange de malfaiteurs opéré de nation à nation : il serait par là même impraticable, car il est sûr que tous les Etats puissants interdiraient aussitôt l'entrée de leurs frontières aux bannis que voudraient y rejeter leurs voisins.

Si, au contraire, le bannissement ne figure dans une législation que comme une peine applicable à des crimes tout à fait locaux, à des crimes dont le déplacement du condamné rendra le renouvellement impossible ou improbable, à des crimes qui ne supposent pas dans leur auteur ce degré d'immoralité que frappe d'ordinaire la loi pénale; il est clair, dis-je, que les reproches élevés contre cette pénalité seront absolument sans application, sans réalité. C'est en

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