Page images
PDF
EPUB

damnable, puisqu'ils tournent le bien des pauvres à leur profit, en faysant vivre, comme on l'a expérimenté plusieurs fois, des personnes qui sont mortes depuis longtemps, ou en faysant passer pour malades des personnes saines, qui les servent et dont ils se font payer par l'Hôpital. »

En 1743, on les poursuit judiciairement (1): ils ont refusé de payer les droits du poids des farines.

En 1761, nouvelle querelle, au sujet de l'irrégularité dans la tenue des livres, sur lesquels figure le nombre des malades, dont l'Hôpital doit payer la journée. Enfin, en 1767, les Pères demandent encore une augmentation du tarif de la journée de malade, dont le prix a été fixé à 6 sous, et en outre la liberté de traiter avec des pensionnaires aisés, qui veulent leur envoyer directement des malades. L'Hopital répond en leur disant qu'en réalité c'est la somme de 13 sous par jour de malade qu'il donne aux Pères et en montrant la note de ce qu'il leur a payé depuis quelques années. Voici quelques-uns de ces chiffres (2):

[blocks in formation]

En même temps qu'il étaient serrés de près par l'Hopital, qui défendait après tout, l'argent des pauvres, les Pères étaient attaqués, non sans rai

(1) Archives de l'Hôpital, E, 12.

(2) Archives de l'Hôpital, série E (48-103).

8

son, par les chirurgiens. Ceux-ci villaient strictement au maintien de leurs droits et prérogatives, qui, après examen, n'étaient accordés que pour un lieu déterminé, ainsi que le montre le diplôme suivant (1):

Nous, maltres chirurgiens jurés de la ville de Grenoble, assemblés aux formes ordinaires, dans notre chambre commune, pour délibérer sur la requette à nous présentée par sieur Pierre Lape, natif du lieu d'Allevard, tendant à être reçu maitre chirurgien pour le dit lieu d'Allevard et son mandement, après avoir examiné ses certificats de catholicité, vie et mœurs, son brevet d'apprentissage et certificats de service, étant très satisfaits des réponses qu'il nous a donné dans l'examen que nous luy avons fait subir de même que de ses chefs-d'œuvre d'anatomie et de pratique, après le serment par luy prêté en tel cas requis et à la manière accoutumée! Nous l'avons reçû et recevons maitre chirurgien pour le dit lieu d'Allevard et son mandement, consentons qu'il y exerce tranquillement l'art de chirurgie, et qu'il jouïsse des droits et prérogatives qui y sont attachés, à la charge par le dit sieur Lape de servir les pauvres gratis. En foy de quoy nous luy avons délivré les présentes sous l'empreinte du sceau (2) de notre compagnie, et le contreseing de notre greffier.

Donné à Grenoble le vingt septième jour du mois de février, l'an de grâce mil sept cent cinquante huit.

CLAPIER, lieutenant du premier chirurgien du roy.
VARILLON, greffier.

D.-E. BON.

SAINT-BONNET.

CHABERT, faisant la fonction du médecin du roy.

Malgré les défenses formelles, et malgré toutes les précantions prises par les chirurgiens, les Pères de la Charité ne se gênaient pas, en effet, pour faire de la chirurgie au dehors et ils en faissaient beaucoup dans l'Hôpital même. En 1755, le premier chirurgien du roi leur fait un procès (3). Ils réclament, protestent et, en 1759, le chapitre provincial de leur ordre les maintient dans le droit auquels ils prétendent, de faire de la chirurgie, déclarant que les Pères en ont toujours fait, soit pour les pauvres malades, soit pour les soldats du roi. Mais en 1761, la déclaration du roi donnée à Marly, le 20 juin, tranche définitivement la question (4).

Elle le fait cependant avec tellement d'euphémisme, semblant, par les considérants, accorder aux religieux le droit de faire de la chirurgie

(1) Collection particulière de M. Edmond Maignien.

(2) Malheureusement le sceau a été arraché. Il ne reste plus que les débris de cire rouge sur une surface de cinq centimètres environ.

(3) Archives de l'Hôpital, II, G, 1.

(4) Archives de l'Hôpital, II, E, 2.

alors que les articles leur refusent ce droit, que les deux parties en procès parurent tout d'abord également satisfaites.

Le Père Philippe Trumeau fut, en effet, félicité, pour avoir obtenu par ses démarches la déclaration royale du 20 juin (1), en même temps que, pour se conformer à cette déclaration royale, les Pères s'empressaient de nommer partout un chirurgien séculier et un substitut.

Voici le texte de la déclaration de Marly (2):

Déclaration du roi concernant l'exercice de la chirurgie dans les maisons de l'ordre de la Charité, donnée à Marly le 20 juin 1761.

Nous n'avons rien eu de plus à cœur depuis notre avènement à la Couronne, que de procurer à tous nos Sujets, et fur-tout aux Pauvres, les fecours qui leur font néceffaires dans leurs infirmités. et nous avons accordé une égale protection aux Maifons de la Charité établies dans notre Royaume par les Lettres Patentes du mois de Mars 1602 et autres fubféquentes, et à cet Art fi important pour l'humanité dont nous avons la fatisfaction de voir de jour en jour les progrès par les effets de nos foins et ne notre libéralite; c'eft dans cette vue qu'en faifant, par nos Lettres Patentes du mois de Septembre 1724, différens établiffemens propres à porter la Chirurgie au point de perfection où elle eft actuellement, nous avons cru devoir nous réferver la nomination d'un Chirurgien en chef en chacune defdites Maifons de la Charité; et que dans la perfuation que les Pauvres y feroient mieux fecourus par les Maîtres de l'Art que par des Religieux, nous avions cru devoir interdire aux Freres de la Charité, toute faculté d'y exercer la Chirurgie; mais les difficultés qui fe font oppofées à l'exécution de cette difpofition dans la plupart des lieux où ces Hôpitaux font établis, et plus encore dans nos Colonies nous ont porté à faire examiner de nouveau cette matiere en notre Confeil. Une expérience de trente fix années, et tout ce qui a été remis fous nos yeux tant de la part dudit Ordre de la Charité que de celle de notre premier Chirurgien, nous ont fait reconnoître qu'il étoit de notre juftice, autant que du bien des Pauvres et même du bien Public, d'apporter quelques tempéramens à l'exécution de nofdites Lettres Patentes: Nous nous femmes perfuadés qu'en nous repofant fur lefdits Religieux, du foin de choifir eux-mêmes leur Chirurgien comme ils choififfent leur Médecin, et en étendant à leurs autres Maitons la prérogative accordée à celle de notre bonne ville Paris par le Roi Louis XIII notre Trifayeul, de faire gagner la Mai rife à un Garçon Chirurgien qui y auroit fervi gratuitement les Pauvres pendant plufieurs années, il en réfulteroit entre eux et lefdits Maîtres Chirurgiens, une union vraiment utile au fervice des malades et auffi propre à fortifier l'expérience et les connoiffances defd. Religieux, qu'à les mettre en état de fuppléer fans inconvéniens aux fonctions defd. Chirurgiens dans les cas de nécefficité. Nous dous fommes d'autant plus volontiers déterminés à faire cette exception à la régle générale qui doit écarter

(1) Archives de l'Hôpital, II, E, 2. (2) Archives de l'Hôpital, II, E, 2.

de tout exercice de Chirurgie ceux qui n'ont pas paffé par les épreuves requifes pour obtenir leur Maîtrife, que nous ne faifons par-là que rendre auxdits Religieux l'ufage d'une faculté portée par leurs Statuts autorisée par les Lettres Patentes des Rois nos Prédéceffeurs, et notamment par celle du 23 Juillet 1668, qu'ils ont exercée jufqu'à nofdites Lettres Patentes de 1724, et même depuis par nos Ordres dans nos Provinces et dans nos Colonies. Les précautions que nous avons prifes en même-temps, pour qu'ils n'en puiffent jamais abufer, nous donnent lieu de compter que cette indulgence ramenera entre eux et le Corps de la Chirurgie le concert et l'harmonie que nous défirons d'y voir regner pour le bien des Pauvres; et cet avantage fe joignant à l'émulation qui naîtra des autres difpofitions que nous avons jugé à propos d'y ajouter. Nous aurons la fatisfaction de voir fe multiplier de plus en plus dans nos Etats les études, les expériences et le nombre des élèves, qui par une fuite néceffaire, augmentera celui des Maîtres en Chirurgie, et de procurer ainfi aux Pauvres comme aux Riches, par toute l'étendue des Pays de notre obéiffance, tous les fecours dont ils pourront avoir befoin. A CES CAUSES et autres confidérations à ce nous mouvantes, de l'avis de notre Confeil, et de notre certaine fcience, pleine sufisance et autorité Royale nous avons, par ces préfentes fignées de notre main, dit déclaré et ordonné, difons, déclarons et ordonnons, voulons et nous plaît ce qui fuit:

ARTICLE PREMIER.

Dans toutes les Maifons de l'Ordre de la Charité fondées par Lettres Patentes pour fervir d'hôpitaux aux pauvres malades de nos Sujets, il y aura un Chirurgien en chef et un fubftitut dudit Chirurgien; et filles deux ne peuvent fe trouver dans le lieu où ledit Hôpital eft établi, ou dans les environs, il y aura toujcurs au moins un Chirurgien en chef.

II

Le Chirurgien en chef et fon fubftitut feront Choifis parmi les Maîtres les plus habiles des Communautés de Chirurgiens établis auxdits lieux ou aux environs; et ledit choix fera fait par le Prieur de chaque Hôpital, et les quatre plus anciens de la Maifon, conformément aux conftitutions dudit Ordre, et aux Lettres Patentes du 23 Jullet 1668. Voulons qu'à mérite égal ceux qui auront gagné la Maîtrife dans lefdites Maifons, ayent la préférence sur les autres.

III

LORSQU'IL viendra à vacquer une place de Chirurgien en chef ou de fon fubftitut dans l'une defdites Maifons, fera tenu le Prieur de ladite Maifon, d'en donner avis à notre Procureur Général de la Cour de Parlement, dans le reffort duquel ladite Maifon fera fituée, et faute par lefdits Prieurs et quatre anciens d'avoir nommé lefdits Ghirurgiens en chef et fubftitut dans un mois du jour que lefdites plac-s fe feront trouvées vacantes, il leur fera, fur le réquifitoire de nos Procureurs Généraux, enjoint de procéder à ladite nomination en la forme fufdite, dans tel bref delai qui fera réglé, et fous telle peine qu'il appartiendra, ce qui pourra étre pareillement ordonné far la Requête des Communautés de Chirurgiens ou des Maires et Echevins ou Syndics de la Communauté du lieu, et fur les conclufions de nos Procureurs Généraux; enjoignons à cet effet aux Prieurs defd. Maifons d'envoyer une copie fignée d'eux defdits actes de nomination à nofdits Procureurs Généraux dans la quinzaine au plus tard du jour de leurs dates.

IV

En cas qu'il furvienne des plaintes contre lefdits Chirurgiens et fubftituts, il y fera pourvû de l'autorité de nofdites Cours, fur le réquifitoire de ros Procureurs Généraux.

V

Il pourra être reçu des éleves en chacun defdits Hôpitaux par le Prieur, et de l'avis des quatre plus anciens de la Maifon. Voulons néanmoins qu'ils ne puiffent y être admis qu'en juftifiant de leurs vie et moors, et de leur fervice chez un Maître Chirurgien pendant un an au moins, et qu'après avoir été préalablement examinés par le Chirurgien en chef dudit Hôpital, ou par fon fubftitut; et feront lefdits éleves infcrits fur un regiftre qui fera tenu à cet effet par lefdits Prieur et Chirurgien en chef.

IV

Le nombre des éleves fera fixé par le Prieur de chaque Hôpital, de l'avis des quatre plus anciens de la Maifon et de concert avec la Chirurgien en chef d'icelle.

VII

LE gagnant Maîtrife établi dans l'Hôpital de la Charité de notre bonne ville de Paris, fuivant les Lettres Patentes du mois de Mars 1612, fera choifi au concours par le Doyen de la Faculté de Médecine de notre dite Ville, le Lieutenant de notre premier Chirurgien, et les quatre Prévôts de la Communauté des Chirurgiens, entre les éleves qui auront fervi dans ledit Hôpital pendant deux ans au moins, et entre pareil nombre des éleves de ladite Communauté qui auront été préalablement nommés par le Chirurgien en chef dodit Hôpital, pour concourir avec lefdits éleves de la Maifon. Voulons qu'à mérite égal ceux de ladite Maifon y ayent la préférence.

VIII

IL fera pareillement choifi tous les fix ans, en chacun des autres Hôpitaux dudit Ordre, un gagnant Maîtrife entre les éleves de la Maifon qui auront fervi deux ans au moins, et les éleves en Chirurgie du lieu ou des environs. Voulons qu'à mêrite égal, l'éleve de ladite Maifon ait la préférence, et que le Prieur d'icelle foit tenu d'enu d'envoyer à notr Procureur Général de la Cour de Parlement, dans le reffort duquel ladite Maifon fera fituée, l'Acte de nomination dudit gagnant Maîtrife, dans la quinzaine de la date d'icelle.

IX

Le choix dudit gagnant Maîtrife fera fait au concours, en présence et de l'avis du Doyen de la Faculté de Médecine dudit lieu, s'il eft poffible, finon du plus ancien des Médecins dedit lieu, ou des environs, comme auffi du Lieutenant de notre premier Chirurgien et du Prévôt de la Communauté des Chirurgiens la plus proche, et en leur abfence, du plus ancien Chirargien dudit lieu, ou des environs.

X

IL fera établi, autant que faire fe pourra, dans lefdits Hôpitaux des Cours de Chirurgie et d'Anatomie qui feront faits par le Chirurgien en chef de la Maifon, ou par fon Subftitut, ou à leur défaut, par un autre Chirurgien féculier, choifi de concert avec le Prieur: et les jeunes Religieux y pourront affifter avec les éléves de la Maifon, et même tels jeunes Chirurgiens ou éléves en Chirurgie qui y auront été admis du confentement dudit Prieur; le tout fans préjudice aux Religieux Profès de la Maifon qui auront été à

« PreviousContinue »