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autant militaire que politique. On sait que ce prince établit dans la cité romaine une nouvelle division des citoyens qui comprenait en même temps les plébéiens et les patriciens. Tous les citoyens furent divisés en cinq classes d'après leur fortune; chaque classe eut un certain nombre de centuries; les centuries étaient inégales sous le rapport politique, mais au point de vue militaire, elles fournissaient chacune cent hommes. La première classe comprenait 80 centuries, c'est-à-dire 8000 hommes, armés de toutes pièces et auxquelles se rattachaient deux centuries d'ouvriers charpentiers et autres pour le service de l'armée. La seconde classe fournissait 20 centuries, armées comme les précédentes, sauf la cuirasse; la troisième en fournissait 20 également, qui n'avaient ni la cuirasse ni l'armure qui couvrait la jambe. Les 20 centuries de la quatrième classe n'avaient pour armement que la lance et le bouclier, celles de la cinquième n'avaient que des arшues dejet. A la quatrième classe se rattachaient en outre deux centuries de musiciens (cornicines et tubicines) fournis par cette classe et les deux précédentes. Les hommes de la première classe étaient appelés principes el triarii, ceux des trois suivantes hastati, ceux de la cinquième rorarii; ces derniers ne formaient que des troupes Jégères. Les centuries ne se mettaient pas en campagne tout entières, 40 hommes restaient en réserve et la centurie ne comptait que 60 hommes sous les drapeaux. Les centuries étaient jointes deux à deux et forInaient ainsi des manipules et des ordres de 120 hommies. Trente manipules formaient une légion qui comprenait 8600 hommes.

Chaque classe était divisée d'ailleurs en centuriesjuniorum composées des individus de16 à 46 ans, et centuries seniorum de ceux de 46 à 60. Les centuries militaires n'étaient recrutées que dans les premières dans les temps ordinaires.

En dehors des classes étaient 18 centuries de chevaliers dont six formées par les patriciens et les autres par les plus riches plé

béiens.

Quand la royauté eut été abolie et que les plébéiens furent arrivés aux mêmes droits que les patriciens, l'organisation pratique des centuries subit de grandes modifications et fut remplacée peu à peu par la division en tribus qui ne reposait pas sur la distinction de la fortune. L'organisation militaire subit naturellement des modifications analogues. Les divisions de l'armée en principes, hastati et triarii, devint avant tout une division de fonctions; les rorarii disparurent. Voici ce qu'était devenue au temps des guerres puniques l'organisation militaire de Rome.

Les chefs de l'armée étaient les consuls. Leurs subordonnés immédiats étaient les tribuns militaires au nombre de 4 à 6 par légion et qui étaient choisis par les tribus. On levait ordinairement de 4 à 6 légions formées alors de 4200 à 5000 hommes; à chacune d'elles se rattachaient 3 centuries

de cavalerie. Au moment de la levée les tribuns militaires de chaque légion choisissaient, suivant un ordre déterminé à l'avance, les hommes qui devaient en faire partie; les chevaliers étaient choisis par les censeurs. Les chevaliers n'étaient libérés du service qu'après 10 campagnes; les fantassins après 20, les uns et les autres recevaient une solde depuis l'an de Rome 349.

La levée faite, chaque soldat prêtait le serment militaire qui le liait aveuglément à son chef et donnait à celui-ci un pouvoir presque absolu sur ses subordonnés.

Les hommes de chaque légion étaient classés ensuite en princes ou principes, hastaires ou hastati, triaires ou triarii et velites. Les triaires étaient au nombre de 600; ils étaient recrutés parmi ceux qui avaient déjà servi en qualité de princes ou d'hastaires; c'étaient les soldats d'élite. Les vélites étaient les plus jeunes soldats, ils étaient armés à la légère et il fallait avoir fait plusieurs campagnes en cette qualité pour être admis dans les rangs des hastaires et des princes. Les premiers étaient choisis parmi les plus forts et les plus vigoureux de la levée; ceux qui n'entraient dans aucune des classes précédentes formaient les hastaires. Il y avait 1200 vélites 1200 princes et 1200 hastaires par légion.

Les vélites étaient armés de l'épée, du javelot et de la parme, bouclier rond d'un diamètre de près de 3 pieds.

Les princes, les hastaires et les triaires étaient armés de l'épée, du pilum, l'ancienne lance modifiée, et du grand bouclier carré de la forme d'un demi-cylindre de 4 pieds de hauteur, formé de deux planches taillées en forme de douves et recouvertes d'une peau de veau. A la place de l'ancienne cuirasse on avait adopté le garde-cœur plaque d'airain fixée sur la poitrine à l'aide de courroies; la tête du soldat était couverte d'un casque ou galea; sa jambe droite par une bottine ferrée l'ocréa. La cavalerie adopta de bonne heure les armes des cataphractes grecs.

Dans l'ordre de bataille, la légion se formait sur trois ligues, la première était composée des hastaires, la seconde des princes, la troisième des triaires; les hommes étaient rangés sur 10 de profondeur et chaque manipule d'hastaires et de princes comprenait 12 hommes de front; ceux des triaires au contraire n'étaient que de 60 hommes et de 6 hommes de front. Le manipule était commandé par le plus ancien des deux centurions chefs des centuries dont il était formé; chaque centurie comprenait en outre quelques sous-officiers.

Certains intervalles étaient réservés entre les manipules, ce qui établit une différence essentielle entre l'ordonnance romaine et la phalange grecque. Ces intervalles étaient garnis ordinairement par les vélites et ils pouvaient permettre aux princes et aux triaires de passer sur la première ligne, quand celle-ci se trouvait entamée. La cavalerie était toujours placée sur les ailes; chaque

aile composée d'un certain nombre de turmes était commandée par un préfet.

Cette organisation fu! modifiée profondément dans les derniers temps de la république par Marius. Les légions furent divisées en cohortes composées chacune d'un manipule de princes, d'un manipule d'hastaires et d'un manipule de triaires. Chaque légion se composa de dix cohortes rangées sur deux lignes. Chaque ligne comptait toujours dix rangs dont les quatre premiers étaient formés d'hastaires, les quatre suivants de princes et les deux derniers de triaires. Les cohortes étaient séparées par des intervalies de la longueur d'une cohorte. Les vides de la seconde ligne correspondaient aux pleins de la première, de manière que la légion était disposée en échiquier. Marius admit aussi dans l'armée les hommes de la dernière classe du peuple qui jusque là avaient été exclus des centuries mililaires.

Depuis longtemps, les légions levées à Rome ne suffisaient plus pour les grandes guerres de la république. L'Italie fournis sait les autres, qui étaient organisées comme celles levées à Rome même. La légion conserva cette forme sous l'empire. Les officiers étaient nommés alors par l'empereur el un certain nombre de cohortes d'élite furent consacrées au service spécial de la personne de l'empereur et formèrent la garde prétorienne, commandée par le préfet du prétoire. Les légions qui étaient devenues très-nombreuses étaient généralement formées de 6000 hommes. Sous Auguste, il y eut jusqu'à 43 légions. Ce nombre varia plusieurs fois sous les empereurs postérieurs, ainsi que les détails d'organisation. Les légions portaient souvent le nom des provinces dont elles étaient tirées.

Sous Constantin, l'administration militaire subit une modification analogue à celle qui eut lieu dans l'administration en général.

Le commandement des armées de l'empire fut donné à huit magistri militum, dont cinq pour l'Orient, trois pour l'Occident. Trois d'entre eux résidaient à la cour de l'empereur et y remplissaient les fouctions de ministres de la guerre. Au-dessous d'eux, venaient les duces (ducs) et les comites (comtes) qui commandaient les corps répartis dans les provinces.

L'armée romaine était alors dans une voie de décadence vis-à-vis de laquelle les réformes administratives étaient tout à fait insuffisantes. Jouissant d'une solde et de priviléges exagérés, maîtresse des destinées de l'empire, elle avait perdu sa bravoure et son patriotisme et se trouvait incapable de défendre les frontières de l'empire contre les barbares qui les menaçaient de tous côtés. Non-seulement elle était composée pour la plus grande partie d'hommes pris dans les provinces, qui n'étaient romains que parce que leur pays avait été conquis par Rome; mais des barbares étrangers etaient au service de l'empire et c'était à ces troupes auxiliaires qu'était confiée la

garde des frontières les plus importantes. Pour parer aux dangers qui provenaient de cette faiblesse extrême, on établit alors sur les frontières des camps permanents, comprenant des étendues de pays assez vastes, dont les terres furent données à titre de bénéfice aux soldats et officiers. Pour assurer le recrutement on obligea les enfants des soldats à suivre la carrière de leur père, et ce n'est qu'à cette condition qu'ils purent succéder au bénéfice accordé à celui-ci. Cette institution prit notamment de l'extension dans les régions du Nord et de l'Est de la Gaule les plus exposés aux incursions des barbares, et elle a joué un grand rôle dans le développement de la nation française et par suite de toutes les nations modernes.

d'Occident, l'organisation militaire resta à Moyen age. Après la chute de l'empire peu près ce qu'elle avait été sous les empereurs romains. Comme la plupart des provinces qui avaient fait partie de cet empire furent successivement réunies à la France. c'est de celle-ci seulement que nous nous occuperons pour le moment. L'établisse. ment des Francs eut pour résultat principal, comme nous l'avons dit ailleurs, de donner une armée et un chef à la Gaule déjà détachée à peu près de l'empire romain. Celle armée, composée en partie de soldats francs quiavaient été au service de l'empire et de débris des légions romaines de la Gaule, conserva son organisation. Seulement le système des bénéfices militaires devint général, les terres du domaine impérial ayant été distri buées à ce titre aux soldats par Clovis et ses successeurs. Les militaires formaient naturellement alors la première classe de l'Etat. Les officiers étaient en partie nommés par le roi, en partie élus. Les corps qui résidaient dans chaque circonscription de territoire étaient soumis au commandement du comte, chef de ces circonscriptions appelées comtés. A la tête des troupes de chaque province et des corps d'armée étaient des chefs d'un rang plus élevé appelés ducs.

L'ordre de bataille des Francs fut généralement le même que celui des Romains. Leur armée ne se composait que d'infanterie, et bien que plus tard on y joignit des corps de cavalerie, l'infanterie forma l'armée principale jusqu'à la décadence de l'empire carlovingien.

La même organisation existait encore sous Charlemagne. Les bénéficiaires formaient toujours l'armée proprement dite dont le service militaire constituait la fonction spéciale et dont le bénéfice n'était transmissible à leurs enfants que lorsqu'ils se vouaient également au service. La hiérarchie militaire était la suivante : d'abord les simples bénéficiaires, puis les doyens ou seniores, puis les centeniers, puis les vicomtes, et enfin le comte. Les duchés avaient été supprimés, mais on donnait toujours le titre de ducs à ceux qui commandaient une armée ou les troupes des divers comtés. Ceux qui possédaient des bénéfices de

vaient marcher au premier appel sous peine de perdre leurs bénéfices. Mais, en outre, on faisait des levées quand le besoin l'exigeait parmi les hommes libres de chaque comté. Tout homme libre possesseur de plus de trois manses ou métairies était obligé au service militaire; coux qui avaient moins de trois manses devaient se réunir pour fournir des hommes proportionellement à leur possession. Les frais d'armement, d'équipement et la nourriture étaient à la charge du soldat.

L'armement consistait dans le casque, la cuirasse, le bouclier, la lance et l'épée. La cavalerie devenait de plus en plus nombreuse. A la personne de l'empereur comme à celle de la plupart de chefs, était attachée une troupe spéciale, les milites comitatenses qui étaient les leudes et fidèles de ces chefs et formaient en même temps les corps d'élite dans lesquels on choisissait les titulaires des principales fonctions.

Nous avons décrit dans d'autres articles la décadence de l'empire de Charlemagne et la grande transformation morale qui s'opéra alors. Le résultat de cette transformation fut la féodalité, c'est à-dire une organisation sociale dans laquelle la classe militaire devenue une caste héréditaire réunit dans ses mains la plupart des pouvoirs politiques, éparpillés du reste entre tous les individus de cette caste. Nous avons déjà fait connaître (voy. FÉODALITÉ) l'organisation générale de cette société ; il nous reste à la considérer ici au point de vue pureinent militaire.

« Le service militaire, dit M. Dareste, était la première condition attachée à la possesion d'un fief. On distinguait la chevauchée, obligatoire quand il fallait défendre le seigneur, et l'ost, obligatoire quand il fallait défendre le pays. Si le pays était attaqué, le roi pouvait convoquer le ban et l'arrière-ban. Le prévot d'un vassal menait ses hommes au prévôt d'un seigneur, celuici au prévôt du seigneur supérieur, et ainsi de degré en degré jusqu'au prévôt du roi.

« Les barons et les hommes d'armes devaient, sauf les conventions spéciales, le servir quarante jours et quarante nuits avec le nombre de chevaliers dû par leurs fiefs et réglé par l'usage. Ils ne pouvaient être retenus plus longtemps que dans un seul cas, celui d'une guerre défensive, quand le royaume était menacé, et alors ils devaient recevoir des gages. Ils étaient d'ailleurs tenus de remplir cette obligation sous peine d'amende.

« Les milices communales faisaient la partie principale de l'arrière-ban; elles paraissent avoir formé la seule infanterie des temps féodaux, jusqu'à l'époque où l'on solda les archers génois. C'était une règle ore toute commune dépendante du roi fût assujettie au service militaire direct; cependant le mode d'accomplissement de cette obligation pouvait varier. En général le Contingent de chaque ville était fixé dans

sa charte constitutive et proportionné à sa population. Quelquefois, dans certaines circonstances prévues, tous les habitants devaient sortir en armes, excepté ceux-là seuls que les magistrats municipaux désignaient pour garder les murs. >>

Il règne une certaine obscurité sur les dénominations de ban et d'arrière-ban dont la signification paraît avoir changé plusieurs fois pendant le cours du moyen âge. I est probable que dans l'origine le ban s'adressait à tous les bénéficiaires, c'est-à-dire à tous les possesseurs de fiefs qui formaient la classe militaire proprement dite et l'arrière-ban aux propriétaires obligés de fournir des soldats, conformément à l'organisation établie par Charlemagne. Mais plus tard toutes les propriétés étant devenues fiefs et la fonction militaire étant devenue le privilége exclusif des possesseurs de fiefs et des villes qui avaient acquis le droit de commune, le ban s'adressait spécialement à ceux qui relevaient directement du roi, l'arrière-ban aux arrière-vassaux. C'est dans ce dernier sens seulement qu'on parle de l'arrière-ban depuis la fin du moyen âge. Les chefs naturels du ban et de l'arrière-ban de chaque circonscription territoriale étaient les baillis et sénéchaux de cette circonscription. « C'étaient eux, dit M. Dareste, qui devaient maintenir la police parmi les troupes du ban et de l'arrière-ban, faire exécuter les ordonnances royales qui prescrivaient les réunions des gens armés ou prononçaient la dissolution. des troupes rassemblées par les seigneurs ; celles qui interdisaient les guerres privées... à l'obligation de maintenir l'ordre dans les provinces, ils joignaient; encore celle de veiller à leur défense. Ils veillaient donc à ce que les seigneurs entretinssent des sergents en garnison dans leurs châteaux pour résister à toute attaque des ennemis..

Ces institutions étaient intimement liées à d'autres qui avaient pris naissance en vertu des mêmes circonstances. La fonction militaire ayant acquis de plus en plus d'importance et la classe des bénéficiaires étant devenue la noblesse, il s'était établi un cérémonial particulier pour être admis à cette fonction et des usages nouveaux la régissaient. Ces usages constituaient la chevalerie. Nous empruntons au Cours d'art et d'histoire militaires de M. Roquencourt la description de cette institution":

« Nul ne pouvait aspirer à la dignité de chevalier, s'il n'était gentilhomme de nom et d'armes. On fut toujours très-scrupuleux sur ce point et particulièrement en France. Le candidat devait apporter les preuves de son courage et avoir atteint l'âge de majorité.

« La réception d'un chevalier était accompagnée d'un cérémonial considérable, le cas de guerre excepté. Il est à remarquer que l'accolade se donnait la veille d'une bataille et non le lendemain. Cet usage préjudiciable à la justice et à l'émulation, disparut du temps de François I",

lequel, comme on sait, voulut attendre après la bataille de Marignan pour être armé chevalier de la main de Bayard.

Il n'appartenait d'abord qu'aux rois de conférer la chevalerie; mais dans la suite tout membre de l'ordre eut la même prérogative.... Les chevaliers se partageaient en deux classes: les bannerets et les bacheliers (bas chevaliers).

On appartenait de droit à la première classe lorsqu'on était assez puissant en biens et en vassaux pour lever bannière, c'est-àdire pour marcher escorté d'un certain nombre d'hommes d'armes et de gens de trail, dans le cas contraire on restait dans la seconde catégorie. Il résulte de cette classification entièrement indépendante du mérite personnel qu'il était de la destinée du seigneur châtelain et du simple gentilhomme de n'être jamais que bacheliers.

En temps de guerre, les chevaliers de la seconde classe chevauchaient ordinairement sous la bannière du banneret leur voisin et seigneur. On conçoit que cette différence de condition entre les membres de la chevalerie avait nécessairement une influence très-marquée sur leurs mœurs et leurs habitudes; des intérêts, des soins, des jouissances de toute espèce engageaient le banneret à rester à domicile, tant que l'honneur ou le devoir ne lui imposeraient pas l'obligation de s'en éloigner; mais la guerre, les aventures, les tournois, devaient être l'élément du bachelier, dont le manoir n'avait rien de séduisant. Cette seule réflexion fait voir dans laquelle des deux classes il faut ranger les héros de nos vieux romans de chevalerie.

pour les commander pendant l'action. Alors tous devaient répéter le cri d'armes de ce chef temporaire et se régler sur sa bannière.

Le jeune gentilhomme destiné à ia profession des armes allait faire son éducation auprès de quelque chevalier de réputation, parent ou ami de sa famille. Pendant la première partie de ce novicist, on lui donnait assez indifféremment les noms de page, de damoiseau et de varlet; mais aussitôt que l'âge lui permettait de rompre une lance, il quittait la condition de page pour remplir les fonctions plus relevées et plus importantes d'écuyer; c'était alors qu'il complétait son apprentissage, particulièrement sous le rapport des

armes.

Les écuyers marchaient à la suite des chevaliers, envers lesquels ils étaient tenus à une foule d'égards et de services, surtout à la guerre et dans les tournois.

<< Ils s'honoraient de tenir le dextrier de leur patron, de porter sa lance et son bouclier, de garder et de lier les prisonniers qu'il avait faits. La prouesse n'était pas interdite aux écuyers, quoiqu'il y eût telles coutumes où les préjugés leur défendaient de tirer l'épée, même pour sauver les jours du chevalier qu'ils accompagnaient. »

Quand les armées entraient en compagne, elles étaient commandées par le connétable, l'un des quatre grands officiers de la couronne. La charge de maréchal de France fut instituée sous Philippe Auguste. Il y avait deux maréchaux sous saint Louis, mais ce nombre fut augmenté plus tard. Les maréchaux ou plutôt leurs lieutenants ou prévôts exerçaient la juridiction relative aux gens de guerre, et peu à peu les prévôts enlevèrent aux baillis et sénéchaux la la plupart de leurs attributions de police. et de juridiction militaire.

La dignité de banneret ne s'accordait ordinairement qu'à l'occasion d'une bataille ou de toute autre entreprise militaire. DuCange nous apprend que le chevalier qui aspirait à cet honneur, « venait se pré« senter devant le prince, tenant à sa main Du temps de saint Louis, il existait aussi une lance, à laquelle était attaché le pen- un grand maître des arbalétriers, qui avait a non l'enseigne du chevalier bachelier) sous ses ordres les troupes spéciales telles enveloppé, et là il faisait sa requête, à lui- que les archers, les arbalétriers, les ingémême ou par la bouche d'un héraut d'ar-nieurs, les charpentiers, les maîtres de l'arames, et le priait de le faire banneret, attendu la noblesse de son extraction et les ⚫ services rendus à l'Etat par ses ancêtres, vu d'ailleurs qu'il avait un nombre suffisant ⚫ de vassaux. Alors le prince ou le chef a d'armée developpait le pennon, en coupait la queue et le rendait carré, puis le « remettait entre les mains du chevalier en lui disant ou en lui faisant dire par son béraut ces paroles ou de semblables: Recevez l'honneur que votre prince vous fait aujourd'hui. Soyez bon chevalier et conduisez votre bannière à l'hona neur de votre lignage. »>

Il est à remarquer qu'on évaluait alors la force des armées par le nombre des bannières et des pennous, sans faire mention de l'infanterie, tant elle était comptée pour peu de chose.

« Lorsqu'on était près de combattre, les bannerets choisissaient quelqu'un d'eux

tillerie, nom qu'on donnait déjà aux machines employées à la guerre, bien que la poudre à canon ne fût pas encore inventée.

Par son éducation, par la nature des jeux et exercices militaires, par ses armes mêmes, le chevalier était presque uniquement propre à des combats individuels à cheval. Par suite toute tactique avait disparu; une bataille du moyen âge n'était qu'une série de combats individuels entre des chevaliers isolés. « La manie des armures, dit M. Roquencourt alla toujours en augmentant depuis le commencement de la deuxième race jusqu'aux croisades, époque où elle fut portée à son comble. La lance, l'épée et les autres armes de pointes devenaient inutiles ou de peu d'effet contre des adversaires qui demandaient d'être battus en brèche; on eût fecours aux masses et aux marteaux d'armes pour briser et fausser les armures;

on s'attacha à détruire les chevaux qui, quoique bardés de fer, n'étaient jamais aussi bien à couvert que leurs maîtres. Nos lecteurs se figurent l'embarras et le dépit d'un chevalier gisant par terre, immobile et respirant à peine sous le poids de son enveloppe métallique.»

Les préjugés de la noblesse faisaient qu'on n'attachait que peu de prix à l'infanterie. Celle des communes dont on disposait était mal armée et nullement organisée. Il n'est donc pas étonnant qu'elle n'ait rendu aucun service. Presque dépourvue d'armes défensives, n'ayant comme armes offensives que des arcs et des arbalètes, plus tard des piques, l'infanterie ne paraissait dans les combats que pour harceler l'ennemi de loin, ou pour le poursuivre après sa défaite. Loin de songer à tirer un meilleur parti des milices des cominunes, en leur donnant une organisation régulière, on en fit de moins en moins usage. Depuis le commencement du xiv siècle, et la fin du xv, on ne les voit plus paraître dans les armées.

Dès le x siècle, cependant, cette organisation commençait à se modifier par la formation d'armées permanentes. A la suite des fréquentes guerres féodales, il s'était formé des bandes d'individus n'ayant d'autre métier et d'autres ressources que la guerre, fournies en partie par les hommes de service que chaque chevalier menait à sa suite, en partie aussi par des gentilshommes qui, par des raisons quelconques, s'attachaient à cette vie aventureuse. Ces bandes, connues sous le nom de routiers, de cotereaux, etc., portaient partout le pillage et la dévastation, et ce fut autant la pensée d'en débarrasser les provinces que d'acquérir une armée qui permît des entreprises plus durables que le ban et l'arrière-ban, qui porta les rois à les prendre à leur solde. Ce fut sous Philippe-Auguste que ce fait eut lieu d'abord, et depuis lors les rois eurent presque toujours des armées soldées de cette espèce. Des troupes pareilles se formèrent à l'étranger. En Italie, leurs chefs s'appelaient condottieri, du mot latin conductio, louage, parce qu'ils se louaient avec leurs compagnies aux seigneurs ou aux Etats qui avaient besoin de Jeurs services. Les rois de France levèrent souvent aussi de ces Landes étrangères, et Philippe de Valois, par exemple, avait à son service un corps de quinze mille archers génois, qui se débandèrent les premiers à la bataille de Crécy. Les guerres des Anglais et la Jacquerie, qui eut lieu en 1358, fournirent de nouveaux et nombreux éléments à ces bandes redoutables. Les hommes d'armes congédiés après la paix de Brétigny se réunirent en corps plus ou moins considérables, qui prirent le nom de grandes compagnies, et reçurent plus tard celui de malandrins, et dont Charles V ne put se débarrasser qu'en les envoyant en Espagne au secours de Henri de Transtamare, sous Bertrand Dugueslin. On donnait

alors le nom de compagnie à tout corps de soldats commandé par un seul chef appelé capitaine. Ces compagnies comprenaient ordinairement quelques milliers d'hommes, et différaient de beaucoup par conséquent de nos compagnies actuelles.

Temps modernes. Ce ne fut qu'à la fin de la guerre des Anglais sous Charles VII, que furent constitués régulièrement les éléments d'une armée permanente. «L'attention de Charles VII, dit M. de Roquencourt, se porta d'abord sur la cavalerie, qu'il organisa en quinze compagnies, dites compagnies d'ordonnance, de cent hommes d'armes ou de cent lances chacune. Une lance fournie ainsi qu'on le disait alors, se composait de l'homme d'armes ou gentilhomme armé de toutes pièces, et de sa suite; savoir trois archers, un coutillier (ainsi nommé d'un couteau qu'il portait au côté), et un page ou varlet; ce qui élevait l'effectif de chaque compagnie à six cents combattants, et le total de la troupe à neuf mille, sans compter une foule de surnuméraires ou aspirants qui s'y joignaient, dans l'espoir d'être un jour en pied.

«Il y avait dans chaque compagnie un capitaine, un lieutenant, un guidon et un enseigne, tous renommés pour leur valeur. Ces compagnies de gens d'armes étaient soldées, et ce fut pour subvenir à ces frais que la taille fut rendue permanente. La partie de la noblesse qui n'était pas comprise dans les compagnies d'ordonnance forma dès lors l'arrière-ban.

La gendarmerie des compagnies d'ordonnance forma la grosse cavalerie; à la même époque se forma une espèce de cavalerie. légère sous la dénomination de cranequiniers; mais ce corps avait peu d'importance.

Peu de temps après les compagnies d'ordonnance, Charles VII organisa aussi l'infanterie. Pour remplacer les troupes des communes, il-statua que chaque paroisse serait tenue de lever et d'entretenir des fantassins. On appela les hommes ainsi levés francs archers, parce qu'ils étaient exemptés de la taille. Ils portaient la salade, espèce de casque, et une jaque formée de vingt à trente toiles usées fortement battues, et enfermées entre deux cuirs de cerf. Leurs armes défensives étaient l'épée et l'arc, ou l'arbalète. La France était divisée en cercles militaires correspondants aux divisions et subdivisions de cette milice, qui, sous Louis XI, se partageait en quatre grandes divisions ou bandes de quatre mille combattants chacune, comprenant chacune huit compagnies de 500 hommes. Chaque compagnie avait un capitaine, excepté la première de chaque bande qui était commandée par le capitaine général de la bande. Le corps entier était sous les ordres du chef des arbalétriers.

La poudre à feu était inventée alors, et à partir du XVe siècle on voit l'artillerie prendre une importance toute différente de celle qu'elle avait avant cette invention. De

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