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fants, elle les quitte en leur disant: A demain. » Rentrée à Bicêtre, la sœur Ernestine, dont l'intelligence égale la bonté, réfléchit longtemps sur ce qui lui restait à faire pour ravir ces infortunées à la rapacité de leur parents et à la contagion des mauvais exemples. Elle se demanda si, en leur procurant le travail

peu près nécessaire à leur subsistance, elle ne pourrait pas les garder dans le petit logement qu'elle a loué, les surveiller, les diriger, et attendre ainsi le moment favorable pour les placer avantageusement et à l'abri de toute séduction. Ce projet lui sourit. Le lendemain, il fut mis à exécution; elle devint l'ange tutélaire de ces jeunes filles, qui, grâce aux démarches de leur généreuse protectrice, à ses exhortations, à ses exemples, se livrèrent avec ardeur au travail, répondirent aux espérances de leur institutrice, et méritèrent bientôt la bienveillance et l'appui de l'autorité. Mais là ne devait pas s'arrêter l'œuvre de charité de la sœur Ernestine d'autres jeunes détenues vont également sortir de Bicêtre, et implorer la même faveur. Elle ne perd pas courage; elle prie, elle sollicite, et, bientôt, un logement plus vaste lui est accordé. Des dames, que l'on est toujours sûr de trouver au premier rang, toutes les fois qu'il s'agit d'actes de bienfaisance, se chargent chacune d'une enfant; enfin, la maison de refuge est créée, et aujourd'hui la sœur Ernestine recueille, à la vue d'une prospérité qui est son ouvrage, le fruit de ses peines et de son dévoù

ment.

:

Je n'ai pas besoin, Messieurs, de vous faire comprendre le service immense que la sœur Ernestine a rendu aux bonnes mœurs. Sans doute son œuvre grandira encore; j'en ai pour garant la bienfaisance des dames patronesses, à la tête desquelles nous sommes heureux de voir figurer la femme du premier magistrat de notre département. Mais, dans la situation où se trouve actuellement cette institution, elle ôte déjà au vice et à la débauche un de leurs principaux aliments, et elle rend à la société des filles laborieuses qui, sous l'égide tutélaire de la religion et du travail, deviendront un jour de bonnes mères de famille et de fidèles épouses.

La Société d'Emulation, voulant donner un gage de plus de sa sollicitude pour toute pensée généreuse et récompenser le dévoûment de la sœur Ernestine commeaction de haute moralité, lui décerne une médaille d'or.

Presse lithographique mécanique. M. LACROIX.

L'heureuse impulsion communiquée à l'art de la lithographie par les concours ouverts presque chaque année par la Société d'encouragement de Paris, ne s'est pas ralentie, bien que la plupart des procédés suivis soient aussi simples que rationnels. L'événement le plus important dans cette industrie, pour ainsi dire artistique, c'est, sans contredit, l'introduction des machines destinées à remplacer le travail de l'homme

pour le tirage des épreuves. C'était un problème bien difficile à résoudre, et longtemps essayé sans succès, que de substituer un mécanisme aveugle à l'adresse intelligente et au talent de l'ouvrier, surtout pour le mouillage et l'encrage des pierres. Un ingénieur de cette ville, M. Perrot, que la Société a honoré de ses plus belles récompenses, a satisfait, en 1840, à une partie des difficultés du problème, et, en 1848, la Société d'encouragement lui a décerné le prix de 1,500 fr. qu'elle avait proposé dès 1826.

Au point où en était arrivée cette question de l'encrage des pierres lithographiques et du tirage des épreuves par un moyen mécanique indépendant de l'habileté de l'imprimeur, il semblait que tout était dit, et que l'esprit inventif de nos mécaniciens devait se porter sur d'autres points moins avancés de l'art du lithographe. Cependant, un de nos membres résidants, M. Lacroix fils, constructeur de machines, auquel l'industrie des tissus est redevable de plusieurs bons outils, vient d'imaginer une nouvelle machine lithographique qui nous paraît, sinon supérieure en tous points, au moins préférable dans l'ensemble de ses dispositions et de ses organes à la perrotine lithographique.

Dans cette dernière, tous les rouages qui agissent sur la pierre revêtue du dessin ou des caractères à reproduire, sont fixes: la pierre seule se déplace et passe successivement sous les mouilleurs, sous les rouleaux d'encre et sous les feuilles d'impression.

Dans la machine de M. Lacroix, il en est bien autrement, puisque tout le travail mécanique du mouillage, de l'encrage et d'impression, s'effectue absolument de la même manière que dans le travail à la main. Ce qu'il y a surtout de remarquable dans le mouvement des cylindres encreurs, c'est que leur action est douée d'un accroissement de vitesse progressive, nécessaire pour obtenir un bon résultat, et qui imite parfaitement les mouvements accélérés de l'imprimeur à la main. C'est au moyen d'une combinaison nouvelle et fort ingénieuse que M. Lacroix a obtenu cet accroissement de vitesse, précis, régulier et sans secousses.

La Société considère la nouvelle invention de M. Lacroix comme appelée à jouer un très-grand rôle dans l'industrie lithographique, et, sans le titre de membre résidant qui attache à elle cet habile mécanicien, elle n'eût pas manqué de le récompenser comme il le mérite. Elle ne peut, dans ces circonstances, que lui offrir ses félicitations et recommander sa machine aux imprimeurs et au gouvernement.

Machine à dégorger et à tordre les cotons en teinture.—M. LÉVEILLÉ, membre résidant.

C'est à M. Léveillé, teinturier à Rouen, que nous devons l'importation, en France, de machines à dégorger et à tordre les cotons, ayant pour but le lavage et les manipulations que subissent les cotons en pente dans les diverses opérations de la teinture.

Ces machines, si simples, si légères et peu coûteuses,

produiront une véritable révolution dans l'art de la teinture des cotons. Leur inventeur, M. Prévinaire, manufacturier à Harlem, a dû en puiser l'idée première dans des machines tout à fait analogues, employées depuis longtemps dans le blanchiment et l'apprêt des tissus en pièces. Pour en faire l'application aux cotons filés, il a fallu imaginer diverses modifications: d'abord, rendre libre le cylindre inférieur pour l'introduction de la pente, puis faire commander le cylindre du dessus par celui du dessous, au moyen d'engrenages, à cause de la délicatesse des cotons filés.

En important ces machines dont il a acquis pour la France le brevet d'invention, M. Léveillé a contribué puissamment au progrès de l'art du teinturier, qu'il exerce lui-même avec une supériorité incontestable.

Nous regrettons que son titre de membre résidant lui ôte tout droit à nos récompenses, et la Société ne peut que lui adresser publiquement des félicitations pour son intelligence et son amour du progrès.

DÉRUQUE et GODEFROY. — Blanchiment du fil de lin.- Médaille
en argent (g. m.).

Une branche d'industrie, pour ainsi dire nouvelle pour le département, vient de lui être acquise par les soins de MM. Déruque et Godefroy, blanchisseurs à Déville, et cette industrie est de la plus haute impor

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