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ne l'eût enlevé dans un âge où il pouvait encore espérer de longs jours.

Ma tâche est accomplie, Messieurs; je regrette de n'avoir pu mieux faire; je n'ai rappelé vos travaux que d'une manière imparfaite; mais cette esquisse rapide suffit pour faire voir que vous avez compris combien il est utile que le progrès moral marche de front avec le progrès intellectuel; le développement rapide des inventions nouvelles dans les sciences, l'industrie et les arts ne peut porter de bons fruits qu'autant que les idées morales se développeront avec la même rapidité. Il faut que l'homme tout entier s'avance vers le double but que Dieu lui montre; il faut que son intelligence et son cœur soient à la fois excités par une noble émulation, et il appartient à votre Société d'atteindre ce double résultat. On a souvent accusé les inventions nouvelles, mais c'est à tort, car elles sont dues au génie de l'homme, et il ne faut pas que le génie s'arrête en chemin; mais il faut qu'en même temps l'amour du bien lui serve de guide et lui montre la route: voilà, Messieurs, le remède à nos maux; oui, pour le bonheur de la France, il suffit que le génie se développe et grandisse abrité sous les ailes de la vertu.

RAPPORT

DE

LA COMMISSION DES MÉDAILLES;

PAR M. A PÉRON,

Secrétaire de Correspondance.

MESSIEURS,

Après les lectures si intéressantes que vous venez d'entendre, il semble que votre bienveillance et votre attention devraient être épuisées. Il serait bien fâcheux pour moi qu'il en fût ainsi, car, plus que personne, j'ai besoin et de l'une et de l'autre. Permettez-moi donc d'appeler encore un moment tout votre intérêt sur les médailles qui restent à décerner, et laissezmoi espérer que mon insuffisance ne rejaillira pas

sur les hommes laborieux dont j'ai, au contraire, mission de rehausser les importants travaux

Vous venez d'applaudir, Messieurs, aux récompenses décernées à la bonne conduite, aux bonnes mœurs, à la probité, à la piété filiale. Je sollicite maintenant toutes vos sympathies pour le travail opiniâtre, pour l'intelligence active, pour l'amour du véritable progrès. Nous avions dit aux travailleurs de toutes les conditions: Le génie de l'homme a, dans ces derniers temps, enfanté des merveilles; l'industrie a fait un pas immense, l'art de la mécanique a pris un essor dont il est difficile de prévoir le point d'arrêt, mais il reste encore beaucoup à perfectionner. Mettez-vous donc à l'œuvre, ne vous laissez ni effrayer par les veilles, ni décourager par des essais infructueux. Travaillez avec persévérance nous serons là pour apprécier vos efforts, pour récompenser vos bons résultats, comme nous aurons des avis salutaires, et, au besoin, des paroles de blâme pour ceux qui, prenant l'entêtement et la présomption pour le véritable talent, et courant après des chimères, compromettraient, à nos yeux, par des recherches impossibles, leur avenir et celui de leurs enfants. Notre voix a trouvé de l'écho, notre appel a été entendu, et si nous n'avons pas à enregistrer de ces découvertes, qui, à elles seules, suffisent pour rendre un nom immortel, nous pouvons cependant soumettre à votre appréciation des travaux d'un incontestable mérite, et dont leurs auteurs peuvent, à juste titre, s'enorgueillir.

Mais avant de vous rendre compte de ces progrès de l'industrie, il m'est doux, Messieurs, d'arréter un instant vos regards sur une vie pure et modeste, sur l'un de ces dévoûments que la religion inspire, développe, soutient, et sur les résultats qu'il est possible d'obtenir lorsque la persévérance se joint à la charité.

Vous savez, Messieurs, que les jeunes filles arrêtées pour vagabondage ou pour toute autre cause, mais acquittées pour avoir agi sans discernement, sont placées sous la surveillance de l'administration jusqu'à l'âge de dix-huit à vingt ans; mais ce que vous ignorez peut-être, c'est que ces pauvres enfants, dont aucun ne semble porter le cachet de la perversité, voient arriver avec douleur le jour de leur libération. Ce jour-là, en effet, mises sans ressources à la porte de la prison, livrées sans guide et sans secours à tous les hasards et à tous les dangers de la misère, elles deviennent la proie trop facile de la corruption et du vice. Point d'intermédiaire bienfaisant entre ces infortunées et leur famille, point de tuteur pour diriger leurs premiers pas; le petit pécule qu'elles ont amassé dans la prison est souvent bien vite dévoré par l'avidité de leurs parents. La misère arrive, les bons principes qu'elles ont puisés pendant leur détention les soutiennent quelque temps contre les mauvais exemples, contre les conseils les plus perfides et les plus honteux; mais enfin le torrent les entraîne, elles cèdent au

démon du mal, elles sont perdues pour toujours. Ce tableau est bien triste, Messieurs; aussi, j'aurais évité de vous en faire l'esquisse, si à ces réflexions pénibles, je n'avais pas le bonheur de pouvoir ajouter que, grâce au bon cœur, à la patience, au dévoûment d'une sœur attachée à la prison de Bicêtre de Rouen, la sœur Ernestine, cette démoralisation, si elle n'a pas encore disparu entièrement, est du moins atténuée d'une manière très-sensible.

Il y a environ deux ans, deux jeunes filles arrivent à l'époque de leur libération; les portes de leur prison s'ouvrent devant elles; mais, loin de s'élancer impatientes de respirer un air libre, elles hésitent, elles pleurent, elles conjurent les sœurs de les garder. C'est en vain, les règlements sont impitoyables, il faut sortir. Que vont devenir ces malheureux enfants? Leurs mères? elles sont mortes. Leurs familles? oh! leurs familles les attendent, les attendent avec impatience; mais c'est dans l'espoir d'épuiser en un jour de débauches leurs minces économies, et de les livrer ensuite à la pitié des passants. Touchée de cette douleur si navrante, la sœur Ernestine promet de ne pas les abandonner. Elle frappe à plusieurs portes, cherche pour ses jeunes protégées un asile sûr et du travail. Efforts inutiles! la journée se passe, le soir arrive, et rien, rien! Que faire? La sœur Ernestine ne consulte que son cœur elle loue un galetas, achète deux bottes de paille, un pain, et, les larmes aux yeux, embrassant, consolant ces deux pauvres en

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