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l'éducation qui formie le cœur et l'instruction qui s'adresse seulement à l'intelligence; il voudrait pouvoir remplacer la mère de famille, objet d'admiration et d'amour qui offre à l'enfant quelque chose d'indéfinissable; car un des secrets de sa méthode, c'est de profiter de ce penchant que nous avons pour l'inconnu, et de diriger l'éducation de l'enfant sous l'influence des sentiments mystérieux et tendres que la nature a mis dans son âme.

Les idées de cet homme de bien révèlent un dévouement bien rare; M. Léon Vivet craint les illusions de ce cœur aimant et bon; selon lui, rien ne saurait remplacer avec avantage l'éducation donnée dans la famille; quant à l'instruction, il ne croit pas qu'on puisse trouver une méthode universelle applicable à tous avec un égal succès. La meilleure est celle qui convient le mieux au caractère de chaque enfant, et par conséquent l'enseignement individuel est le seul susceptible de satisfaire à toutes ces conditions. Mais ce mode d'instruction étant impossible pour les masses, on se trouve naturellement ramené au principe de la liberté de l'enseignement, qui seul est en harmonie avec le droit du père de famille, mais ne doit pas exister sans contrôle. Il pense que l'Université, dégagée des deux auxiliaires qu'on lui a donnés, le privilége et le monopole, ne perdra rien de son influence; mais alors elle ne devra sa gloire qu'à la réunion des talents et des vertus.

Le même membre vous a lu un rapport sur une

tragédie et plusieurs pièces de vers de M. Eugène Sevaistre.

Entre autres citations, il vous a fait remarquer ce passage d'une élégie sur la mort d'un jeune écolier :

"

. Oh! pardonne, ma mère,

« Si parfois de ton fils, quelque faute légère,

« Rendant ton front moins pur et tes regards moins doux, "Vint obscurcir tes yeux d'un instant de courroux.

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"

Aujourd'hui que la mort étend sur moi sa rage,

Daigne les oublier ces fautes du jeune âge;

Quand je les commettais, mon cœur fut innocent;
Pardonne-les, ma mère, et bénis ton enfant.

« Un autre espoir te reste, et ta fille chérie,

« Pourra sans doute encor te faire aimer la vie :
Promets-moi de souffrir ses soins consolateurs,

"

« De laisser son amour distraire tes douleurs,
« Et verser dans ton âme un baume salutaire;
"Elle te chérira comme l'a fait son frère,
"Et le plaisir encor se peindra dans tes yeux!
« Mais à mon père aussi reporte mes adieux;
« Dis-lui que son enfant, sur son lit de souffrance,
« Désirant son bonheur, regrettant son absence,
«Eût voulu l'embrasser et mourir dans ses bras! »

Le même membre vous a lu un rapport sur les travaux de la Société Havraise, onzième et douzième années; il vous a dit que le résumé de ces travaux avait été rédigé avec le plus grand soin par M. Millet-SaintPierre, et vous a cité principalement un essai historique sur l'art en France, par M. Borély, quelques poésies de M. Victor Fleury, et notamment une pièce de vers intitulée: Lointains! Ces vers, dit M. Léon

Vivet, sont la véritable expression de cette multitude de pensées qui naissent dans notre âme émue à la vue de l'admirable nature; qui de nous, en effet, ne s'est pas assis pensif sur le bord de la mer, ou au sommet de nos falaises tourmentées; et de là, interrogeant l'espace, n'a pas demandé à l'immensité ses secrets, à l'infini ses mystères?

Le même membre vous a entretenus d'un ouvrage intitulé République; système financier donné par le principe matériel de l'économie politique; son principe moral présenté à l'Assemblée nationale à l'effet de solliciter sa promulgation. Il vous a dit que cette brochure lui paraissait être du nombre de ces ouvrages obscurs, inintelligibles, où la science et les démonstrations mathémathiques sont invoquées à chaque pas, sans jamais se manifester à la pensée du lecteur; ce sont de prétendues formules dont on cherche vainement la véritable signification. L'auteur anonyme se dit ancien élève de l'Ecole polytechnique, mais ce n'est pas une raison pour être inintelligible: la clarté est un des plus beaux attributs de la science.

Mettons-nous à la place de celui qui souffre, dit le -rapporteur, supposons qu'on nous présente une suite d'énigmes sans mot, en nous promettant le bonheur à la suite de leur application; nous nous indignerons de ne pas obtenir le résultat promis, et nous nous en prendrons à ceux qui sont à la tête de l'échelle sociale.

Le même membre vous a lu un rapport sur le

Dromographe planétaire, de MM. Lévy et Levendowski, pour l'année 1849; c'est une heureuse application des tableaux synoptiques à l'étude de l'astronomie. Le but des auteurs a été de faciliter la connaissance de l'état du ciel pour chaque jour de l'année : c'est un véritable service rendu à la science.

M. Léon Vivet vous a aussi rendu compte d'une brochure intitulée: Notice sur M. Lechanteur, commissaire principal de la marine, suivie d'actes inédits relatifs an siège de Flessingue et d'Anvers, par M. Edouard Thierry. Après avoir signalé les principaux points de vue sous lesquels il convient d'envisager le caractère de M. Lechanteur, il s'est arrêté à cette réflexion si vraie, que l'amabilité et la grâce sont l'apanage des esprits élevés ; il a comparé l'éducation actuelle avec l'urbanité d'autrefois, et vous a signalé ces modifications comme des signes de décadence; il vous a cité, à l'appui de cette idée, un passage de Saluste, sur les causes qui ont amené la perte de Rome parvenue au faîte de la grandeur.

Le même membre vous a rendu compte d'un ouvrage intitulé: Continuazione degli atti dell'i e. R. academia economico-agrariâ dei Georgo fili di Firenze. Ce rapport contient la traduction de nombreux passages intéressants.

Vous devez encore à M. Léon Vivet un rapport sur les travaux de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen pendant l'année 1847; il fait l'éloge de ce recueil important.

Dans la séance du 14 aoùi 1848, M. Barre, secrétaire du bureau, vous a donné lecture d'un rapport contenant l'analyse d'un ouvrage de M. Camus, sur l'organisation du travail.

Le système de M. Camus a pour base une vaste association entre tous les citoyens français; il s'agit de l'organisation de tous les travailleurs de l'agriculture, de l'industrie, du commerce, des arts et des sciences; tous devraient, dans ce système, contribuer, selon leurs ressources, à la formation d'un capital, dont l'objet principal serait d'assurer à chaque citoyen du travail et des moyens d'existence, des soins en cas de maladie, et une retraite pour la vieillesse.

M. Barre pense que le projet de M. Camus ne saurait se réaliser qu'en supposant dans le cœur de l'homme une perfection qui ne s'y trouve pas.

En effet, dans une telle association, celui qui donnerait le plus serait précisément celui qui profiterait le moins; il y aurait sacrifice complet de certains intérêts au profit des autres; ainsi, à moins d'admettre l'hypothèse d'une générosité qui n'existe guère, les plus riches se retireraient bientôt; l'association n'aurait plus que des charges, et tomberait d'elle

même.

On voit par là qu'une telle société n'aurait aucune chance de durée, et ne pourrait même se consti

tuer.

Mais, dit M. Camus, la nation adoptant ce vaste plan d'association, garantirait à tous les membres de

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