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rien d'officiel dans ces petites communes; chaque boulanger fait moudre pour son compte, et le prix de mouture est variable avec le plus ou moins d'abondance des eaux, avec la plus ou moins bonne viabilité des chemins. La taxe pourrait alors être fautive; dans ce cas j'aime mieux celle qui s'établira par la libre concurrence; d'ailleurs, des troubles sérieux pour la cherté du pain ne sont pas à redouter dans les petites localités.

La boulangerie devant être règlementée, quelle sera cette règlementation?

Il est évident que la taxe du prix du pain doit être maintenue; que le dépôt de garantie et d'approvisionnement des boulangers doit aussi être maintenu; que le minimum du nombre des fournées qu'ils cuisent doit être déterminé; que le boulanger ne peut cesser de travailler sans avoir averti l'autorité un temps suffisant, à l'avance, pour que celle-ci puisse se mettre en mesure de remplir le vide qui se fera par cette cessation de travail; que le syndicat, lien naturel entre tous les boulangers et l'autorité municipale, doit être également maintenu; enfin, que le poids et la qualité du pain doivent rester sous la sur veillance de l'autorité.

Reste donc à déterminer dans quels termes se feront ces règlementations, comment on établira la taxe du pain, quel sera l'approvisionnement exigé, etc., clc.; enfin, il y a à résoudre quelques

autres questions d'une assez grande importance, telles que celle-ci :

Le nombre des boulangers sera-t-il illimité?

Les boulangers forains continueront-ils à être autorisés à vendre en ville? etc.

Examinons chacune de ces questions.

TAXE DU PRIX DU PAIN.

Si partout le pain se faisait de la même manière, si partout les boulangerr s'alimentaient de farine aux halles et marchés, il serait assez facile d'établir des bases générales pour la taxe du prix du pain. Mais il n'en est pas ainsi; ici, 100 kil. de farine rendent 125 à 127 kil. de pain, là c'est 130 kil. Tel est le rendement admis à Paris; ailleurs, c'est 133 et jusqu'à 140 p. 0/0. Dans un lieu, à Paris, par exemple, leboulanger achète une bonne partie de ses farines à la halle; dans un autre, il n'y en achète que fort peu; ailleurs, il n'achète que du blé qu'il fait moudre. Toutes ces différences donnent d'assez grandes difficultés dans la rédaction d'une loi qui fixerait un mode général d'établir la taxe ; ajoutons que les frais de fabrication varient aussi assez notablement pour chaque localité.

Cependant, il faut laisser le moins possible à l'arbitraire des municipalités, car il pourrait y avoir de grands abus, et ce qui existe aujourd'hui nous le prouve suffisamment. Ainsi, à Paris, les frais de manipulation par sac de 157 kil. de farine, sont fixés à

11 fr., tous bénéfices du boulanger compris; à Chartres, ils sont fixés à 8 fr. seulement; à Lyon, ils s'élèvent à 11 fr. 50, et à Rouen on accorde 12 fr.; à Bordeaux, dans le prix du pain, il est tenu compte au boulanger de 5 fr. par 50 kil. de farine, soit un peu plus de 15 fr. par sac de 157 kil.; à Marseille, ce qu'on accorde élève à 20 fr. les frais de panification de 157 kil. de farine; de telles différences prouvent, où qu'à Chartres, à Paris et à Lyon, on taxe le pain trop bon marché, où qu'à Marseille et à Bordeaux, on le taxe beaucoup trop cher; d'un côté, les boulangers doivent se ruiner, ou, de l'autre, ils doivent faire des fortunes scandaleuses. Ce sont ces extrêmes qu'il faudrait éviter pour être dans le vrai.

Voyons d'abord l'état de cette question à Rouen. Le prix du pain est taxé, à Rouen, depuis 1799; à cette époque il fut établi par des expériences qu'un sac de farine de 320 livres marc, rendait 400 livres de pain blanc.

Il fut encore établi qu'un boulanger qui cuisait 730 sacs de farine par année (2 sacs par jour), dépensait 3,724 fr. en loyer, impôts, main d'œuvre, intérêts des capitaux, bois, levain, sel, etc., etc.; en conséquence, le conseil municipal alloua 10 fr. par sac pour tous frais, cela faisait au boulanger qui cuisait 2 sacs par jour, un bénéfice de 3,576 fr. par année, pour vivre, élever sa famille, etc.

Tels furent les éléments de la taxe du pain à Rouen, de 1799 à 1803, et les boulangers étaient fort satis

faits. Mais en 1803 ils furent obligés de vendre le pain au poids métrique, c'est à dire par demi-kilogramme, kilogramme, etc., quoiqu'ils continuassent à acheter le sac de farine au poids de marc, les éléments de la taxe ne furent point changés, et on opéra comme si 320 livres marc de farine rendaient 400 livres métrique, soit 200 kil. de pain.

Les boulangers se récrièrent beaucoup; ils prétendirent et prétendent encore que le sac de 320 livres marc (156 kil. 64) ne rendait que 195 kil. 80 de pain, el que l'on ne pouvait, dans le calcul de la taxe, supposer le rendement de 200 kil., sans leur faire un tort réel de 1 fr. 45 c. par sac (au prix moyen de 35 c. le ki!.), ce qui réduisait l'allocation, pour fabrication, à 8 fr. 55 c. au lieu de 10 fr.

Les plaintes des boulangers de Rouen sont-elles fondées? N'obtiennent-ils réellement que cent vingtcinq de pain pour cent de farine, tandis qu'à Paris on obtient cent trente et plus, qu'à Lyon et à Bordeaux on compte cent trente-trois?

Je crois volontiers qu'en 1799 il en était ainsi; mais depuis le pain n'est pas le même, et le pain blanc de Rouen ressemble beaucoup au pain de Paris: il se dessèche comme lui, s'émiette comme lui vingtquatre heures après sa cuisson; ce qui pourrait fort bien faire penser que les plaintes des boulangers, à ce sujet, quelques vives qu'elles soient, ne sont pas cntièrement fondées. Au surplus, des expériences

seules peuvent répondre, mais elles seront très-diffciles à bien faire.

- Les farines varient de nature assez notablement; elles ne contiennent pas toutes la même quantité de gluten (matière azotée), d'où suit qu'elles ne retiennent pas toutes, dans la panification, la mème quantité d'eau.

Les farines du Midi sont, à cet égard, fort différentes de celles du Nord; aussi, à mesure qu'on s'avance vers les contrées, méridionales le pain y est-il plus savoureux, d'un goût plus agréable, approchant de celui de la noisette, et à poids égal, ces farines donnent plus de pain, qualités qui sont dues à un excédent de gluten; ce pain, aussi à poids égal, est plus nutritif que le pain fait avec des farines moins azotées.

Nos boulangers savent si bien cela, qu'ils mélangent souvent des farines du Soissonnais, avec celles de nos environs ou de la Beauce, non parce qu'elles sont plus belles, car au contraire elles sont moins blanches; mais parce qu'elles sont plus riches en gluten.

Des expériences bien faites ont prouvé que la farine rassise, à poids égal, rend 3 p. 0/0 de pain de plus que la farine récemment moulue; il faudrait savoir si la farine, en se faisant, ne perd pas en poids ces 3 p. 0/0 ? Cela est probable.

Ajoutons enfin à toutes ces raisons que tel mode de travailler (pétrir) les farines, que l'addition de

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