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Je termine en émettant le désir que dans les cours que la ville fait professer, il soit fait beaucoup d'applications de la géométrie descriptive.

Rouen, le 22 mars 1847.

THIESSÉ.

ALAIN BLANCHART,

POÈME

LU A LA SÉANCE DE LA SOCIÉTÉ LIBRE D'ÉMULATION DE ROUEN,

Le 6 Juin 1847.

Si l'auteur de Cinna, de Pompée et d'Horace,
A laissé sur la terre une si belle trace;
Si depuis deux cents ans, avec orgueil cité,
Devenu presque un dieu pour la postérité,
Le glorieux Normand, dont sur nous l'ombre veille,
Est encore et sera toujours le grand Corneille,
C'est qu'il fit du théâtre un grand enseignement,

Et que jamais poëte, inspiré saintement,

N'a su mieux faire au cœur de la France attendrie
Palpiter immortel l'amour de la patrie.

Que ce sublime amour par ses vers illustré

Soit toujours, Rouennais, pour nous, le feu sacré !
N'en laissons pas pàlir et s'éteindre la flamme!
Quand de la liberté déployant l'oriflamme,
La France se leva pour conquérir ses droits,
Et relevant le gant que lui jetaient les rois,
De Paris sans trembler, sur leurs cours alarmées
Lança sa propagande et ses quatorze armées,

Savez-vous bien pourquoi ses soldats vigoureux,
Répondant à l'espoir qu'elle fondait sur eux,
Sans souliers au combat marchaient avec furie,

Disant « Vaincre ou mourir ! » Ils aimaient la patrie.

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Jours terribles et grands, jours chargés à la fois
De stériles forfaits et de féconds exploits,

Vous ne reviendrez plus: la France a fait peau neuve.
Et Dieu, nous l'espérons, après la grande épreuve,
Laissera le progrès marcher en grandissant,
Sans qu'il nous faille encor verser des flots de sang.
Nous n'en devons pas moins conserver en nous-mêmes
Le souvenir sacré de ces leçons suprêmes,

Et pour notre pays garder à notre tour

Ce noble dévouement, effet d'un noble amour.

La vertu la plus sainte est la vertu civique :
Honneur donc aux martyrs de la cause héroïque !

En notre belle France, il n'est pas de cité
Qui n'ait eu ses grands jours et qui n'ait enfanté
De nouveaux Décius dont l'antique mémoire
D'un rayon lumineux fait briller son histoire.
Puisqu'en ce jour de fête, il m'est ici permis
De vous parler du cœur ainsi qu'à des amis,
Je crois avec mes vers devoir en cette enceinte,
Rallumant à vos yeux une mémoire éteinte,
Ressusciter un nom qui dort enseveli
Depuis quatre cents ans dans un coupable oubli.

Quand des siècles passés explorant les décombres,
Des morts autour de moi j'eus évoqué les ombres,
D'un légitime orgueil mon âme a tressailli,
Et dans mes souvenirs je me suis recueilli.
De ces gloires cherchant quelle était la meilleure,
Emu, j'interrogeai la voix intérieure

Que Dieu prit soin de mettre au cœur du citoyen,
Pour le tirer du mal et le pousser au bien.

Voix qui nous fait braver le dédain et l'insulte,
Oracle inspirateur que l'artiste consulte

Pour demeurer fidèle au grand culte de l'art,

Et cette voix du ciel m'a dit : « Alain Blanchart. »
A l'œuvre donc ! faisons ce que l'honneur demande,
Et puissent en ce jour les vers qu'il me commande
Réveiller triomphant au cœur de ma cité

L'amour de la patrie et de la loyauté !

Puissent-ils, rappelant un fait de nos annales,
Du nom d'Alain Blanchart remplir toutes nos salles,
Et vous forcer enfin, Rouennais d'aujourd'hui,
A cesser d'être ingrats, vous souvenant de lui!

La France s'abimait; Paris, la grande ville,
Se débattait en proie à la guerre civile.
La noblesse en colère et le peuple irrité,
Voulant chacun à soi tirer l'autorité,

Se ruaient dans la rue, en criant sans vergogne,

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Depuis la mort d'un sage, aux mains d'un insensé,

Et personne, jetant le cri de délivrance,

Entre les deux partis ne criait:

Vive France! »

Les cœurs étant gonflés d'égoïsme et d'orgueil,

Nul ne pensait alors à la patrie en deuil;
Nul excepté Blanchart et cette jeune fille,
Peut-être, qui plus tard illustrant sa famille,
Après avoir battu, chassé les mécréans,
Devait sauver la France en sauvant Orléans.

Mais avant, Dieu voulait que la France avilie,
Vidant le vase amer, y bût jusqu'à la lie,

Et par un grand exemple, aux autres nations,
Montrât ce qu'au pays coûtent les factions.
Dieu voulait que dix ans sur sa tige brisée
La blanche fleur de lis se fanât épuisée,
Et que le sceptre en main, son épée au côté,
L'Anglais fit sur Paris peser sa royauté ;
Que sur la Tour du Louvre, arborant sa bannière,
Il courbât devant lui nos fronts dans la poussière;
Que la France se crût morte, Dieu le voulut,
Quitte à faire un miracle après, pour son salut!

Et le miracle eut lieu.

-

Non, jamais notre terre

N'ouvrira ses sillons au soc de l'Angleterre.

Si durs, si lourds que soient leurs fers, aux mauvais jours, Les Français, Dieu le veut, les briseront toujours.

Et Dieu le veut ainsi; non parce que nous sommes

Nous autres, à ses yeux, plus que les autres hommes ;
Mais parce que chez nous, au cœur de la cité,

Vit le dogme immortel de la fraternité ;

Que nous avons du Christ gardé la voix vivante,
Et que notre patrie est une mer mouvante
D'où, chaque jour, s'élance avec un souvenir
Le vaisseau du progrès voguant vers l'avenir !
Espoir des affligés, travailleuse féconde,

La France, dans ses flancs, porte l'âme du monde.
Qu'elle soit donc pour nous une religion,
Cette France! aimons-la jusqu'à la passion,
Et sachons honorer, fêtant leur renommée,

Ceux qui l'ont, avant nous, de tout leur cœur aimée,
Et pour elle, jadis, martyrs fiers de leur sort,
N'ont pas avec leur foi faibli devant la mort !

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