Page images
PDF
EPUB

UTILITÉ

DE LA

GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE

DANS LES ARTS ET MÉTIERS.

S'il est une science dont les applications immédiates soient utiles et promettent un grand succès, c'est, sans contredit, la géométrie descriptive.

Depuis nombre de siècles, des ouvriers intelligents en ont fait usage comme par instinct. La nécessité des arts de construction a conduit les charpentiers et les appareilleurs à des recherches géométriques embrassant les trois dimensions de l'étendue. Ils ont fait, dans cette partie qu'ils ont créée, des choses surprenantes. Leur travail a été analysé et reproduit dans divers ouvrages pratiques; mais dans les uns il

n'y a aucunes démonstrations, et dans les autres les complications de termes de coupe de pierres et de charpente, les rendent indéchiffrables.

Le célèbre Monge, à la fin du siècle dernier, s'empara de tous ces matériaux épars et parvint à les réunir en corps de doctrine: alors la méthode des projections, professée avec éclat, prit la place des ouvrages obscurs écrits sur la matière.

La science de Monge ayant pour but de représenter sur une feuille de papier qui n'a que deux dimensions, tous les corps de la nature qui en ont trois, on conçoit facilement l'importance de ses procédés dans la représentation de tous les objets qui exigent de l'exactitude.

Ceux qui ont étudié tant soit peu l'architecture, n'éprouvent aucune peine à concevoir les procédés que la géométrie descriptive emploie, à cause de l'habitude qu'ils ont de faire souvent des plans, des façades et des coupes. En effet, la méthode des architectes consistant à rapporter à deux plans coordonnés, l'un horizontal et l'autre vertical, les diverses parties d'un édifice conçu, toute difficulté cesse du moment où elles se trouvent dépourvues de toute obliquité, puisqu'alors il ne s'agit que de les représenter dans leur véritable forme et dans leur grandeur rapportées à une échelle quelconque; c'est ce qui a lieu dans les études de plans et de façades; mais quant aux parties inclinées sur le plan et le profil, elles ne sauraient y être figurées sans altération de

dimensions, et c'est à les déterminer que s'applique la géométrie descriptive.

La géométrie descriptive, qui, suivant Monge, devait contribuer, un jour, au perfectionnement de l'espèce humaine, est donc en attendant, indispen-, sable dans l'art de bâtir, non-seulement aux architectes, aux ingénieurs, mais encore aux chefs ouvriers dont le but est de donner aux parties composant un édifice, certaines formes déterminées d'après les indications fournies par les plans.

Une des belles applications qu'offre la géométrie descriptive, c'est la représentation des ombres dans les dessins; mais déjà cette application suppose des notions assez complètes de la science, car elle exige la considération des plans tangents aux surfaces courbes et celle des intersections de surface de toute nature.

On considère deux sortes d'ombre, l'ombre propre et l'ombre portée.

L'ombre propre consiste dans la détermination de la limite de la partie éclairée d'avec celle qui ne l'est pas; or, on conçoit qu'il faut d'abord tracer l'ombre propre puisque l'ombre portée ne peut en être que la conséquence absolue.

En voici un seul exemple. Pour déterminer l'ombre propre et l'ombre portée d'une sphère sur un corps environnant, les projections de ces objets étant données, on suppose les rayons de lumière en ligne droite, tous parallèles entr'eux comme venant d'une

distance infinie, formant un angle dont les projections sont également connues; alors, de tous ces rayons, ceux qui sont tangents à la sphère, déterminent un cylindre dont les génératrices ne sont autre chose que des tangentes aux sections qui seraient faites par des plans menés suivant la direction de ces rayons. Si donc on construit la courbe passant par tous les points de contact, on obtient la limite de la partie éclairée d'avec celle qui ne l'est pas, c'est ce que l'on appelle l'ombre propre.

Maintenant pour l'ombre portée, il suffit de prolonger ces rayons tangents jusqu'à la rencontre de la surface ou du corps qui reçoit l'ombre; il est clair que les intersections de tous ces rayons avec le corps environnant, déterminent l'ombre portée. Cela revient, comme on le voit, à construire l'intersection d'une surface cylindrique, avec celle avoisinant la surface projetante.

Des applications analogues ont lieu dans la perspective linéaire. En effet, pour mettre en perspective un objet quelconque, mais de forme rigoureuse, et dont les projections sont données, ainsi que celles de l'œil et du tableau, il suffit de concevoir des rayons partant de l'œil et aboutissant tangentiellement à l'objet que l'on suppose éclairé de la même manière que pour les ombres; là, comme il est facile de le voir, si le corps à mettre en perspective est terminé par des arètes rectilignes ou surfaces planes, ces rayons donneront lieu à une pyramide dont la surface vue

sera la base et l'oeil le sommet. Si la partie vue appartenait à une surface courbe, cette courbe serait la base d'un cône dont l'œil serait également le sommet. La perspective n'étant autre chose que la section de cette pyramide ou de ce cône par un plan ordinairement vertical, qui est ici le tableau, si l'on construit cette intersection et qu'ensuite on la présente telle q'uelle existe dans son plan, on aura la perspective cherchée. C'est le moyen offert par la géométrie descriptive. Si le tableau était une surface courbe, cela reviendrait à construire l'intersection de deux surfaces courbes. La considération des intersections de surface est donc indispensable dans une perspective rigoureuse.

Dans la peinture, outre que les diverses parties qui sont représentées dans un tableau doivent être mises en perspective rigoureusement, il ne faut pas oublier que quelques-unes se trouvent plus éclairées que d'autres, à cause de leur saillie et eu égard à la nature de leur surface et à la position de l'œil du spectateur par rapport au corps éclairant. La teinte de chacune des parties du corps éclairé doit donc varier selon l'intensité du rayon de lumière; d'où suit la nécessité de déterminer au moins rigoureusement celles qui sont les plus éclairées, afin d'en déduire, d'après cette loi que l'intensité de la lumière diminue comme le carré de la distance augmente, la dégradation ou la teinte qui convient à chacun des objets représentés dans le tableau. Nous citerons cet exem

« PreviousContinue »