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chez les cultivateurs, je leur demandais un peu de marc de pommes, j'en ai amassé un monceau, puis j'en ai fait ces mottes pour nous chauffer durant les Rois ! »>

« Sa mère se livra tout d'abord aux épanchements d'une douce joie, mais bientôt de tristes pensées vinrent assombrir son visage amaigri; Hortense, dont l'œil est pénétrant, a deviné cette tristesse, et tirant de sa poche un petit chiffon dans lequel était précieusement renfermée une pièce de cinq francs: Tiens mère, dit-elle, voilà ma bourse, j'ai tout amassé, sou à sou, pour faire les Rois avec toi et avec mes frères et sœurs; ne sois plus triste, va, nous allons être heureux ?

• Deux ans s'étaient à peine écoulés, que la pauvre malade, sentant qu'il lui fallait quitter cette terre, appela Hortense à son chevet; Hortense avait alors seize ans, elle lui prit les deux mains dans les siennes ; « mon enfant, lui dit-elle, d'une voix éteinte, j'ai voulu te voir encore une fois avant de mourir, tu vas rester seule, chargée de ces quatre orphelins; promets-moi de ne pas les abandonner, sers-leur de mère, fais-les travailler, qu'ils aillent à l'école et deviennent gens de bien ! Hortense le promit, et à l'heure qu'il est, cette promesse sacrée est religieusement accomplie; les enfants savent lire, écrire et calculer, et qui mieux est, sont d'excellents sujets.

« Hortense touche à sa vingt-unième année; Clémence, qui est la plus jeune de cette intéressante

famille, n'a encore que treize ans; tous concourent en raison de leur âge et de leur intelligence aux besoins du ménage, que la courageuse jeune fille dirige avec une admirable habileté.

« Une année après la mort de sa mère, Hortense remerciait le bureau de bienfaisance des secours qu'il avait accordés à la malheureuse famille et le priait de les reporter sur de plus pauvres. Elle vient quelquefois en aide à l'auteur de ses jours, et trouve encore. le moyen de verser de temps en temps le produit de ses économies à la caisse d'épargnes; au mois de novembre dernier, le petit trésor de la famille se montait à cent francs, et chose remarquable, c'est que, depuis cette époque, malgré la cherté du pain, elle a versé encore par minimes fractions, une somme de trente francs.

« Messieurs, c'est avec une joie bien sincère, que vous proclamez un si beau dévouement et décernez à la jeune Hortense une médaille d'or, en exprimant le vœu que ce soit pour cette noble fille, le prélude d'une récompense plus éclatante. »

Qui de nous n'a pas été frappé d'admiration à l'aspect des grandes pages d'histoire retracées sous les voûtes de nos temples ou sur les murs de nos édifices publics! Là, par des effets magiques, le génie de la peinture uni au génie de l'architecture, excitent en notre âme ces ravissantes illusions qui nous reportent dans un autre âge et nous font pour un moment con

temporains des siècles passés; toutefois, quand on songe que ces sublimes conceptions de l'art doivent s'effacer de jour en jour et disparaître, que cette fresque qui donne pour ainsi dire la vie au monument qu'elle décore, doit périr avant lui, on se prend à regretter de ne pouvoir suspendre le cours du temps, ou que la matière ne soit pas immortelle comme la pensée.

M. Chérot, peintre de Paris, a, comme artiste, été touché plus vivement de cette destruction, et il a cherché à prolonger la durée de la peinture à fresque. Dans votre dernière séance publique, vous avez récompensé sa découverte, d'une grande médaille d'argent, avec réserve de droits.

Cette année il s'est présenté à vous avec des résultats aussi justifiés que le permet la prévision humaine; votre président a nommé une commission composée de nos confrères, MM. le baron Marochetti, Court, Gilbert et Cellier-Dufayel;

Ils ont décidé à l'unanimité et par des considérations irréfragables, que sous tous les rapports, la découverte de M. Chérot leur a paru offrir des avantages aussi grands qu'incontestables.

En effet, la composition chimique de la peinture mixturale vous était déjà connue par le travail de M. Letellier et l'analyse de notre confrère, M. Girardin; elle renferme, vous le savez, des matières organiques les moins altérables qui existent.

Sous le rapport de l'application, elle offre d'im

menses avantages: cette application a lieu tant pour l'enduit des surfaces à recouvrir, que pour la préparation des couleurs; et elle peut se faire indistinctement sur la pierre, le plåtre, le fer, le plomb, le zinc, le bois, la toile et le papier.

Si une surface quelconque destinée à recevoir une peinture à fresque d'après ce procédé, est composée de matières hétérogènes, en la soumettant à une imbibition suffisamment renouvelée de la mixture, cette surface acquiert les propriétés d'une homogénéité parfaite dans toutes ses parties.

On sait que l'exécution de la peinture à fresque présente de grandes difficultés; il faut que le pinceau de l'artiste soit aussi sûr que sa conception est hardie; s'il manque un trait, une nuance, une ombre, il n'y a plus moyen de corriger; avec le procédé de M. Chérot, on peut retoucher, suspendre même une œuvre commencée; les difficultés matérielles d'exécution ont disparu, il n'y a plus de différence sous ce rapport, entre la fresque et la peinture sur toile.

Quant à la durée des œuvres, on n'en peut juger que par comparaison: vos délégués ont examiné les fresques de Saint-Germain-l'Auxerrois ; quoiqu'assez récentes, elles ont déjà subi une détérioration prononcée par l'effet de l'humidité et de l'efflorescence du salpêtre.

Un tableau représentant la bénédiction des petits enfants a été peint il y a environ dix-huit mois, dans une chapelle de l'église Saint-Paul, par les procédés

de M. Chérot, dans des conditions on ne peut plus défavorables, car un ruisseau coule au pied du mur et y entretient une humidité perpétuelle, et cependant la fresque exécutée sur la face de ce mur demeure dans un état parfait de conservation.

Aux yeux de la Société, qui est heureuse de partager l'avis de la commission, les procédés de M. Chérot offrent une supériorité évidente et très remarquable sur les procédés employés ordinairement jusqu'à ce jour; d'ailleurs, M. Chérot est un enfant de Rouen, qui nous a fait la promesse d'établir dans sa ville natale un atelier de peinture mixturale; à tous ces titres, vous lui avez décerné une médaille d'or.

La filature du lin n'est plus un problème pour notre département, qui compte déjà de nombreux établissements de ce genre; on ne saurait trop encourager tout ce qui peut concourir au développement d'une industrie dont les intérêts sont en parfait accord avec ceux de l'agriculture du pays.

Un lauréat accoutumé, M. Lucien Fromage, dont l'esprit inventif et fécond ne se repose d'une découverte que par un perfectionnement, a offert à votre examen un garde-navette dans son métier à tisser le lin; c'est une pensée utile au double point de vue du progrès et de l'humanité; personne n'ignore que dans ce tissage la navette lancée avec une grande force, venant à rencontrer dans sa course le moindre obstacle, un fil croisé par exemple, saute quelquefois

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