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nts qui, après la retraite des pasteurs, avaient élevé la ix, avaient terminé leur orageux apostolat sur les bûers ou le terminaient dans l'exil. Le lien qui unissait les glises était brisé, les temples étaient démolis, et les voix olées qui se faisaient entendre étaient celles de quelques natiques plus propres à jeter les âmes sur les avenues es questions folles que sur celles de la foi et de la chaté; des lois de sang étaient toujours en vigueur, et le ergé, pour empêcher le protestantisme de relever la tête, ait la hache toujours prête de ses bourreaux et les sabres ujours aiguisés de ses dragons; de là une terreur conuelle qui planait sur les protestants, de là aussi l'apossie d'un grand nombre qui de jour se courbaient devant ostie et allaient de nuit aux assemblées; un tel état aurait pu se prolonger bien longtemps encore sans nener la chute définitive de la réforme, quand Dieu onna le jeune Vivaraisien à son peuple opprimé.

VIII.

En 1715, Court était à Nîmes où il avait été appelé par Église; c'est de là qu'il put mesurer l'abaissement prond dans lequel ses frères étaient tombés; ce triste speccle navra son cœur sans abattre son courage; quatre oyens s'offrirent à lui pour relever les murs de sa chère érusalem: « Le premier, nous dit-il dans ses mémoires, fut e convoquer les peuples et de les instruire dans des asemblées religieuses; le second, de combattre le fanaisme qui, comme un embrasement, s'était répandu de ous côtés, et de ramener à des idées plus saines ceux qui vaient eu la faiblesse ou le malheur de s'en laisser infecer; le troisième, de rétablir la discipline, l'usage des consistoires, des anciens, des colloques et des synodes; le quatrième, de former, autant qu'il serait en mon pouvoir, de jeunes prédicateurs, d'appeler des ministres de pays étrangers, et s'ils manquaient de vocation pour le martyre et qu'ils ne fussent pas disposés de répondre à mes pressantes incitations, de solliciter auprès des puissances pro

1. Manuscrits de M. de Vegobre. Ces précieux manuscrits sont aujourd'hui en la possession de M. Athanase Coquerel fils.

testantes des secours en argent, pour aider aux études et à l'entretien des jeunes gens en qui je trouverais assez de courage et de bonne volonté pour se dévouer au service et au salut de leurs frères.

«Tel fut le plan qu'il plut à Dieu de m'inspirer dès ma plus tendre jeunesse (car je venais d'entrer dans ma dirhuitième année), et que je n'ai jamais perdu de vue, et quie n'a cessé de m'occuper depuis quarante ans que je suis au service de l'Église.»

pas

Fidèle au plan qu'il s'était tracé, Court se mit immédia tement à l'œuvre, et convoqua des assemblées. La grandeur du péril ne l'arrêta pas, car il sentait instinctivement que son peuple continuait à être privé de culte, il ne tarderait à abandonner sa foi; mieux valait donc livrer ses fidèles aux dragons pour qu'ils en fissent des galériens et des martyrs, qu'à Rome pour qu'elle en fît des apostats; pour lui, il n'écouta, pour nous servir des termes de la Sainte Écriture, ni la chair, ni le sang; il se sépara de sa mère dont il était la joie et le seul appui, et se dirigea vers le Vivarais, devenu un véritable désert. Ses premiers appels furent peu entendus, à peine s'il put réunir dix, vingt, trente personnes, dans quelque caverne ou dans quelque trou de rocher, tant la terreur était grande parmi ses frères. Tou ce qu'il voyait l'affligeait; mais il était moins décourage par leur indifférence que par les folles idées dont leur tête était pleine. A la vue de leurs excentricités, il ressentit une haine profonde pour le fanatisme, ce misérable produit du prophétisme cévenol. A ses yeux, il était l'ivraie que Satan sème dans le champ de l'Eglise pour y étouffer le bon grain. «Il n'a que trop pris racine, écrivait-il à un nommé Valadier, et il ne fructifie que trop à la honte de ceux qui le fomentent! >> «Quand j'arrivai en France. nous dit-il dans son mémoire apologétique, mes premières courses eurent pour théâtre le Vivarais. Là, les échafauds et les gibets étaient encore ensanglantés de l'exécution de plusieurs protestants que l'esprit de fanatisme avait conduits dans celui de la rébellion. Ici se trouvaient quelques hommes et une quinzaine de femmes ou filles, qui, au titre de prédicantes, réunissaient celui de prophétesses. Je craindrais de n'être pas cru, si je rapportais tout ce que ces esprits fourbes ou séduits disaient de puéril,

indigne ou de déshonorant pour la religion. Je m'attaai à convaincre les premiers d'imposture et à ramener s autres. Il n'était pas rare de voir, dans les assemblées, peu nombreuses qu'elles fussent, deux, trois femmes, quelquefois des hommes, tomber en extase et parler is à la fois, comme ces Corinthiens à qui saint Paul resse ses censures. Bientôt je passai, comme un autre e, pour être le fléau des prophètes. Mes discours étaient compagnés des plus heureux succès, et mes progrès ient des plus rapides. Dans peu le fanatisme n'osa plus aître; ceux qui en conservaient quelque teinture ne n entretenaient plus qu'en secret. »1

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Les âmes sérieuses et sensées gémissaient de ce déverdage religieux. «Nous n'avons plus, écrivait Mlle Simart Loriol, personne qui nous console comme autrefois; il a plus que des femmes et des filles inspirées qui ent de très-bonnes choses, sans doute, mais qui alarnt les esprits. Il y a des fois que nous sommes fort rayés, et d'une tristesse qui nous ôte l'envie de rien re, parce que bien souvent elles prononcent des choses fortes et avec tant de pénétration, qu'il nous semble e le jugement de Dieu pend sur nos têtes. Il y a des s que celle que vous connaissez qui est chez nous, nous t dans des alarmes terribles; elle fait de grands cris des uleurs qu'elle souffre dans le temps que cela la prend; utres fois, il lui semble voir du sang répandu par les es. Elle laisse mourir entre ses mains un charbon arnt, etc.3» Les choses, en un mot, en étaient venues à ce int, que la persécution d'un côté, l'ignorance et le faname de l'autre, avaient entièrement anéanti ou défiguré religion.

IX.

Parmi ces fanatiques qui compromettaient, par leurs scentricités, la paix de l'Église renaissante, se trouvaient

1. Nous empiétons sur l'ordre chronologique pour n'avoir plus revenir sur cette page si triste du protestantisme.

2. Mémoire apologétique de Court. Ch. Coquerel, t. Ier, p. 23. 3. Manuscrits de Court. Lettre à Antoine Court, 17 mai 1721.

Isabeau dite la Vivaraise1, Jean Huc et Jean Vesson; ce dernier était un tonnelier de Cros, petit village près de Saint-Hippolyte. Sa vanité, plutôt que l'amour des âmes, ea fit, ainsi que de Huc, un prédicant. Court eut beaucoup de peine à le ranger sous le joug de la loi commune; mais il n'y demeura pas longtemps, car en 1720, un synode le déposa de sa charge de prédicateur «parce qu'il s'ingéra dans l'administration des sacrements sans avoir été mi consacré, ni autorisé à cet effet par les anciens élus d choisis par les fidèles.»

Dans son exaspération, le prédicant offrit à un haat fonctionnaire de la province de lui livrer, en échange d'une somme de cinq cents livres, un grand nombre de ses coreligionnaires, en particulier les anciens de leurs églises. Rebelle de ce côté, il s'affilia à la secte des multipliants, fondée, vers 1721, par les frères Comte, de Lune et Bonicel, du Pont-de-Montvert. Les membres de cette secte avaient trois principaux sacrificateurs, qui portaient un nom hébreu ainsi que tous leurs adeptes.3

Comme la plupart des fanatiques de tous les temps, le multipliants s'occupaient de prophétie, croyaient aux vi sions, aux songes, et faisaient intervenir l'Esprit dans les circonstances les plus vulgaires et les plus insignifiantes de leur vie religieuse, le rabaissant jusqu'à lui faire ma quer à chacun des fidèles une chaise dans le lieu de leur culte. Ils niaient toute autorité spirituelle et ne reconnais saient d'autre guide que l'illumination intérieure; d'eux aux Séguier, aux Salomon, aux Abraham, il y avait la distance qui sépare l'enthousiasme de la puérilité, le drame des farces de la foire; dans leurs folles prétentions, ils se posaient en réformateurs du christianisme qu'ils prétendaient ramener à sa pureté primitive."

1. Elle fut arrêtée à Saint-André-de-Valborgne en 1723; elle se distinguait par son intempérance de langage.

2. La lettre de Vesson, qui constate sa honte, se trouve aujourd'hui dans les archives de Montpellier.

3. Les Prophètes cévenols, par Alfred Dubois. Strasbourg, 1861, p. 136-137.

4. Nouvelles Recherches sur la secte des multipliants d'après les manuscrits autographes encore inédits, par A. Germain, professeur d'histoire à la Faculté des lettres de Montpellier.

Ce fut à cette secte bizarre que Vesson s'affilia. Le jour de sa réception (25 décembre 1722), il se laissa mposer les mains par les trois grands sacrificateurs Boicel, Bourely, jeune garçon de seize ans, et Antoine omte, et s'engagea «à leur servir de ministre et de précateur, à ne rien faire sans leur avis et à être, en tout toujours, à leurs ordres, enfin à porter l'arche de

rité. »

Vesson ne fut que trop fidèle à son serment. Pendant ux ans, il tint, ainsi que ses compagnons de folie, des semblées secrètes, et fit des prosélytes au milieu de ces rsonnes qui, par leur amour des nouveautés, leur esprit quiet et leur vanité, paraissent prédestinées à devenir la oie des premiers aventuriers religieux. La secte des ultipliants s'accroissait', lorsque la police vint les trouer dans la célébration de leurs étranges rites. Au moent où elle pénétra dans l'appartement où ils étaient semblés, les trois sacrificateurs portaient un bonnet resmblant à un casque, ceint de papier doré et d'aigrettes, tenaient à la main une canne de roseau d'où pendait un endard de taffetas. Ils étaient aussi revêtus de baudriers i représentaient la bandoulière des gardes du Roi des is, au bout desquelles il y avait pour clef les commandeents qu'il donna à Moïse sur la montagne de Sinaï. Ils aient éclairés par une lampe de sept lumignons, qui re'ésentaient les chandeliers de Salomon. Leur chaire reésentait la montagne d'Oreb. Chacun des sacrificateurs 'ait quatre tentes sur lesquelles, entre autres, étaient attaées des étoiles qui symbolisaient les nouveaux cieux, etc.2 Les assistants furent arrêtés et mis en jugement. L'inndant Bernage, de Saint-Maurice, livra au bourreau, esson, Bonicel, Comte et une prophétesse, condamna orely, à cause de sa jeunesse, aux galères, avec quatre utres disciples de Vesson. Sept femmes furent enfermées perpétuité dans la tour de Constance; la maison dans lauelle ils célébraient leur culte, fut rasée. La justice fut ruelle à leur égard; plus juste, elle aurait condamné les nultipliants à être enfermés dans une maison d'aliénés. 1. En 1721 elle comptait 227 prosélytes.

2. Mémoire justificatif, rédigé par Bonicel après son arresta

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