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Letellier n'était pas encore satisfait; de l'église, il re tait quelques murs, il ordonna de les faire disparaîti les ouvriers firent jouer la pioche, le marteau, la mine, quelques jours après, la charrue passait sur les fondeme du sanctuaire dont il resta cependant quelques débris q le temps a respectés et qui demeurent le pilori auquel postérité a attaché l'implacable confesseur de Louis X

Depuis cette époque, les jansénistes n'ont pu réu leurs tronçons épars. Toujours attachés à Rome, tout lui résistant, ils n'ont pas compris leur inconséquence, c'est pour avoir manqué de logique qu'ils n'ont su se r lier ni les catholiques, ni les réformés. Calvinistes par grand dogme de la grâce, catholiques par celui de l'Es ils sont demeurés entre les deux camps, ne sachant! obéir, ni commander; et quand ils auraient pu entran la partie la plus éclairée et la plus morale de la France provoquer, dans le catholicisme, une sainte réformatio ils ne surent être qu'une coterie; mais tel qu'il est, le j sénisme a, dans l'histoire, une belle page qui lui est de née par ses illustres et pieux solitaires, et s'il éleva persécution des protestants à la hauteur d'un princi n'a-t-il pas expié cette grande erreur par les malheurs en fondant sur lui, lui donnèrent de glorieux martyrs? Un cri de réprobation accueillit la destruction de Po Royal, des satires et de pamphlets furent publiés en gr nombre contre Letellier; mais lui, dans son calme st vage, laissa, sans s'en inquiéter, passer l'orage. Fidèle roi de Rome, comme Bâville à celui de Versailles, il s't plaudissait d'avoir servi son Église. Le pape n'avait-il dit, en parlant du célèbre monastère : «Je veux détru jusqu'en ses fondements ce nid d'erreurs. >>

XIII.

Après tant de martyres, Louis XIV devait avoir le sie et non le moins douloureux; la main de Dieu s'appesar sur lui, et en prolongeant ses jours, il aggrava son st plice. La mort lui ravit, en quelques jours, son fils, le gra dauphin, le duc et la duchesse de Bourgogne, et des de enfants de ce dernier, il n'en resta qu'un seul qui s'a pela plus tard, pour la honte de sa maison, Louis XV.

Louis XIV était consterné; des bruits sinistres parvinnt jusqu'à ses oreilles, et lui signalèrent son neveu, le ic d'Orléans, comme un empoisonneur; le malheureux onarque courba la tête et but en silence la coupe amère i lui était présentée. Ses jours s'écoulaient dans la stesse. Son Versailles si brillant, si joyeux aux jours on le proclamait Louis le Grand, était devenu un splenle désert; la belle et spirituelle duchesse de Bourgogne l'animait plus avec son goût des fêtes, des bals, des isses et des plaisirs; la vieille étiquette des cours seule it survécu à cet immense naufrage d'illusions, mais beauté du cadre faisait ressortir la laideur du tableau. vieux roi promenait partout son ennui et l'imposait à tout monde, à Mme de Maintenon surtout; il se renfermait journées entières chez elle; et souvent des heures coulaient sans qu'une parole sortit de leurs lèvres. $ seuls visiteurs qu'ils eussent, étaient le sombre Lelier, et le haineux Fagon', aussi difforme de corps que cœur. La marquise expiait cruellement ses grandeurs, par un supplice qui se renouvelait chaque jour, elle it condamnée à amuser un mari qui était inamusable. ns sa douleur, elle disait et écrivait à Mme des Ursins: e ne vois goutte, je n'entends pas et on ne m'entend int, parce que je ne prononce plus, je suis un squelette ant. Elle aussi recevait le juste salaire de son insatiable bition, et sur les marches de ce trône sur lequel elle aurait ulu s'asseoir, elle ne recueillait, auprès de son époux, que s tristesses amères, et, comme à lui, l'avenir lui apparaisit sombre et nuageux; mais plus habile et plus active, le s'agitait, se remuait, intriguait, afin d'écarter le duc Orléans de la régence qui lui appartenait en sa qualité de 'emier prince du sang; elle exploitait les soupçons du roi ›ntre lui, en faveur du duc du Maine, qu'elle chérissait ɔmme s'il eût été son propre fils. Le roi avait pour ce âtard, doublement adultérin, une affection singulière. omme un dieu de l'Olympe qui se croit au-dessus des is qui régissent les simples mortels, il avait imposé à on servile Parlement la tâche ignoble de légitimer son

1. Il était le médecin du roi.

2. Fils du roi et de Mme de Montespan.

origine, de l'assimiler, ainsi que son frère, le comte de Toulouse, aux princes du sang, et de les déclarer aptes à succéder à la couronne. Il osa plus encore: le 23 mai 1715, il voulut qu'on attribuât aux deux frères la qualité de fils de France. Le Parlement obéit. A la vue de ces conseillers en robe rouge qui tremblent devant le vieux sultan Versailles, et sanctionnent les éclatants scandales sa vie, on a droit de se demander si les Français vent avoir du courage ailleurs que sur un champ de taille, et si ce mot cruel de Paul-Louis Courrier n'est p vrai: «Français, vous êtes le plus valet de tous les peu ples. » C'est la rougeur sur le front que nous traçons lignes, tout en nous disant, avec un légitime orgueil. le grand roi n'aurait pas obtenu d'une cour huguenote, qu'il obtint d'une cour catholique. Revenons à M Maintenon; sa tâche auprès de son vieil époux devenait plus en plus difficile, il résistait à ses obsessions, et voulait pas faire de testament, sachant qu'il en serait ses dernières volontés comme de celles de son père et son aïeul; il voulait épargner cet affront à sa mémoire et peut-être aussi sentait-il instinctivement que ceux lui demandaient de faire son testament, prévoyaient sa m prochaine. La marquise, voyant la résistance qu'il oppos à ses désirs, le fit travailler par son médecin et son co fesseur, et mit le vieux marquis de Villeroi, ce type a compli du courtisan, dans sa confidence. Attaqué par ta de côtés, au confessionnal par Letellier, à son chevet p Fagon, dans les conversations intimes par Villeroi, Lou était poursuivi comme un cerf par des chasseurs; ma lui, toujours convaincu que ses dernières volontés ne se raient pas respectées, n'écrivait rien, ne signait rien Mme de Maintenon eut alors recours à une ruse odieus qui lui réussit: elle et ses aides, c'est Saint-Simon qui rapporte, se firent un visage taciturne et glacé; Versailles déjà si sombre, s'assombrit encore. Quand le roi parais sait, ils gardaient le silence; s'il leur adressait la parole, ils répondaient par monosyllabes; quand il se taisait, tous restaient muets. Le roi s'irrita de cette conspiration du si lence, le silence seul lui répondit', il céda de guerre lasse,

1. Saint-Simon.

Ernest Moret, t. III, p. 406.

et écrivit son testament dans lequel il laissa à son neveu a régence, qu'il ne pouvait lui ôter, mais limita tellement es pouvoirs, par le conseil qu'il lui donnait, qu'il n'hériait que d'un vain titre. 1

Mme de Maintenon avait atteint son but; dans la joie de on triomphe, elle s'efforça de faire renaître la joie qui ait bannie de Versailles, et s'ingénia à amuser son vieil Doux, en faisant jouer des opéras et en donnant des fêtes des bals. C'était presque comme autrefois; il y avait cendant une ombre au tableau, c'était la vue de ces deux eillards qui, sur les bords de la tombe, se baissaient niblement pour ramasser quelques fleurs fanées.

XIV.

La santé du roi commençait à décliner, moins enre par le poids des années que par le traitement intelligent de son médecin Fagon. Ses courtisans s'en erçurent vite, et tournèrent instinctivement leurs rerds vers celui qui, après sa mort, devait prendre les nes de l'État. Le duc d'Orléans, en voyant paraître dans n salon des figures qu'il n'y avait pas vues depuis longmps, comprit, et se prépara aux grandes éventualités l'avenir.

Une tristesse profonde s'était emparée du vieux morque, et quel que fût l'empire qu'il savait prendre sur i-même, il ne put la cacher à son entourage, toujours apressé à son lever et à son coucher, comme aux plus beaux urs de sa puissance. Il sentait que le moment fatal apochait pour lui, et que de tous les trésors accumulés ins sa demeure royale, il n'emporterait qu'un suaire et l'un cercueil. Dans ses heures d'insomnie, la flèche de église de Saint-Denis, qui avait décidé les splendides lies de Versailles, dut se dresser devant lui et lui crier › vanitas vanitatum du brillant Salomon. La mort plus forte ue sa volonté, devant laquelle il avait fait tout ployer, le loyait à son tour comme un faible roseau, et le courbait evant Celui qui demande aux rois un compte sévère, mais ste, de leur administration.

1. Isambert, Anciennes lois françaises, t. XX, p. 623.

Il était souffrant depuis à peine quelques semaines, e déjà toute l'Europe le savait. En Angleterre on ouvrait de paris sur sa mort. « Il ne passera pas, disait-on, le moi de septembre »; et les gazettes, avides de tout ce qu peut piquer la curiosité publique, enregistraient tous le bruits qui leur venaient de Versailles. Un jour, M. d Torcy, qui lisait au roi une feuille publique qui annonçai le prochain décès du monarque, s'arrêta tout à coup << Continuez », lui dit son maître, le courtisan hésita; mai devant la volonté de Louis, il obéit. Le roi affecta de l'é couter avec indifférence, mais il ne put s'empêcher de par ler, au petit couvert, de ce qu'il avait entendu lire; i s'efforça de manger, « mais les morceaux, raconte Dan geau, lui restaient dans la bouche ». 1

Le mal faisait des progrès rapides, une des jambes de l'illustre malade enfla, la fièvre survint, avec la fièvre perte du sommeil; ses nuits devinrent de plus en plú mauvaises, les médecins lui prodiguèrent leurs soins mais ils ne tardèrent pas à s'apercevoir avec effroi que gangrene avait gagné l'une de ses jambes.

Le roi, qui se rattachait d'autant plus à la vie qu'il se tait plus qu'elle se retirait de lui, dit à ses médecins « Vous avez des rasoirs, coupez la jambe.» Après une le gue délibération, ils se décidèrent à faire préalableme des incisions. I supporta cette cruelle opération sal pousser une plainte, son pouls ne marqua aucune alt ration. 3

«Votre état est grave,» lui dirent les médecins en quittant.

Le roi comprit, et parut entendre la fatale nouvel comme s'il se fût agi d'un autre ; il demanda son confe seur qui arriva au moment où les musiciens allaient d ployer leurs cahiers pour jouer la sérénade; d'un geste furent congédiés, et quelques moments après, à la n tombante, Louis reçut l'extrême onction, et communia

Quand tout le monde fut retiré, il recueillit tout ce q lui restait de forces pour écrire un second codicille,

1. Mémoires de Dangeau, p. 269. 2. Mémoires de Saint-Hilaire.

3. Reboulet, t. III, p. 604.

4. Mercure galant, journal historique.

Dangeau.

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