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ermettre à chacun de rendre à Dieu ce qui lui est dû, à rendant à César ce qui lui appartient; c'est à Louis le en-Aimé, qu'est réservé ce grand ouvrage, et à vous, onseigneur, de lui en avoir inspiré le dessein et d'en oir procuré l'exécution. S'il est vrai que la solide gloire nsiste à faire des heureux, Sa Majesté et Votre Altesse rénissime vont cueillir des lauriers inflétrissables. Leur m sera placé non-seulement au temple de mémoire, ais ce qui est bien plus flatteur, sera placé dans le cœur tous les bons Français. >>

Cette lettre impressionna vivement Conti, qui désira ir l'homme qui commandait son estime et son respect r le noble dévouement qu'il portait à une cause proste. Le pasteur du désert quittà le Languedoc le 18 juilet se rendit auprès du prince, avec lequel il eut deux nférences à Marli et à l'Ile-Adam. - Que s'y passa-t-il? Rabaut malheureusement n'a rien laissé dans ses paers qui soit de nature à satisfaire notre curiosité; il fut as doute question des Églises et des demandes que leur urageux défenseur avait formulées pour elles; mais ce i paraît certain, c'est que le prince de Conti ne lui imsa rien qui fût contraire à la vieille fidélité que les prostants professaient pour leurs rois.

Rabaut retourna au désert le 15 août 17551, emportant dmiration du prince et des espérances qui ne se réalirent pas, non à cause de la bonne volonté de Conti, ais à cause de son peu d'influence sur le Conseil du roi, ai ne se relâchait pas de ses rigueurs à l'égard des prostants, qui furent encore une fois le jouet d'un mirage.

VII.

A cette époque un secours inattendu leur arriva, et, hose singulière, il leur vint de ce parlement d'Aix, trisement célèbre par son baron d'Oppède et par ses arrêts ruels contre les Vaudois de Cabrière et de Mérindol. ette cour souveraine avait alors pour procureur général n homme remarquable par ses lumières et son intégrité, ippert de Monclar. Ce magistrat se distingua au premier 1. Journal de Paul Rabaut.

rang des écrivains parlementaires, qui ne cessaient de revendiquer les libertés gallicanes de leur Église et de combattre les empiétements du saint-siége; il attaqua les jésuites dans un réquisitoire foudroyant, et d'Aguesseau lui décerna publiquement le titre rare «d'ami du bien.' Rippert de Monclar, qui vivait non loin d'une populatio mise hors la loi par des arrêts iniques, ne pouvait demer rer étranger à ses souffrances; il se constitua, dans écrit remarquable, le défenseur non de sa foi, qu'il tena pour hérétique, mais de ses droits de citoyen. Il reven diqua pour elle, contre le fanatique évêque d'Alais, l tolérance civile. «Elle est aujourd'hui, disait-il, le sent- I ment non-seulement de tout ce qu'il y a en Europe d'es prit chrétien et solide, mais encore de tout ce qu'il ya d'hommes sensés dans l'univers. » Il flétrit la conduite des curés qui profanaient le sacrement du mariage en forçant les protestants à comparaître devant eux pour célébrer leur union. Il rappela, en traits de feu, le scandale, les sacriléges, les lâches hypocrisies, qui avaient été la suit de l'exécution stricte des édits, et il déclara que évêques eux-mêmes, pénétrés des scandales du passé de ceux de l'avenir, devraient, les larmes aux yeur & prosternés au pied du trône, supplier le roi d'abolir ces déclarations pénales «et lui déclarer nettement que leur ministère ne peut plus se prêter en pareille occasion parce que la gloire de Dieu, la sainteté de la religion, conscience des évêques, le salut des curés, et la conversion des protestants eux-mêmes, s'y trouvent tout à la fois intéressés. >> 3

Le magistrat, devançant son siècle de quelques années, réclamait pour les protestants un état civil, et terminal son mémoire par ces paroles : «Si l'on donnait à l'évèque d'Alais une liste exacte de tous les ministres protestants

1. Il était intitulé: Mémoire théologique et politique au sujet des mariages clandestins des protestants de France, où l'on f voir qu'il est de l'intérêt de l'Église et de l'État de faire cesser o sortes de mariage en établissant, pour les protestants, une nou velle forme de se marier, qui ne blesse point leur conscience e qui n'intéresse point celle des évêques; 1755, in-8°.

2. Ch. Coquerel, t. II, p. 217.

3. Mémoire de Rippert de Monclar, p. 122.

'on a mis à mort, de toutes les personnes de tout âge de tout rang qu'on a envoyées aux galères, de toutes 3 taxes, amendes et autres confiscations qu'on a exigées, tous les enfants qu'on a enlevés à leurs parents, de us les mariages qu'on a cassés et déclarés concubinages blics, de tous les biens qu'on a adjugés en conséquence les collatéraux, de toutes les personnes qu'on a emprinnées et retenues dans une longue et dure captivité, de is les décrets qu'on a portés contre une infinité d'aues, de tous les excès mêmes et de tous les meurtres reux commis sur eux par les troupes du roi et contre tention de Sa Majesté, cette liste, hélas! formerait des lumes entiers. Tous les coins de la France retentissent s cris de ces malheureux; ils attirent même la compasn de tous ceux qui se font gloire, je ne dis pas d'être s chrétiens, mais des hommes et un évêque y est innsible et cherche même à les redoubler! Ne lui siérait-il s mieux, après avoir planté et arrosé en leur faveur, de mir pour eux entre le porche et l'autel et de calmer luiême la colère du prince?»

VIII.

L'homme qui tenait ce langage, au moment même où ntolérance cléricale portait de si tristes fruits, était un tholique sincère et de mœurs austères. M. Charles Coerel, en parlant de lui, dit qu'il eut l'honneur de prour au nom de son Eglise que le vrai principe catholique était point complice des cruels édits dont les confesseurs suites avaient obscurci la gloire de Louis XIV. «Nous ne rtageons pas l'opinion du savant historien. Rippert de onclar est une voix isolée et sans écho dans la grande ɔmmunion romaine, qui a professé et professe toujours le rincipe «que l'hérétique ne doit être toléré que là où on e peut le persécuter. » Comment en douter, quand, l'hisire à la main, on voit gallicans, ultramontains, janséistes à l'œuvre? jamais, une seule fois, a-t-elle comme glise élevé la voix pour proclamer le droit qu'a tout omme de servir Dieu selon sa conscience? et de nos 1. Ch. Coquerel, t. II, p. 223.

jours la catholique Espagne n'a-t-elle pas condamné Ma tamoros à dix ans de galères pour s'être permis de faire à quelques personnes l'explication de la Bible? A Rome n'avons-nous pas vu un enlèvement d'enfant1? et dans tous les pays qui signent des concordats avec la papauté, le saint-siége n'y fait-il pas inscrire l'interdiction absol de tous les cultes dissidents? Bien aveugle serait don celui qui croirait, comme un illustre académicien de no jours, que le catholicisme est compatible avec la liberté religieuse.

Le mémoire de Rippert de Monclar fut accueilli avec une vive reconnaissance par les protestants et consel Paul Rabaut de ses entrevues stériles avec le prince de Conti. Bientôt après éclata une guerre européenne, qu donna du relâche aux Églises; mais les plans de tolérance furent abandonnés, et il ne resta des bonnes dispositions de Conti et des sages propositions de Monclar qu'un souvenir qui s'évanouit au milieu des préoccupations des grandes choses dont l'Europe allait être le théâtre. Le protestants, qu'on paraissait oublier, se demandaient a anxiété ce qui en résulterait pour eux; ils craignaient el espéraient. Un pasteur du désert, Redonnel, se faist l'écho des sentiments des Églises, écrivait à Paul Rabad: <«<La guerre est sûre; les nouvelles que vous m'apprenez, me marquent mieux encore la certitude de la guerre. Quel état est le nôtre, mon cher frère, si nous sommes réduits à désirer et à prendre plaisir à une chose aussi terrible que l'est cet épouvantable fléau! Gardons-nous-en: Die ne manque pas d'autres moyens pour conserver et mettre en liberté son Église et ses ministres. Le Sauveur a vers son sang pour qu'il n'en fût pas versé d'autre. Il fit sa pais, jouissons-en; sa victoire est la nôtre. Avec cette paix pré cieuse on se met fort peu en peine de ce que les hommes peuvent dire et faire.»

1. Le jeune Mortara.

2. M. de Montalembert.

Voir son célèbre discours prononce (août 1863) devant le congrès catholique de Malines.

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IX.

Depuis la fin du dix-huitième siècle, le protestantisme mble s'être réfugié dans les âpres contrées des Cénnes, du Vivarais et du Dauphiné, pour y chercher un ri contre ses implacables persécuteurs; c'est là aussi 'on trouve les grands traits de son histoire. Il ne sera s cependant sans intérêt d'arrêter sommairement nos gards sur les autres contrées, où le clergé lui dispute ec acharnement un reste de vie. Transportons-nous dans Saintonge les protestants de cette contrée n'avaient ni vivacité, ni l'exaltation religieuse de leurs frères du nguedoc; ils avaient cependant su conserver leur foi, chez eux, comme chez les Cévenols, le culte public it une nécessité impérieuse de leur vie religieuse; mais revêtait une forme moins éclatante et moins pittoresque; rement ils le célébraient au désert, c'était ordinairement ns des granges ou des chaix. Ils ne s'y réunissaient pas ns danger, et plusieurs protestants payèrent de leur erté leur courageuse opposition aux édits. Parmi les steurs qui édifiaient ce pauvre peuple et le soutenaient ns ses épreuves, Gibert se distinguait par son zèle. intendant Baillon de La Rochelle le condamna, le 15 illet 1756, à mort, comme coupable d'avoir, «depuis usieurs années, convoqué et tenu des assemblées de regionnaires, d'y avoir prêché, fait la Cène, des baptêmes des mariages'. » Le même arrêt condamna au bagne lusieurs Saintongeois, qui avaient assisté aux prédicaons de Gibert. Tous eurent, ainsi que leur courageux asteur, le bonheur de s'échapper. L'intendant, qui ne put 'emparer de leurs personnes, confisqua leurs biens, et t fermer tous leurs lieux de réunion.

Les rigueurs de Baillon eurent un effet contraire à celui [u'il en attendait. Les protestants regardèrent à Dieu dans eurs détresses, et leur foi leur donna le mépris du danger. A la voix de leurs pasteurs, ils coururent aux assemblées, nalgré la sévérité que déployait le parlement de Bordeaux pour venir en aide à l'intendant de La Rochelle. Dans les registres de cette cour souveraine, nous lisons que sur les 1. Ch. Coquerel, t. II, p. 228-229.

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