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ir présence. L'édit royal assujettissait les récalcitrants, première fois, à une amende qui devait être arbitrée par tendant; en cas de récidive, la peine était trois ans de inissement et une amende dont le montant ne pouvait e moindre du tiers de leurs biens.1

Cette mesure acheva la destruction des bibliothèques testantes, les dragons furent les Omars de l'expédition on dirigea contre elles; dans la plupart des villes et des ages on dressa des bûchers, aux flammes desquels on a les écrits des Calvin, des Bèze, des Viret, des Duulin, des Daillé, des Bochart, des Drelincourt et de cent res. Ceux qui redoutaient l'amende ou le bannissent, livraient les livres proscrits; la sainte Bible ne fut épargnée.

l'auto-da-fé le plus considérable eut lieu à Beaucaire. marchand de Lyon qui avait apporté en secret, à la re de cette ville, une grande quantité de livres protests, dans l'espoir de les vendre à ses coreligionnaires, dénoncé et sa marchandise saisie. Un jugement ordonna un immense bûcher serait dressé devant l'hôtel de ville, que tous les livres proscrits y seraient consumés par le Au jour de l'exécution, en présence des autorités muniales et de M. de Beaulieu, subdélégué de l'intendant du guedoc, le bûcher s'alluma, et, tour à tour, les flammes orèrent des bibles, des catéchismes, des sermons. 3 principaux écrivains du protestantisme se trouvaient résentés par leurs œuvres à cette fête barbare et faique; elle se passait à quelques pas de la place sur uelle mourut, avec tant de courage, le jeune Fulchran y.2

Nous sommes arrivés à une époque où l'histoire préte de grandes difficultés, car sa physionomie, si nous ons ainsi nous exprimer, est partout sans être saillante lle part, si ce n'est quand la cour rend quelque arrêt ique. Notre époque est celle des petites et mesquines acasseries qui ont lieu sur tous les points du royaume le protestantisme renaît de ses cendres avec ses assemées synodales et son culte dans le désert. Quand rien de

1. Ch. Coquerel, t. Ier, p. 271.

2. Ibidem, p. 272.

saillant ne nous apparaît, il nous est bien difficile de pas laisser tomber de nos mains le fil conducteur qui ju qu'ici nous a conduit dans le labyrinthe des arrêts du Co seil, de ceux des cours souveraines, des sentences de présidiaux et des décisions des intendants; nous ne vor lons ni ne devons faire subir à nos lecteurs l'ennui nous avons éprouvé en présence de ces faits toujours mêmes. Nous les transportons dans le Poitou.

VIII.

Le Poitou a fourni des pages sanglantes et glorieuses l'histoire du protestantisme français. Il n'a manqué à cette contrée, pour devenir un nouveau Languedoc, que des montagnes, des torrents, des gorges et des cavernes. E avait déjà eu ses champs de bataille avec Coligny, et so Bâville avec Marillac; son sol était encore tout humide sang de ses plus fidèles enfants.

Après la mort de Louis XIV, le Poitou se trouvait da l'état le plus déplorable; en moins de trente ans, sa pop lation protestante avait perdu 60,000 âmes, par suite l'émigration; la plupart des grands domaines étaient friche, et dans la seule élection de Niort, 2,000 maiso étaient désertes'. Il en résultait une grande perte pour Trésor.

Quand le régent prit la direction des affaires de l'État les réformés du Poitou, comme ceux des autres parties la France, reprirent courage, surtout quand ils le vires signer, le 4 janvier 1717, un traité d'alliance avec l'A gleterre. Ils recommencèrent leurs assemblées; des foule immenses accoururent de tous les côtés et se pressèren autour de la chaire dressée dans le désert. Les uns fa saient baptiser leurs enfants, les autres bénir leur ma riage; tous ceux auxquels les règlements ecclésiastiques le permettaient, trouvaient sur la table sainte un aliment spirituel pour leur âme; les apostats se relevaient par repentance et la confession publique de leurs fautes, les églises catholiques, que la peur leur faisait fréquenter 1. États de l'élect. de Niort en 1716. Mss. don Fontan, 37.Ce célèbre manuscrit est dans la bibliothèque de Poitiers.

venaient de plus en plus désertes. Les curés, alarmés de ir leurs nouveaux convertis courir au prêche, portèrent inte à l'intendant Des Gallois de la Tour, qui secondé r le subdélégué de Niort, Chebron, magistrat dévot, iel et fanatique, fit ses dispositions pour disperser les semblées, et demanda à la cour, qui le lui accorda, le uvoir de former une commission pour juger les prédiits. «J'espère, lui écrivait le duc d'Antin (13 juillet 1716), e la précaution que nous prenons pour éviter les lenrs de la justice ordinaire, par l'attribution que cet arrêt is donne, rendra les assemblées moins fréquentes et è la crainte d'un prompt ehâtiment retiendra les plus tieux. >>

Malgré l'arrêt, les assemblées continuèrent, et le jour de ques fut célébré d'une manière solennelle et imposante is plusieurs localités. Saint-Néomaye, Rouillet, Lusin, la Motte Saint-Héraye et plusieurs autres bourgs ent la chaire se dresser et entendirent le chant des umes retentir dans ces lieux, sur lesquels les dragons ient laissé les traces sanglantes et cyniques de leur isage.

Chebren avait, dans son cœur, pour les réformés, la ine que l'Hermite avait pour les camisards; mais il vait pas son courage, aussi il trouvait plus prudent de pper les huguenots avec la loi qu'avec le sabre, et rémait le privilége de présider la commission chargée de juger; mais au moment où il se préparait à monter sur n siége, une lettre de cachet le manda à Paris pour ndre compte de sa conduite; l'intendant Des Gallois, i n'était plus conseillé par ce fanatique, ne sévit pas ntre les protestants, qui crurent que des jours meilleurs laient se lever pour eux. Les chaires se dressèrent presle partout sur les ruines des temples, les vieux psaumes les vases sacrés sortirent de leurs cachettes, des pasteurs aprovisés renouèrent la chaîne de l'ordination pastorale, malgré trente ans d'une persécution incessante, les oitevins vécurent de leur ancienne foi. C'était une résurection; leurs espérances ne tardèrent pas à s'évanouir; hebron revint de Paris, plus haineux et plus désireux ue jamais de faire tomber la tête des prédicants.

Ces prédicants, comme ceux des Cévennes et du Viva

rais, n'avaient, pour la plupart, reçu aucune instruction; mais ils comblaient cette regrettable lacune par une foi vivante, une connaissance étendue des saintes Ecritures, et un courage à toute épreuve. En commençant leut rude et pénible apostolat, ils savaient qu'ils étaient da candidats au martyre. Ils allaient, de lieu en lieu, to jours traqués par les milices royales et toujours recueill par leurs coreligionnaires, ingénieux à leur construire de retraites pour les dérober aux recherches de leurs enne mis. Les dangers qu'ils couraient les rendaient chers a populations huguenotes. L'histoire nous a conservé noms de quelques-uns de ces prédicants; les plus célèbres étaient Berthelot, Susset, Bureau, Martin et Marbœuf

IX.

Le comte de Chamilly, qui commandait à La Rochelle résolut de faire cesser les assemblées en les dispersant par la force et en brûlant les granges où elles se tenaien Chamilly était une espèce de Lalande; soldat brutal féroce, il eût mis son projet à exécution sans Chebro qui s'y opposa énergiquement, non par humanité, parce qu'il croyait que le plus court et le plus sûr mo de faire cesser le désordre, était de surprendre les pred cants et de les livrer à la commission dont il était le pre sident. Singe de Bâville, dont il avait la cruauté sans en avoir la sauvage grandeur, il mit tous les soldats dont pouvait disposer, à la recherche des prédicants; ses efforts furent longtemps infructueux, et les huguenots, en voya les assemblées se multiplier, crurent que si la cour n'abre geait pas les anciens édits, elle ne voulait pas au moins leur stricte exécution; ils étaient confirmés dans cette ide par la liberté qu'ils avaient d'exercer leur culte dans ville même où des soldats, chargés auparavant de disper ser leurs assemblées, avaient été placés en garnison en prévision de la guerre d'Espagne qui se préparait.

Le clergé, effrayé de ce mouvement religieux, suborn à prix d'argent, quelques compagnies de dragons et le lança contre les assemblées. Chebron, qui, après s'êt opposé au comte de Marsilly, commençait à avoir confiance dans la force des baïonnettes, eut la joie d'en surprendre

e à Mougon et fit cent prisonniers qu'il jeta dans les isons de Niort. Les protestants de la Motte Saint-Héraye ent obligés de lui livrer leur chaire, qu'il fit brûler sur place du marché; les dragons y avaient placé un homme paille vêtu d'une chemise et dansaient autour en criant: rthelot brûle! Berthelot brûle! Les huguenots de Melle, Lusignan et de Saint-Christophe, craignant pour la r, la dérobèrent aux recherches de Chebron.

X.

Les protestants, voyant que si la cour n'ordonnait pas poursuites contre eux, elle laissait au clergé le pour de les emprisonner, cessèrent de se réunir sur les placements de leurs anciens temples; mais le besoin. prier en commun leur fit bientôt après braver tout ger, et les assemblées recommencèrent. Chebron, de s en plus vigilant, suivi, ou plutôt précédé d'une troupe dragons, car il était aussi lâche que cruel, battait la apagne et semait autour de lui l'épouvante et l'effroi. it un grand nombre de prisonniers, au nombre desquels ient les prédicants Susset, Bureau et Jean Martin. La ir les eût probablement abandonnés à la haine implale de Chebron, si les événements politiques du moment lui eussent fait un impérieux devoir de ménager les testants que Alberoni, le ministre de Philippe V, esait de soulever, ainsi que tous les mécontents de ance, afin d'ôter la régence au duc d'Orléans; comme il fut facile de constater qu'il n'y avait rien de politique ns le mouvement du Poitou, elle ordonna l'élargisseent des prisonniers. Quand l'ordonnance arriva, Chebron ait déjà fonctionné, et la veille il avait rendu un jugement r lequel il condamnait Jean Martin à être pendu vis-àde la porte de l'emplacement du temple de Benet et an Nousille, qui avait fait la lecture à une assemblée, Ix galères à perpétuité; Berthelot, Bonnet, Potet, Mareuf, Dauban, Gadeau, Dubreuil, Vastet et Durouil, dit la Due-Rouge, à être pendus en effigie'; Berthelot à Saintaixent, Durouil, Gadeau, Marboeuf et Vastet devant les 1. Ils étaient tous prédicants.

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