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Par qui avez-vous été élevé et instruit? — Par mon père par un de mes oncles qui est décédé.

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A quel âge avez-vous cessé d'aller aux écoles catholies, où vous avez dû prendre les premiers principes de religion catholique, apostolique et romaine, et coment, n'étant point instruit aux lettres humaines et saant à peine lire et écrire, avez-vous pu vous décider pour religion protestante? J'ai quitté l'Église et les écoles holiques à l'âge de huit à neuf ans, et alors feu mon cle, qui était fort incommodé et qui avait beaucoup lu criture sainte et plusieurs livres composés par des protants, me persuada que la religion protestante était la le où l'on pouvait faire son salut, ce que j'ai toujours 1 depuis ce temps-là.

Depuis que vous avez quitté la maison de votre père, ez-vous fait les fonctions de prédicant, ministre ou steur? Oui, en plusieurs endroits de cette province. En quoi consistent principalement les fonctions que us avez faites? A exhorter les fidèles à la piété, à ptiser, à bénir les mariages et à administrer la cène. En quels lieux avez-vous baptisé et administré la cène? En plate campagne ou dans le désert.

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Qu'entendez-vous par désert? Des lieux écartés inhabités dans lesquels se rassemblent les fidèles, tan¡ du côté d'Alais, de Sauve et d'Anduze, tantôt du côté Nimes.

De quelle manière convoquiez-vous ces sortes d'assemées? Les fidèles me priaient de leur donner une exhortion, après qu'ils étaient convenus ensemble du jour; suite on venait me prendre pour me conduire à l'endroit i l'assemblée était formée.

Déclarez ce qui se passait à ces assemblées, quelles rières on y faisait, et quelles mesures on prenait pour viter les surprises.-Les fidèles commençaient par prier, hacun en particulier; ensuite on lisait quelques chapitres de Écriture sainte; après cela, on chantait des psaumes; enuite, le ministre faisait une prière à haute voix, dans aquelle il demandait à Dieu les secours nécessaires pour nnoncer dignement sa Parole; cela était suivi d'une exortation et quelquefois de la distribution de la cène, et on finissait par une prière qu'on appelle ecclésiastique,

pour

qui renferme des voeux adressés au ciel pour le roi et h famille royale, les magistrats, les seigneurs particuliers et autres personnes constituées en dignité, et enfin tous ceux qui sont dans la misère et dans l'affliction;) l'égard des précautions qu'on prenait pour n'être pas de couvert, elles consistaient uniquement à placer sur la hauteurs, mais sans armes, des sentinelles qui avertis saient l'assemblée dès qu'elles voyaient paraître des troupes

Avez-vous composé un grand nombre d'exhortations pour les différentes assemblées que vous convoquiez?Je lisais continuellement l'Écriture sainte, et je me for mais ainsi à prêcher la parole de Dieu; je faisais la plu part du temps des analyses, que j'étendais sous forme de sermons ou d'exhortations; je n'avais, lorsque j'ai été rêté, qu'un seul sermon écrit au long de ma main, el t que j'ai ailleurs ne consiste qu'en des analyses.

Où avez-vous laissé ces analyses? — Je ne m'en souviens pas, étant obligé, pour ma sûreté, d'errer de cam pagne en campagne, de coucher tantôt dans une forêt tantôt dans des cavernes.

Vous ne dites pas la vérité, vous étiez trop connu dans tout ce pays, pour vous résoudre à aller coucher dans des cavernes, tandis que vous pouviez vous retirer en sûreté chez différents particuliers aussi attachés à la religion rẻformée que vous, et qui ne vous auraient pas refusé couvert? Je n'ai rien à dire à ce sujet.

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Ne connaissez-vous pas ces prétendus fidèles qui ve naient vous solliciter de leur prêcher et administrera cène? Je ne les connaissais point; mais lorsque je les trouvais ainsi assemblés, on me disait que je pouvais prendre confiance en tels et tels.

Quels étaient ces tels et tels en qui l'on vous disait de prendre confiance? On me les nommait seulement et je ne sais pas leurs noms.

Quelles sont les personnes dont vous avez baptisé les enfants, et celles dont vous avez béni les mariages? — k ne les connais point; seulement elles se présentaient dans les assemblées qui étaient convoquées, et me priaient de bénir leurs mariages et de baptiser leurs enfants.

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Lorsque vous avez convoqué des assemblées, ne s'y estpas fait des collectes ou quêtes dont vous avez retiré le

rix? A la fin de l'assemblée, on faisait une quête pour s pauvres; mais je n'en ai jamais retiré le prix; on avait ulement l'attention de me fournir des habits lorsque j'en ais besoin, et de l'argent pour ma subsistance; mais je › puis pas vous dire quels étaient ceux qui fournissaient s habits et cet argent, parce que je ne les connaissais ›int et que je n'ai pas tenu compte de l'argent que j'ai

çu.

Puisque vous saviez, en général, que le roi avait déndu l'exercice de la religion protestante, vous deviez voir par une conséquence nécessaire qu'il ne vous était s permis de prêcher, de baptiser, de bénir des mariages de faire la cène selon les rites de cette religion. yant la corruption des mœurs parmi les peuples qui ofessaient la religion protestante, j'ai cru que ma conience m'obligeait à les exhorter à rentrer dans leur deir, et j'ai jugé que je pouvais désobéir en ce point aux 'dres du roi pour obéir à Dieu.

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A quelle occasion avez-vous pris le parti d'aller prêcher nsi aux peuples assemblés? est-ce par choix, par le conil de quelque personne éclairée, ou par quelque inspition particulière? C'est par choix que j'ai pris cet état que j'ai travaillé à m'y perfectionner par la lecture des ons livres et de l'Écriture sainte, demandant à Dieu les râces qui m'étaient nécessaires pour l'exercice de mon inistère; je me suis contenté pendant longtemps d'exorter les peuples, et il n'y a que quelques années que exerce toutes les fonctions de mon ministère.

De quel droit vous êtes-vous attribué le pouvoir de faire es fonctions de ministre? J'ai reçu l'imposition des nains dans une ville de la Suisse; il y a environ deux ans et demi qu'un homme vint me prendre sur la montagne le la Lozère et me servit de guide jusque dans la Suisse, ɔù j'ai reçu ma mission.

Je fus con

De quelle façon se fait cette cérémonie? duit dans une salle où je trouvai deux ministres, qui, après une exhortation et une prière, m'imposèrent les mains. Croyez-vous avoir le même pouvoir d'imposer les mains et de recevoir des ministres ? Oui.

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N'avez-vous reçu aucun de vos frères au saint ministère? Non.

Depuis que vous avez reçu l'imposition des mains, vous regardez-vous comme indépendant de tous les autres ministres, tant de ceux qui sont dans les pays étrangers que de ceux qui peuvent être répandus dans le royaume? Je ne me regarde pas comme indépendant, puisque, en recevant l'imposition des mains, je me suis soumis à la discipline qui était suivie dans les Églises réformées de France, lors que la religion protestante y était publiquement exercée. Dites-nous quels sont les principaux points de cette dis cipline. Lorsqu'un ministre prévarique dans ses fonc tions, les fidèles assemblés conjointement avec les ministres étrangers, s'il y en a, ou ceux qui peuvent trouver dans le pays, sont en droit de lui interdire les fonctions de son ministère.

Cette juridiction se fait-elle à la pluralité des voix?-On choisit ceux qui sont regardés comme les plus hon nêtes gens de l'assemblée avec un pareil nombre de mi nistres, et la voix de ces derniers a toujours une plus grande autorité.

De quelle manière peut-on établir cette juridiction qu'un ministre a prévariqué? —— Cela s'établit par une en quête. 1

1

V.

Après cet interrogatoire la sentence ne pouvait être douteuse. Claris fut condamné à mort, pour avoir commis le crime d'avoir désobéi aux édits qui défendaient aux pas teurs du désert d'exercer leur ministère. En entendant l'arrêt qui le livrait au bourreau, il ne montra ni arrogance ni faiblesse; il était prêt, car le jour où il s'était consacré à Dieu, il lui avait fait joyeusement le sacrifice de sa vie. de sa prison où il attendait, à chaque heure le bourreau il écrivit aux Églises une lettre, dans laquelle il les exhortait à persévérer dans la foi.

Les protestants d'Alais, qui aimaient dans Claris le pas teur fidèle et le chrétien aimable et aimant, lui firent passer secrètement, par Madeleine Fontanès, sa compagne de captivité, un ciseau en fer avec lequel il souleva la pierre

1. Interrogatoire du 29o jour d'août 1732, 20 feuilles paraphées à chaque page Caveirac et Claris. Mss. P. R.

s communs, qui y communiquaient, et rompit la clate de la chaîne attachée à ses pieds; favorisé par une it obscure, il monta sur les toits, et par la fenêtre de première rampe de l'escalier redescendit au pied du njon de ce préau et se laissa glisser au bas du rempart. était sauvé.'

La nouvelle de son évasion remplit de joie les protests et de fureur ses juges, qui accusèrent Madeleine itanès, sa voisine de cellule, de n'avoir pas averti les liers; celle-ci leur répondit avec une feinte naïveté : ai bien entendu du bruit, mais j'ai cru que c'était un s rat qui grimpait sur la muraille.»

In pasteur moins fidèle que Claris eût dit, après avoir la mort face à face: «J'ai payé mon tribut aux Églises; eure du repos est arrivée pour moi, je quitte la France je vais consacrer à mes frères de l'étranger ce qui me te de force et de vie.» Claris ne le fit pas; il retourna is son champ de travail où nous trouvons attaché à sa 'sonne un jeune proposant qui, après Antoine Court, rait être la figure la plus grandiose des pasteurs du dét, on l'appelait Paul Rabaut.

VI.

Paul Rabaut, né à Bédarieux le 9 janvier 1718, était le d'un marchand drapier qui élevait sa famille dans la inte de Dieu et l'amour du devoir; sa maison était oute à tous les pasteurs du désert qui venaient visiter glise dont il était un membre fidèle et zélé; le soir, lorse la famille se réunissait autour du missionnaire pour tendre le récit de ses tournées, le jeune Paul l'écout avec une attention profonde, et sentait son amour ur ses coreligionnaires s'accroître de toute la grandeur leurs dangers. Doué d'une prudence au-dessus de son e, il obtenait de son père la permission de servir de ide aux pasteurs, qu'il accompagnait dans leurs courses; leur école, il apprenait à souffrir sans murmure, et à

1. Borrel, Biographie d'Antoine Court,
p. 171.
r M. Daudé, subdélégué, 9 feuilles paraphées.
2. Mss. de Court, t. VII, Correspondance.
tres de Claris racontant lui-même son évasion.

- Verbail dressé

Mss. P. R.
Il y a plusieurs

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