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nfusion? Montre, montre-nous les âmes que tu nous as levées; reproche-nous, non que tu as extirpé l'hérésie, is que tu as fait renier la religion; non que tu as fait s martyrs, mais que tu as fait des déserteurs de la rité. »

Saurin, en se donnant une seconde patrie, s'était, us l'avons dit, complétement détaché de la France; à ses ix sa terre natale était un sol maudit de Dieu et arrosé sang des saints; aussi chaque fois qu'une nouvelle percution provoquait une nouvelle émigration, il eût désiré 'elle eût amené dans les Etats protestants le dernier ses frères. Heureusement ses voeux ne furent pas tucés.

XIV.

Les succès de Saurin devinrent, pour lui, une source chagrins qui jetèrent un voile de tristesse sur les derères années de sa brillante carrière, il eut des envieux. rmi ceux que sa renommée troublait, il faut placer au emier rang, Armand de la Chapelle. Ce jeune homme i désirait, pour lui, la place où Saurin s'était élevé r son génie, se mit à la tête d'une meute d'envieux qui, ns son impuissance d'attaquer en lui le prédicateur, se a avec un acharnement incroyable sur le théologien. urin fut, tour à tour, accusé de scepticisme et de relâement à l'égard du mensonge; il se défendit et blessa s envieux par le calmé dédaigneux avec lequel il le fit; ur rage se trahit par d'odieux pamphlets; l'un d'eux, ulant aux pieds toute pudeur, fit, dans une parodie du oisième chapitre de l'Apocalypse, le portrait suivant du and orateur: «Écris aussi au prédicateur des États de la aye, et dis: Je connais ton train, c'est que tu as le bruit e vivre et tu es mort; tu affectes un zèle extraordinaire, uand tu annonces ma parole, mais tu n'en crois rien; a cries contre l'impureté et tu t'abandonnes à l'adultère t à la paillardise; je connais le nombre des femmes que u as débauchées, et je sais tes menées; tu fais parade l'une grande charité, mais tu n'en as point; tu fulmines contre le bien mal acquis et tu gardes des successions que u as volées; tu bois la flatterie comme le poisson boit

l'eau; tu es vindicatif, fourbe, orgueilleux et menteur tu fais l'homme de bien et tu es plein de vices; si tu te repens, je viendrai vers toi comme le larron. >>

Cet écrit retomba dans la boue d'où il était sorti; no dirons cependant que Saurin explique, s'il ne la justifie pa la haine de ses ennemis; il avait ce défaut qu'on aime che soi et qu'on déteste chez les autres, l'orgueil. Possesse à un éminent degré du beau don de la parole, de bon heure il avait été encensé et n'avait pas compris que milité élève le chrétien autant que l'orgueil l'abaisse; fut donc puni par où il avait péché; mais il retira de haine de ses ennemis plus de sanctification pour son qu'il n'avait retiré de ses admirateurs de joie pours cœur. Il regarda, au jour de son affliction, à Celui qu toujours plein de compassion pour les affligés, recue leurs larmes dans ses vaisseaux et ne leur montre jamas mieux son amour que lorsqu'il les courbe sous les coups de sa verge paternelle.

XV.

Un moment, Saurin crut voir la fin des attaques do était l'objet, quand, tout à coup, plus vive que jamais, querelle se raviva. Les pasteurs Huet et Chaix joignire leurs efforts à ceux d'Armand de la Chapelle et obtinren à force d'intrigues, que l'opinion de Saurin sur le men songe fût déférée à un synode, qui se réunit à la Have (1730)'. Abreuvé de chagrin, l'orateur tomba dangereuse ment malade d'une inflammation à la gorge; ses ennem ne respectèrent pas même son lit de mort: «MM. Chiou Chaix, nous raconte un témoin oculaire, étant venus, vers le 30 décembre, voir M. Saurin, qui les en avait fait prier, lui demandèrent s'il voudrait bien voir MM. Huet et de la Chapelle. Il répondit : «Très-volontiers. » M. de la Chapelle lui fit un compliment convenable à son état, disant qu'il avait eu depuis longtemps envie de le voir et qu était fâché de le trouver si mal. M. Saurin lui répondit qu'il le remerciait, qu'il priait Dieu de bénir leur minis

1. Le 22 juillet 1730, le synode condamna la doctrine de Saurin et ordonna la suppression du livre qui la contenait.

re à tous, qu'il avait bien des grâces à rendre à Dieu s consolations qu'il ressentait, qu'il avait fait sa paix ec Dieu et qu'il mourait content. Sur quoi M. Huet lui que cela ne suffisait pas, qu'il fallait examiner sa conence. «Je l'ai fait,» répondit le malade. L'autre réqua: « Il faut réparer les offenses que vous avez faites à frères. Je n'en ai point fait,» répondit M. Sau« Ce n'est pas assez, reprit M. Huet, de n'en avoir pas . N'avez-vous pas fait faire un livre ou tenu la main and on l'a fait (celui de Bruys)? » Le malade, qui avait à le râlement et qui approchait de l'agonie, répondit irtant avec force: «M. Huet, je ne l'ai pas fait, ni directent ni indirectement. Mais, répondit l'autre, il y ependant des présomptions. Je n'ai jamais donné un mémoire, répliquà M. Saurin, Dieu m'en est téin; ce Dieu devant lequel je vais comparaître, est mon aoin que je n'ai jamais fait ni fait faire ce dont on m'ace et que ce que j'ai déclaré là-dessus est la pure vé3. » Huet ne se tint pas pour satisfait d'une protestation si solennelle; mais Chiou et Chaix, révoltés eux-mêmes l'impertinence de leur jeune confrère, coupèrent court et interrogatoire plus qu'offensant par ces mots : « C'est ez, cela nous suffit. Eh bien, reprit Huet, suppoit la vérité de ce que vous dites, je vous souhaite la grâce Dieu et je vous pardonne. » Il sortit en même temps ec une brusquerie proportionnée au reste de la scène, i ne peut pas être bien dépeinte. >>

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Quelques heures après cette scène scandaleuse, le mount remit paisiblement son âme à Dieu.

XVI.

Ainsi se termina la vie du plus grand orateur du refuge; ne lui manqua, pour égaler Bossuet, que de vivre us le ciel de sa patrie, au contact des grandes célébrités ttéraires du siècle de Louis XIV; son style y eût gagné n élégance et en précision. Enfant de la nature, plus que e l'art et des fortes études, il porta la peine de son orine; mais tel qu'il est, il demeurera l'une des plus belles oires oratoires de la France, et le temps qui jette dans Dubli tout ce qui n'est pas digne de passer à la postérité,

lui a déjà marqué sa place à côté des Bourdaloue, de Bossuet et des Massillon.

Malgré son orgueil, Saurin demeure un beau et noble caractère; il avait une nature généreuse; il n'était ni ha neux ni soupçonneux; étranger à tout esprit d'intrigue. vivait retiré et solitaire, peu expansif, mais fidèle à amis, comme à la doctrine des réformateurs, dont il f le dernier et le plus glorieux représentant. Il eût pu moun riche, il mourut pauvre et ne laissa, pour héritage, q sa bibliothèque et un grand nom.

A part ses ennemis, qui le poursuivirent, même apr sa mort, les Églises de Hollande et de France le pleure rent et la Haye lui fit de magnifiques funérailles; ses restes furent portés, le 5 janvier 1731, en grande pompe, le temple où pendant vingt-cinq ans il avait instruit, et charmé ses nombreux auditeurs; un grand nombre d'é pitaphes, suivant l'usage du temps, furent faites en so honneur; nous ne citerons que celle-ci :

Saurin n'est plus! Par lui l'éloquence chrétienne Brisait, attendrissait, désarmait tous les cœurs. Il prêchait comme Paul, il mourut comme Étienne, Sans fiel, en pardonnant à ses persécuteurs.' Saurin, avant de reposer dans la tombe, y avait descendre presque tous ses illustres compagnons d'exil les Ancillon, les Beausobre, les Basnage, les Dubosc, les Claude, les Jurieu, les Schomberg, tous ceux qu'une p litique aussi cruelle qu'inintelligente ravissait à la mère patrie, qu'elle frappait au cœur en les privant de leu science, de leurs talents et de leurs vertus.

XVII.

Court, que la mort de Saurin avait plongé dans la tris tesse, ne tarda pas à penser qu'elle pourrait être dans les desseins de Dieu, puisque l'illustre mort avait toujours blâme ceux de ses coreligionnaires qui étaient demeuré dans leur patrie, et n'avait pas craint de les flétrir, les appelant des «temporiseurs», qui n'écoutaient pas voix du Saint-Esprit, quand Il leur disait: «Sortez, mo

1. Haag, France protestante, art. Saurin.

uple, de Babylone et ne participez pas à ses iniquités. » — Maintenant que Saurin est mort, se dit Court, il ne pourra is empêcher les pasteurs exilés de venir évangéliser leurs uvres frères de France, et dans l'appel que je leur adres'ai, je serai plus heureux que je ne l'ai été;» il en fit de uveaux, plus pressants encore que les premiers: ils ent vains; indigné de leur lâcheté, il disait avec dén: «Ils n'ont pas de vocation pour le martyre!» Abandonné de ceux qui auraient dû venir partager les ils de son noble apostolat, Court sentit de plus en plus nécessité de mener à bonne fin son projet de fonder un inaire pour y former des pasteurs. Ce projet n'était nouveau; depuis plus de dix ans sa réalisation lui pasait une impérieuse nécessité; il était devenu son idée Écoutons-le lui-même :

Une chose essentielle manquait, c'étaient des prédicars; un seul de tous ceux qui existaient alors pouvait me onder, et il le fit efficacement; il s'appelait Corteis. Il ne ait point trouvé à la première assemblée synodale que ais convoquée, parce qu'il était alors auprès de sa femme s les pays étrangers. A son retour, il n'approuva pas lement ce que j'avais fait, il entra aussi dans toutes les s que je me proposais pour l'avenir, et il fit tout ce qui it en son pouvoir pour les faire réussir. Tous les autres dicateurs étaient des gens d'un certain âge et peu cades. Celui de tous qui pouvait nous donner quelque esance, nous fut enlevé en 1717, et il souffrit le martyre, lais, en janvier 1718.1

C'est alors que mes vues se tournèrent de tous côtés, ir déterrer des jeunes gens qui voulussent se prêter aux es que je proposais. J'en tirai de la charrue, des bouues des artisans, de celles des marchands et de derrière bancs des procureurs. Il y en avait qui ne savaient pas me lire, et à qui je servis tout ensemble de maître école et de catéchiste pour les instruire dans la religion. leur apprenant celle-ci, je les formais en même temps la prédication. Plusieurs, dans la suite, furent faits mistres et servirent utilement les Églises.

<< Mais le nombre était peu considérable, et la moisson

1. Arnaud.

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