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'op aimé, il est trop rare, pour trouver là la fin de son avail; il faut qu'il reçoive les compliments d'une foule è gens qui se jettent sur lui, qui lui baisent la main et i s'informent de l'état de sa santé. »1

C'est ainsi que le pasteur du désert se vengea de ses ac[sateurs; en terminant sa lettre, il put leur dire: «Dans space de trente jours j'ai présidé trente-deux assemées; j'ai administré les sacrements, j'ai parcouru au ril de ma vie cent lieues de pays montagneux. Voilà mment je perds mon temps à la chasse et auprès de a chère Rachel !>>

Quand ces événements se passaient, les rênes de l'État dent tombées, depuis deux ans, des mains de M. le Duc as celles de Fleury.

VII.

L'évêque de Fréjus, devenu le cardinal de Fleury, vait désigné au roi M. le Duc que pour pouvoir, au moent favorable, prendre sa place; l'occasion s'étant préntée lors du renvoi ignominieux de l'infante d'Espagne, stinée au jeune Louis XV qui épousa Marie-Leczinska, le de Stanislas, qui avait perdu le trône de Pologne, le c de Bourbon fut remercié de ses services et alla finir $ jours dans son brillant et royal exil de Chantilly. Quand Fleury arriva au pouvoir, il avait 73 ans; mais mbition, qui ne vieillit pas, le jeta dans le tourbillon s affaires, quand tout aurait dû l'inviter à la retraite. prêtre arriva au poste de premier ministre avec le uble avantage d'un caractère doux, modéré, qui lui oncilia les esprits, et d'un âge qui calma les impatiences e ceux qui aspiraient à la suprématie dans l'État. Ce vieilrd qui avait passé la plus grande partie de sa vie loin de cour, avait pu, de sa résidence de Fréjus, se faire une ste idée des populations protestantes du Languedoc; il avait que les nouveaux convertis ne l'étaient que de nom, t que les persécutions étaient loin d'avoir atteint le but e leurs auteurs. Cela ne l'avait pas empêché de concourir vec Lavergne de Tressan à la rédaction de l'édit de 1724, 1. Manuscrits de Court. Ch. Coquerel, t. Ier.

qui consacrait toutes les violences du passé et les aggra vait par de nouvelles.

Une chose assez remarquable, mais que n'expliquent pas les raisons d'État! Fleury sacrifia la catholique Espa à la protestante Angleterre, en confirmant Gibraltar à cet dernière puissance. Les protestants, en le voyant tend la main à Walpole, chef du cabinet britannique, dure croire que des jours meilleurs allaient se lever pour eus mais il était dans leur destinée d'être toujours abandonn par ceux qu'une politique, sinon noble, du moins int ressée, devait porter à leur tendre la main.

Fleury n'était ni un père Lachaise ni un Letellier, mais il était faible; dès lors, ceux qui l'entouraient, deva l'entraîner à des mesures de cruauté. Les jésuites les jansénistes, prêts à tout moment à s'exterminer, trouvaient unis, quand il s'agissait de l'extinction de l' résie, les premiers par haine instinctive, les seconds po se faire pardonner à Rome leurs hardiesses théologiques De plus, les parlements, qui avaient reconquis l'autori qu'ils avaient perdue sous Louis XIV, conservaient, ave un soin jaloux, le dépôt des traditions de l'Église gal cane et savaient dans l'occasion résister énergiqueme à Rome; mais plus ils déployaient de hauteur à son éga plus ils se montraient impitoyables envers les protestan Ses membres occupaient une haute position dans le royaume la plupart étaient catholiques zélés, et, comme Louis X ils ne comprenaient pas l'État sans l'unité politique religieuse. Ils n'approuvaient pas cependant l'édit de 172 dans toutes ses parties, et savaient parfois distinguer qui était de l'ordre civil de ce qui était de l'ordre religieux mais les mêmes hommes qui résistaient au clergé, quan il s'agissait pour les protestants de leurs droits de citoyens étaient aussi impitoyables que lui, quand ils étaient amenés devant eux à cause de leur foi. La première de leurs vic times fut un jeune pasteur du désert, Alexandre Rousse

VIII.

Alexandre Roussel était né, vers 1701, à Uzès, d'une famille honorable; bercé au bruit de la fusillade, il grandit au milieu des périls sans cesse renaissants de la

rrible guerre des camisards; sa pieuse mère l'éleva dans crainte de Dieu et le prépara aux rudes travaux du mistère auxquels, dès sa plus tendre enfance, il se sentit pelé à la vue de ces nombreuses potences toujours bout qui proclamaient la justice expéditive de Bâville. ussel se prépara donc au pastorat en allant de maison maison lire la Sainte Écriture et prier près du chevet s malades et des mourants; il avait 25 ans quand il se isenta pour être proposant. Antoine Court, qui ne vouconfier la direction des Églises qu'à des hommes inuits, fut touché de son zèle et de sa piété éclairée, et lui iféra l'imposition des mains. Le jeune ministre ne comnça pas de nouveaux travaux, il continua les anciens, pendant deux ans et demi il parcourut les Cévennes is tous les sens, supportant le froid, la chaleur, la ie, les privations, peu soucieux de sa vie, pourvu il la dépensât au service de Celui qui l'avait appelé des tèbres à sa merveilleuse lumière. Le 10 octobre 1728, traître ayant désigné sa retraite, il fut arrêté à la côte ulas et conduit devant Daudé, subdélégué du Vigan, quel Bâville avait donné la charge de son père, tué par camisards.

«Dans quels lieux avez-vous prêché? lui demanda udé.

-

Partout où j'ai trouvé quelque assemblée de chrétiens. - Quel est votre domicile?

- La voûte du ciel. >>

Après son interrogatoire il fut renvoyé devant le sucsseur de Bâville, l'intendant Bernage de Saint-Maurice, i le fit enfermer dans la citadelle de Montpellier, alors la demeure des fidèles ».

La mère de Roussel, en apprenant l'arrestation de son $, courut se jeter aux pieds de Charles-Emmanuel, duc Uzès, prince de Crussol, dont elle avait été la nour

ce.

Grâce! grâce! pour mon fils, s'écria-t-elle, que le ut dont je vous ai nourri sauve le sang de mon enfant! >> Le duc, sans s'émouvoir, lui répondit durement: «Je ne uis rien pour lui, à moins qu'il n'abjure.

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ne

le fera jamais,» répondit fièrement la huguenote. Elle alla à Montpellier. Les portes de la prison de Roussel

s'ouvrirent devant ses larmes. En voyant le prisonnier elle s'écria en sanglotant: « Il n'y a donc, mon cher en fant, aucun espoir! Prier Dieu est donc un crime irre missible en France. »

Roussel, arrêtant des regards pleins de sérénité su elle, lui dit : «Ne pleurez pas, ma mère, il m'est plu doux d'aller à la mort qu'à un festin; je soupire après demeure des cieux. >>

Le jeune martyr ne se démentit pas. A l'heure suprême il honora, comme Brousson, la place du Peyrou des présence. Il y parut (30 novembre 1728) la corde au cou la tête et les pieds nus, chantant l'hymne des miséricordes Sa figure était calme et sereine; du haut de l'échafaud jeta son pardon sur ceux qui prenaient plaisir à le mourir.

Le bourreau commença son terrible ministère. Pendan son supplice, Roussel eut un ravissement, et comme sain Étienne, il mourut en voyant les cieux ouverts.

Antoine Court alla consoler la mère du martyr; cette femme qui avait versé tant de larmes, avait trouvé sa com solation dans le creuset même de ses poignantes douleurs Elle répondit: «Si mon fils eût témoigné quelque faibless je ne m'en fusse jamais consolée; mais puisqu'il est m constant et ferme dans la foi, toute ma douleur se chan en actions de grâces pour bénir à jamais mon Dieu, m'a si puissamment consolée. »

1

Le supplice du prédicant causa une impression pro fonde dans tout le Languedoc; les poëtes cévenols popu larisèrent dans leurs vers «<le souvenir du glorieux martyr d'Alexandre Roussel». Dans les longues soirées d'hiver sous le toit huguenot, pendant longtemps on se raconta la et la mort du jeune proposant, et sur un air du temps o chanta les complaintes qui furent faites sur lui et sur mère. La versification en est détestable, mais on sent qu'il n'a manqué à leur auteur que le génie poétique pour e faire des chefs-d'œuvre dignes de passer à la postérité Cependant les strophes sont belles encore, malgré leur forme abrupte, tant on y sent palpiter la vie, les émotions

1. Manuscrits de Court, no 39. Ant. Roussel. Nap. Peyrat.

- Haag, France protestante. — Ch. Coquerel.

passions et les haines de cette époque. Celle qui est sacrée à Roussel se termine par une imprécation où oëte s'élève à la sublime naïveté du Dante. Il s'adresse lui qui, à prix d'argent, comme Judas, a vendu le 5 du martyr et dont le nom est demeuré jusqu'ici in

au.

Celui qui l'a vendu ne se découvre pas;

Mais un jour devant Dieu sera comme Judas.

Il a vendu Roussel, Judas vendit son maître;
Dedans un même rang tous deux on va les mettre.
Dis-moi donc d'où tu es, du Vigan ou d'Aulas?
Au jour du jugement ne trembleras-tu pas,
Quand tu te souviendras de cette perfidie,
Qu'au pauvre Roussel tu as coûté la vie?

Tu auras beau crier : Coteaux, tombez sur moi!
Montagnes et rochers, de grâce couvrez-moi!
Pour te cacher aux yeux de ce juge terrible;
Les coteaux à ta voix resteront insensibles.

Il faudra, malgré toi, subir un jugement,
Et aller, sur-le-champ, dans un lieu de tourments.
Vois le sort de Judas, toi son compatriote,

Vous serez tous les deux logés chez le même hôte. Jussel eut l'honneur d'ouvrir la liste des martyrs de époque. Cependant, malgré les infractions que les eurs du désert se permettaient journellement contre t de 1724, qui punissait de mort les prédicants, nous oyons pas, pendant quatre ans, une seule potence se ser. Cela tenait à deux causes. La cour, d'un côté, ne ait pas, par des rigueurs trop répétées, mécontenter gleterre, son alliée; de l'autre, les protestants avaient nté des cachettes qui mettaient leurs ministres à l'abri a poursuite des dragons.

IX.

e vieil esprit ligueur était cependant loin d'être éteint; temps en temps, il se réveillait avec force et apprenait protestants qu'ils n'avaient à attendre du clergé ni ié, ni compassion, et que la tombe même était impuisite contre sa haine.

Nous avons raconté dans cette histoire la mort d'Andelot,

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