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de Lascours et de Cruvières. M. Claris, qui devait m'accom pagner dans les hautes Cévennes, vint me joindre; nos nous rendîmes du côté de Brenous où nous assemblâme le jeudi 3, cette Église avec une de ses voisines. Quelques personnes d'Uzès voulurent se joindre à nous; mais u pluie très-forte fit décamper tous ceux qui s'étaient ren dus sur la place de bonne heure. Les fidèles qui étaien avec moi ne perdirent pas courage. Nous allâmes au res dez-vous malgré la pluie; avant d'y arriver, nous rencon trâmes une troupe de gens qui retournaient chez eux qui nous apprirent que tous avaient déserté; nous ram nâmes ceux-ci et rappelâmes les autres par le chant d' psaume. La prédication fut ouïe et la sainte cène célébré comme si le temps avait été beau ou moins mauvais Le samedi 5, j'assemblai les Églises de Chamborigand de Castagnols; cette dernière, qui se distingue de bi d'autres par son zèle et par son courage, me fournit casion d'exercer les principales fonctions de mon min tère je baptisai cinq enfants et bénis autant de mariage -Le lendemain dimanche, s'assemblèrent les Églises Génolhac, de Frugère et du Pont-de-Montvert; cinq e fants furent encore baptisés devant une assemblée tr nombreuse, ce qui n'avait pas été vu depuis la révocati (de l'édit de Nantes). Cette cérémonie attendrit tous cœurs, et la prédication qui la suivit fit verser d'abondante larmes; la pluie nous incommoda pourtant beaucoup; ma comme elle cessa après le culte, les uns se retirèrent, les autres, formant un grand nombre de cercles assis su le gazon quoique humide, prirent un sobre et simple r pas, composé d'aliments apportés dans ce but, et qui s termina par le chant d'un cantique sacré. C'est ainsi, d reste, qu'on en use ordinairement dans ce pays. Avant le quitter, je bénis cinq mariages.

«Le prédicateur du quartier m'ayant appris que des fidèles de la Lozère n'avaient pu assister à notre réunion à cause de la distance qui les en séparait, nous en convo quâmes une autre pour le lendemain lundi 7, à une lieus plus loin; elle ne fut pas moins nombreuse que celle de la veille; mais mon Dieu! que de pluie tomba pendant l prédication et la célébration de l'Eucharistie! elle ne porta cependant aucun trouble dans le recueillement, tant ces

lèles montagnards sont accoutumés au mauvais temps, 1, pour mieux dire, tant leur faim de la sainte Parole est ande et leur zèle empressé. Je leur dois ce témoignage te, dans leur pays, il y a un grand nombre de bonnes

les.

«Nous quittâmes la montagne et, le mardi 8, nous conquâmes l'Église de Florac et ses voisines. Le jeudi 10, fut le tour de celles de Saint-Julien, de Pradal et de int-Germain-de-Calberte. L'assemblée congédiée, je res les députés des Églises qui composaient le colloque néral ou le synode de ce canton-là. Je bénis en leur sence cinq mariages..... Le samedi 12, nous assemmes l'Église de Barre; le temps était à l'orage; il n'éta pourtant qu'après la bénédiction; mais alors il tomba torrents de pluie, mêlés du retentissement du tonrre; chacun chercha un asile; en compagnie de trois édicateurs et d'une vingtaine de personnes, nous en uvâmes un sous un rocher où nous prîmes une médio› réfection. La pluie ayant un peu discontinué, nous us mîmes en marche, ayant plus de quatre heures de emin à faire ce jour-là. Mais pourquoi, direz-vous, xposer soi-même et exposer les autres à un temps si oureux? J'ai deux choses à répondre. La première, que ns le pays où nous étions, il arrive tous les jours ce qui t lieu du temps d'Élie (1 Rois, XVIII, 44), c'est que, ndant le temps le plus beau, naissent de petits nuages i s'épaississent peu à peu et tombent en torrents d'eau; seconde, que les fidèles qui composent les assemblées nant de trois ou quatre lieues de distance, il faut du nps pour les avertir; quand la réunion doit avoir lieu la it, il faut en donner l'avis pendant le jour; quand elle it se tenir le jour, il faut prévenir la veille. Lorsque la mmission se donne, le temps est beau; mais il arrive uvent qu'il se dérange avant qu'elle soit exécutée; il n'y cependant plus moyen de reculer; les fidèles sont venus loin, leur âme est affamée, et les prédications sont

res.

«Le 13, le temps s'étant éclairci, les Églises de Vébron, es Rousses et de Saint-André-de-Valborgne s'assemblent; c'était un dimanche; pendant l'administration de la inte cène, on vint me dire que le curé de Vébron avait

annoncé en chaire qu'il se tenait ce jour-là une assemblé Cet ecclésiastique, en effet, qui ne se croyait pas moin en droit de porter l'épée que les clefs, se mit à la te d'un détachement et dirigea sa marche pour la surprend et la dissiper. Mais, soit qu'il manquât de renseignemen précis ou de courage, il s'en retourna du premier hame sans rien faire. L'escapade de cet homme n'interrom cependant pas notre exercice, qui se continua et s'ache fort tranquillement.

«Partant de là, nous allâmes à Valleraugue, ensuite Meyrueis, ou une compagnie de soldats, venant de P dels, nous obligea de passer sans rien faire. Nous no rendîmes à une assemblée convoquée sur la montagne l'Aigoal; après l'exercice public, il s'y tint un syn composé de députés du haut Languedoc et des hautes vennes; ils s'assirent sur le gazon et mirent quatre chos en délibération: la première, de faire revenir Frang Roux' de Lausanne où il était allé perfectionner ses étude la seconde, de faire un dénombrement des protestan conformément à la réquisition du ministre de l'ambass deur de Hollande; la troisième, de célébrer un jeûne néral; la quatrième fut mise sur le tapis à l'occasion d jeune homme qui s'était mêlé de prêcher, mais duq les mœurs ne répondaient pas à la profession; aussi fu congédié.

«Le vendredi 18, dans la nuit, nous assemblâmes Églises du Vigan, d'Aulas, de Molières et d'Aumessas; l semblée se composa de trois mille personnes environ faudrait bien des mesures pour la faire là autrement; parurent grand nombre de gens distingués. Mais comm les fidèles du Vigan sortaient, Daudé, le subdélégué cette ville, en ayant rencontré quelques-uns, leur dit de paroles peu convenables à son rang, qui ne les intimide rent point; il est vrai qu'il ne fit pas d'autres démarches Je vous l'avoue, je ne laissai pas de craindre pour cett

1. François Roux, de Cavairac, fut reçu proposant ou prédica teur par le synode provincial de 1721, sous la présidence de Cor teis, ayant pour adjoint Rouvière et pour secrétaire Pierredon. était à Lausanne depuis 1728. A son retour, il se maria avec une demoiselle Vigne, de Milhaud. Son portrait et celui de sa femme se trouvent dans ce village.

semblée; tout y fut néanmoins tranquille, et chacun se fira chez soi heureusement. Oh! que la protection divine un asile assuré! Mille fois heureuse la société qui, en it temps et dans les alarmes, y cherche son refuge! «La nuit du samedi au dimanche 19, nous assemblâmes Églises de Roquedur et de Saint-Laurent; le dimanche tin, celles de Ganges, de Sumène et de Saint-Hippolyte-Château. La pluie, qui nous avait quittés depuis queles jours, revint et tomba avec force sur mon dos et sur ui de mes deux collègues : à cet orage succéda un temps s-beau qui nous décida à convoquer, pour le lendein 20, les Églises de Quissac et de Cannes. Cette asablée fut suivie d'une autre composée des Églises de an et de Tornac. Mais vivement touchés des malheurs ces fidèles que la pluie du 3 juin avait fait décamper is entendre la prédication, nous résolûmes, tant pour dédommager que pour satisfaire le désir empressé de sieurs personnes qui n'avaient pu assister à nos autres emblées, de leur accorder la consolation qu'une trèsessante faim de la Parole de Dieu nous demandait; c'est que nous fimes dans la nuit du 26. · Le mardi suivant j'assemblai les Églises d'Alais, de Saint-Paul-Lacoste de Générargues, et le vendredi 3 juillet, celles de yrol, de Saumane, de Saint-Roman et de Moissac. Je ervai le dimanche pour réunir les Eglises de Saintn-du-Gard, de La Salle et d'Anduze. L'assemblée fut lle et nombreuse, le paysan s'y vit accompagné du noble du bourgeois; si le calcul est juste, quatre pauses de aume et tout le cantique onzième (qui en a trois) furent antés pendant la communion, qui se fit pourtant très à hâte, pressés que nous étions par les rayons ardents du leil qui donnaient perpendiculairement sur nos têtes, nous servant d'ailleurs d'une coutume qui, dans son sage, fait qu'un pasteur aidé par un ancien fait communier resque autant de personnes que s'ils étaient deux.

Mais pourquoi, dira-t-on peut-être, des assemblées ussi nombreuses? N'en craint-on pas les conséquences? est des lieux où il serait bien difficile de les faire d'une utre manière. Le nombre des fidèles y est grand, le zèle mpressé, la faim dévorante, les prédications rares, les pasteurs encore plus; on épie l'occasion, on s'en saisit et,

pour éviter le trop grand nombre, il faut que le paste se cache, qu'il use de stratagème, comme à la guerre; le suit à la piste. — Il y avait huit jours que les fidèles d ces lieux étaient en mouvement pour épier cette derniè occasion; et l'économe du père de famille peut-il inter dire aux enfants de la maison le pain sacré de la Parole le pain qu'on lui demande non-seulement avec empresse ment, mais même avec larmes? Non, dira-t-on; mais alon il faudrait multiplier les assemblées; voilà qui est bie mais où est le nombre suffisant de pasteurs pour le faire

«Il est temps que j'achève le catalogue de mes assem blées; j'en vais faire la clôture par celle qui se tint le lund 5 juillet dans la nuit, composée des Églises de Monoblet de Sauve et de Durfort. Ces différentes assemblées, pres dans le total, pouvaient monter au delà de trois mille per sonnes. Dans toutes nous avons administré la sainte cène dans aucune nous n'avons eu d'alarmes; dans presque toutes, nous avons reçu des gens à la paix de l'Eglise parce que la sainte cène leur avait été interdite, soit pou avoir fait bénir leur mariage dans l'Église romaine, s pour y avoir fait baptiser leurs enfants. Durant le cours ma visite, j'ai béni environ quinze mariages et baptisé a tant d'enfants; mais qu'il serait à souhaiter que le nomine en eût été plus grand, et qu'il est affligeant en même temps que tous n'aient pas le même zèle et le même co rage, puisqu'il se trouve des gens assez lâches pour faire bénir leurs mariages et baptiser leurs enfants dans une Église où un morceau de pâte est adoré à la place du Créa teur! Je vous l'avoue, cette indigne conduite en a décou ragé beaucoup. Invitez quelqu'un de nos amis à écrire su la matière pour nous aider à bannir, s'il est possible, di milieu de nos Églises un si détestable et criminel usage.

«Vous ferai-je remarquer, pour la fin, que tant d'ou vrage demande beaucoup de forces? Ce serait peu quel prédication et l'administration de la sainte cène, s'il ne fallait pas, après avoir vaqué à ces fonctions, faire de longs trajets, et si, en arrivant, le pasteur pouvait prendre quelque repos; mais son apparition est attendue par mille personnes, dont chacune à un mot à lui dire, ou un cas de conscience à lui exposer. Quatre heures entières l'attendent ensuite pour le voir debout et bien occupé; il est

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