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été envoyées aux pairs et aux députés ; tous se préparaient à se rendre à leur poste. Horrible déception! Le 26 la Charte était détruite !..... Des ordonnances de réformation avaient paru dans le Moniteur, précédées d'un Rapport au roi, ouvrage grossièrement sophistique de Chantelauze, dans lequel on osait dire qu'on ne sortait de la Charte que pour rentrer dans la Charte; que la liberté des journaux ne s'y trouvait pas, que l'élection directe n'y était pas non plus, et qu'il appartenait au roi de l'interpréter selon ses propres idées.

On s'appuyait sur cet article 14, conçu jadis dans des idées d'oppression, qui seul, d'après l'interprétation des ministres, eût constitué le despotisme même.

La première ordonnance était relative à la presse : elle confisquait des propriétés particulières; elle substituait la force à la loi, la gendarmerie aux tribunaux, enfin le silence de la mort au mouvement actif de la vie sociale.

La seconde établissait un prétendu

système électoral conçu dans la sacristie du château, dans lequel tout avait été calculé pour 'anéantir la liberté du vote, pour insulter trente mille électeurs, particulièrement ceux qui enrichissent la France par leur industrie. Si cette ordonnance avait pu réussir, il eût fallu dire adieu à toute espèce de liberté : la chambre n'était plus qu'une commission choisie par la congrégation et l'aristocratie; et, sous la forme représentative, la France retombait dans un ordre de choses pire que l'ancien régime.

La troisième ordonnance dissolvait l'assemblée nouvelle avant même qu'elle eût été réunie, c'est-à-dire qu'elle cassait des élections attentat le plus coupable qui puisse être commis dans un pays régi par les lois. Pour compléter ce système de despotisme, on était allé chercher pour auxiliaires les hommes les plus diffamés dans l'opinion. A Polignac, Chantelauze, Peyronnet, Guernon de Ranville, Capelle, on

adjoignait un Delavau, encore tout couvert du sang versé dans la rue Saint-Denis, un Vaublanc, espèce de marionnette politique dont l'importance n'est justifiée ni par le caractère ni par le talent; Dudon, le plus grand déprédateur de l'époque; Forbin des Issarts, connu par ses fureurs dans les Chambres; Frénilly, jadis chef d'une infâme commission de censure, Franchet, dont le nom seul dit tout, Syrieys de Mayrinhac, Cornet d'lncourt, de Curzay, de Villeneuve, Chaulieu, âmes damnées des jésuites; Formont et Couny, orateurs serviles du ministère; enfin Bergasse, dont le nom antique n'aurait d'importance que par le ridicule, s'il n'était profondément oublié depuis trente

ans.

Voilà les hommes qui devaient concourir au rétablissement du pouvoir absolu; c'était sous l'oppression de pareils tyrans qu'on prétendait replonger une nation qui depuis trente ans verse son sang pour la liberté. Ils avaient cru, ces

hommes, que la France courberait la tête, que quelques gendarmes suffiraient pour soumettre les mécontens, et qu'à l'aide de quelques coups de fusil tirés sur le peuple la Charte serait à jamais détruite. La plus rapide des révolutions les a fait sortir de leur étonnante erreur.

JOURNÉE DU 26 JUILLET.

Paris offrait le calme le plus profond, lorsque le fatal Moniteur parut. On s'attendait si peu à l'infâme tentative qu'il révélait, que le premier mouvement fut celui de la stupeur. Bientôt la funeste nouvelle se répand de proche en proche ; on se précipite dans les cafés, dans les cabinets littéraires; on écoute avec un sourire amer la lecture des ordonnances; chacun se regarde, s'interroge avec anxiété; on n'ose encore manifester toute sa pensée sur la duplicité de Charles X, mais tous les visages por

tent l'expression de l'indignation et du mépris.

La nouvelle, cependant, fut quelque temps à se répandre. Le peuple qui ne lit point le Moniteur n'en eut d'abord qu'une idée confuse. Ce fut dans les bureaux des feuilles publiques que l'événement produisit le plus d'effet. Plusieurs journaux s'apprêtent à une généreuse résistance; quelques-uns sont abandonnés par leurs imprimeurs tremblans: en vain obtient-on de M. de Belleyme un jugement de référé empreint de faiblesse quoique positif, la plupart des feuilles publiques se trouvent matériellement dans l'impossibilité de paraître. Les Gérans rédigent à la hâte la protestation suivante :

PROTESTATION DES JOURNAUX.

« On a souvent annoncé depuis six mois, que les lois seraient violées, qu'un coup d'état serait frappé. Le bon sens public se refusait à le croire. Le ministère repoussait cette suppo

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