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JOURNÉE DU 29 JUILLET.

Au point du jour, toute la population était sur pied en armes, pourvue de munitions et décidée à poursuivre son ouvrage. Quelques serviteurs de Charles X s'étaient rendus à SaintCloud; ils avaient conjuré Polignac de donner sa démission, et le roi de retirer les fatales ordonnances. Le ministre avait persisté dans la barbare résolution de jouer la couronne de son maître dans la guerre civile. Il refusa d'entendre toute proposition. On continua donc de se battre.

On a yu dans les deux journées précédentes le peuple combattre sans chef, sans direction, et cependant avec un ordre admirable. Cependant, le 29 au matin, quelques bons citoyens sentirent la nécessité de lui donner quelques chefs habiles. Le rédacteur gérant du Constitutionnel, M. Evariste Dumoulin se rend chez le brave général Du

bourg et lui expose la nécessité de se mettre à la tête du peuple. Quoique mutilé par les campagnes, le général Dubourg accepte; il publie une proclamation; et, se mettant à la tête de nombreuses colonnes, s'empare de la place de la Bourse. Un général plus illustre encore se décide à seconder les efforts de la nation; le général Gérard prend le commandement des nombreux détachemens qui se dirigent vers le Louvre et les Tuileries.

Le commandant en chef Marmont avait établi les Suisses aux étages supérieurs de ces deux monumens; et de là cette troupe étrangère, à laquelle le sang français ne dit rien, retranchée derrière les embrasures des fenêtres, se donnait le plaisir cruel de tirer sur la foule. Inutile barbarie! au signal qui leur est donné, au son du tocsin qui retentit de toutes parts, cinq ou six mille hommes se portent vers le Louvre. Deux régimens de la garde royale étaient rostés dans les cours et dans le jardin de

l'infante, ils font feu sur les premiers assaillans, mais ceux-ci ne tombent que pour être à l'instant remplacés par leurs frères. On se porte au pas de charge contre les grilles du Louvre; elles sont brisées, malgré la plus vive fusillade, et la foule se répand dans la cour intérieure, se précipite dans les escaliers, et force de se rendre à discrétion les Suisses qui continuaient de tirer avec un acharnement incroyable. En un moment le drapeau tricolore parut sur ce monument dont les citoyens s'étaient emparés.

les

Pendant ce temps tous les autres quartiers de Paris étaient en notre pouvoir. La garde nationale occupait l'Hôtelde-Ville; une foule armée s'emparait de l'Archevêché, pénétrait dans les appartemens. Elle croyait n'y trouver que insignes d'une religion qui a horreur du sang; quelle fut son indignation en découvrant des poignards et un baril de poudre! A cette vue, on se précipite sur les meubles; tout est brisé, jeté par les fenêtres, et lancé dans la

rivière, où l'on voit flotter pêle-mêle meubles, livres, ornemens ; rien ne fut pris tous les vases précieux furent portés religieusement à l'Hôtelde-Ville; les matelas, les draps, le linge tout ce qui pouvait servir aux blessés fut remis à l'Hôtel-Dieu. Des masses armées se portèrent également au couvent des vieux prêtres de la rue d'Enfer; ils avaient pris la fuite. Là se renouvelèrent les scènes de l'Archevêché. Les effets précieux furent mis entre les mains et sous la garde du maire de Montrouge.

Depuis la prise du Louvre, et celle des lieux environnant, l'armée royale refoulée au delà des Tuileries ne possédait plus que ce point de défense. Les ministres s'y consultaient avec le duc de Raguse. Une députation de mandataires du peuple réunis chez M. Lafitte, et désirant arrêter l'effusion du sang, se rendit à travers la fusiliade auprès du commandant de Paris. M. Laffitte porta la parole. Il représenta vivement

à Raguse l'état déplorable de la capitale, et le rendit personnellement responsable au nom des députés de la France des fatales conséquences d'un si triste événement.

Raguse répondit : « L'honneur militaire est l'obéissance, »>

« Et l'honneur civil, reprit M. Laffitte, c'est de ne point égorger les citoyens. »

Alors Raguse dit : « Mais, Messieurs, quelles sont les conditions que vous proposez? >>

« Nous croyons devoir répondre, dirent les députés, que tout rentrera dans l'ordre aux conditions suivantes : le rapport des ordonnances du 26 juillet, le renvoi des ministres, et la convocation des chambres le 3 août. »

« Comme citoyen, » répliqua Raguse, « je puis ne pas désapprouver, partager même les opinions de MM. les députés; mais comme militaire, j'ai des ordres et dois les exécuter. Au surplus, si vous voulez, Messieurs, en conférer avec

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