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» Nous n'avons pas à tracer ses devoirs à la chambre illégalement dissoute. Mais nous pouvons la supplier, au nom de la France, de s'appuyer sur son droit évident, et de résister autant qu'il sera en elle à la violation des lois. Ce droit est aussi certain que celui sur lequel nous nous appuyons. La Charte dit, article 50, que le roi peut dissoudre la chambre des députés; mais il faut pour cela qu'elle ait été réunie, constituée en chambre, qu'elle ait soutenu enfin un système capable de provoquer sa dissolution. Mais, avant la réunion, la constitution de la chambre, il n'y a que des élections faites. Or, nulle part la Charte ne dit que le roi peut casser les élections; les ordonnances sont donc illégales, car elies font une chose que la Charte n'autorise pas.

» Les députés élus, convoqués pour le 3 août, sont donc bien et dûment élus et convoqués. Leur droit est le même aujourd'hui qu'hier. La France les supplie de ne pas l'oublier. Tout ce qu'ils

pourront pour faire prévaloir ce droit, ils le doivent.

» Le gouvernement a perdu aujourd'hui le caractère de légalité qui commande l'obéissance. Nous lui résistons pour ce qui nous concerne; c'est à la France à juger jusqu'où doit s'étendre sa propre résistance. »>

Ont signé, les Gérans et Rédacteurs des journaux actuellement présens à Paris.

Cependant, la Bourse est inquiète; les banquiers annoncent qu'ils suspendent leurs escomptes; les fonds publics baissent de plus de 4 francs; un grand nombre de commerçans déclarent qu'ils vont arrêter leurs payemens; des manufacturiers ferment leurs ateliers; plusieurs imprimeurs les imitent, l'un d'eux dont le nom est célèbre, leur dit: « Mes amis, on supprime aujour d'hui la presse, je ne peux plus vous donner d'ouvrage, allez-en demander à votre bon roi. M. Ternaux congédie

cent cinquante ouvriers en leur payant huit jours d'indemnité.

Dans cette agitation toujours croissante, les citoyens commencent à former des groupes au Palais-Royal. Point d'armes encore : ce sont des curieux qui se consultent, des hommes inquiets qui s'interrogent; et, cependant, la gendarmerie se met en devoir de les séparer. On a la lâcheté de charger des citoyens désarmés; des colonnes de garde royale investissent le jardin, en chassent les promeneurs et font fermer les grilles. La foule maltraitée se porte sur le boulevart des Capucines en criant : A bas Polignac On casse les carreaux, on jette des pierres à la garde royale qui avait chargé de nouveau le peuple. Une vingtaine de jeunes gens attendaient aux portes de l'hôtel de M. Casimir Périer la décision d'une réunion de Députés assemblés pour s'occuper des dangers publics, et rédiger une protestation: on les sabre sans pitié. Déjà, sur quelques points, on avait entendu quel

ques coups de fusil, et quelques citoyens avaient été blessés et même frappés à mort.

La protestation des Députés fut rédigée le 27 elle est ainsi conçue :

:

PROTESTATION DES DÉPUTÉS.

« Les soussignés, régulièrement élus à la députation, conformément à la Charte constitutionnelle et aux lois sur les élections, et se trouvant actuellement à Paris,

» Seregardent comme absolument obligés, par leurs devoirs et leur honneur, de protester contre les mesures que les conseillers de la couronne ont fait naguère prévaloir pour le renversement du système légal des élections et la ruine de la liberté de la presse.

» Lesdites mesures, contenues dans les ordonnances du 25 juillet, sont, aux yeux des soussignés, directement contraires aux droits constitutionnels de la Chambre des Pairs, aux droits publics des Français, aux attributions et aux arrêts des

tribunaux, et propres à jeter l'état dans une confusion qui compromet également la paix du présent et la sécurité de l'avenir.

» En conséquence, les soussignés, inviolablement fidèles à leur serment, protestent d'un commun accord, nonseulement contre lesdites mesures, mais contre tous les actes qui en pourraient être la conséquence.

» Et attendu, d'une part, que la Chambre des Députés n'ayant pas été constituée n'a pu être légalement dissoute; d'autre part, que la tentative de former une autre Chambre des Députés, d'après un mode nouveau et arbitraire, est en contradiction formelle avec la Charte constitutionnelle et les droits acquis des électeurs, les soussignés déclarent qu'ils se considèrent toujours comme légalement élus à la députation par les colléges d'arrondissement et de département dont ils ont obtenu les suffrages; et comme ne pouvant être remplacés qu'en vertu d'élections faites selon les

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