Page images
PDF
EPUB

rive, on a vu un ouvrier s'avancer presque jusqu'au milieu du pont des Arts et de là tirer deux coups et abattre deux de ses adversaires. Il allait continuer quand il a reçu une balle dans la cuisse; il a eu le courage de revenir sous le guichet, d'où il a été transporté à la Charité. Nous aurions pû citer un grand nom➡ bre de traits aussi courageux.

La trêve finie et l'attaque du Louvre étant recommencée, un brave, couvert d'une blouse bleue et le pistolet au poing, s'est avancé hardiment vers une grille, et le pistolet qu'il dirigeait sur le, factionnaire ayant raté, il l'a armé de nouveau, en ordonnant d'ouvrir la grille ou qu'il allait faire feu. Cette sommation audacieuse a contribué à la prompte ouverture de la grille. Ce brave se nomme Garaud, sculpteur, âgé de 22 ans, natif de Dijon; c'est lui qui a fait, en 1828, la sculpture de la maison égyptienne, place et passage du Caire. Lorsque le général Lafayette a eu connaissance de ce trait de courage, il a fait

[ocr errors]
[ocr errors]

venir ce brave jeune homme, et l'a vivement pressé sur son cœur.

Au coin de la rue Montmartre et du boulevard, des citoyens, qu'il était facile de reconnaître pour de modestes artisans, passaient, conduits par un de leurs camarades, devenu leur chef par l'autorité que donnent l'âge et la raison. Au bout de leurs armes étaient enfilés des pains et quelques volailles dont la distribution leur avait été régulièrement faite. Plusieurs des hommes de cette compagnie se trouvant vis-à-vis la boutique d'un marchand de vin, se sont détachés pour y entrer; mais bientôt, à la voix de leur chef, ils sont revenus dans le rang: Aujourd'hui, leur a-t-il dit, pas d'eau-de-vie, pas même de vin sans eau, au corps-de-garde les ivrognes! Et tous ces braves gens de s'écrier il a raison et de continuer leur route, prêts à recommencer la lutte même à jeun ; prêts à affronter la mort sans autre stimulant que le géné reux, que l'ardent amour du pays et de la liberté.

:

-Au coin de la rue de Valois-Batave où un combat d'une heure avait eu lieu, un ouvrier veut monter le premier dans la maison du magasin de Jeanne-d'Arc, où des gardes royaux étaient entrés de vive force; il en sort le premier en conduisant deux soldats blessés, et menaçant tous ceux qui oseraient faire feu sur eux. Ces deux blessés, ainsi que plusieurs autres, ont été transportés à l'hôtel du Périgord, où tous les soins leur ont été prodigués.

Quelques individus entrés dans la même maison, jetaient par les croisées des plats d'argent; aussitôt, les braves ouvriers qui se trouvaient là se sont empressés de les ramasser et de les porter dans une maison voisine.

Le citoyen Benoît, cocher de cabriolet, sans autre arme qu'un sabre, s'est jeté le premier, sur une pièce de canon qu'on venait de tirer dans la rue de Richelieu. Ce brave, qui n'a pas même reçu une égratignare, a été amené,

jusque sur la place de la Bourse, à cheval sur la pièce qu'il avait prise, et aux acclamations de tous ses compagnons d'armes.

Rue Saint-Denis, plusieurs com→ mis marchands s'étaient armés et se préparaient au combat; le plus jeune d'entre eux, presque un enfant, avait chargé un pistolet. Il sort au moment où un peloton de lanciers arrivait : il ajuste l'officier et le tue. On ouvre précipitamment la porte pour faire rentrer le jeune brave; quelques lanciers le suivent et tombent atteints par les balles des commis marchands.

Un nommé Jean Grenier, ouvrier poêlier, rue de la Mortellerie, no. 20, s'est présenté dans la matinée du 31 juillet au commandant du poste de l'hôtel Saint-Aignan, rue Sainte- Avoie, 7. arrondissement. « Sergent, dit-il, » voici mon sabre, je l'ai bien employé depuis trois jours, maintenant je re

[ocr errors]

» tourne à mon ouvrage et mon arme

» me devient inutile, j'en fais don à la garde nationale. »>

Ce trait du patriotisme le plus désintéressé a été accueilli comme il devait l'être; son auteur s'est refusé à recevoir aucun prix de son arme. « Je ne vends » pas mon sabre, disait-il, je le donne. » Et en effet il en fit don à un grenadier du poste qui en manquait.

-Un nommé Jules, domestique, a sauvé, dans la rue Neuve-Saint-Augustin, un soldat de la garde royale que l'obéissance de son corps aux ordonnances du 25 exposait à être massacré. Ce brave citoyen, qui avait courageusement combattu les gardes royaux quand ils étaient en nombre et armés, s'est précipité vers le soldat qui était seul, et l'a sauvé en criant: C'est mon frère, ne lui faites pas de mal.

-L'ordre le plus parfait a régné pendant toutes les nuits; une partie de la ville était illuminée, particulièrement les rues Saint-Denis, Saint-Martin, Saint-Jacques et les environs de l'Hôtel

« PreviousContinue »