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barras et des obligations qui entravent sa mission vraiment utile qu'en voulant trop gouverner, en étendant sa tutelle sur toutes choses il soulève les résistances, et que, ne pouvant satisfaire également tout le monde,

est si près, d'un accès si facile, et se présente avec un si haut degré d'évidence?

C'est au triomphe final de la doctrine catholique que Krause fait involontairement appel lorsqu'il s'écrie: « L'idée de l'humanité dans sa vie générale et de l'association universelle deviendra le principe régulateur, le dogme et la loi de l'ère qui arrive et qui a déjà commencé. Cette idée salutaire et féconde établira sur la terre, en les développant de plus en plus, la paix, l'amour, le bien, le beau, en un mot la ressemblance de l'humanité avec Dieu. Tous les efforts humains jusqu'à ce jour peuvent être considérés comme des essais et des préparatifs, éloignés sans doute, mais dignes d'estime, pour cette vie organique de l'humanité. Ces œuvres partielles et incompletes méritent d'ètre conservées à ce titre. Il n'y a qu'à les retoucher et les embellir pour les admettre ensuite dans la vaste sphère de la vie nouvelle. L'époque moderne sera plus complète que les précédentes; car elle est destinée à constituer l'humanité comme une seule vie, et à parfaire, autant que le permet l'existence humaine, cet immense organisme. Le temps qui vient est l'âge viril de l'humanité; c'est le moment le plus élevé de son être; il embrasse dans un système général, dans une grande et puissante harmonie, tous les éléments constitutifs du grand corps de l'humanité. On peut donc dire que ce sera son âge mûr, son âge harmonique.

Le monde nouveau que le philosophe allemand n'entrevoit que dans un avenir encore obscur et incertain, le christianisme catholique peut seul le constituer, car seul il est le principe et la fin de de toutes les réformes, de tous les progrès et de toutes les amélio-` rations. C'est parce que nous avons désappris ses enseignements et sa règle, parce que nous ne le pratiquons plus dans son étendue et sa vérité, que la société reste divisée, qu'elle oscille incessamment entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal, et que l'humanité poursuit si douloureusement sa marche au sein des désordres et des calamités qui semblent s'accumuler sous ses pas.

il se fait des ennemis de tous ceux dont il trahit les espérances; qu'avec une législation sans trêve ni repos qui a la prétention de régler et de concilier tous les intérêts, on n'aboutit le plus souvent qu'à l'impuissance, au désordre et aux révolutions.

VII.

Application des principes posés. - Attributions de l'État; corollaires. Mesure de l'intervention de l'État dans les diverses sphères sociales: religion, éducation et instruction, travail, industrie, commerce, travaux publics, sciences, lettres et beauxarts. Association, son cercle d'action et ses conditions.

J'ai posé les prémisses dont il me faut maintenant tirer les conséquences. Quelle est donc la ligne de démarcation entre l'action gouvernementale et l'action particulière, entre le domaine de l'autorité et celui de la liberté? Pour la tracer il suffit de reprendre la définition du but de l'État que j'ai donnée au § II de cette étude, et de se bien pénétrer de ses termes et de son esprit. Tout en admettant les différences que peuvent et doivent entraîner la forme des institutions politiques, le degré de développement, de culture et de civilisation

des populations, les circonstances particulières où elles se trouvent, les attributions et les fonctions de l'État me semblent pouvoir être fixées, en règle générale, de la manière suivante (') :

L'État exerce la souveraineté, comme représentant

(1) De même que la plupart des économistes, M. Stuart Mill, dans ses Principes d'économie politique, distingue les fonctions qui sont inséparables de l'idée de gouvernement ou que tous les gouvernements exercent d'ordinaire sans qu'il s'élève à ce sujet aucune objection, de celles dont on peut leur contester l'exercice par des motifs divers et avec plus ou moins de raison. L'éminent écrivain consacre la dernière partie de son ouvrage à l'examen des questions que soulève cette classification. Mais suffit-elle pour résoudre la question? Je ne le pense pas. Que faut-il entendre par fonctions nécessaires et par fonctions purement facultatives? M.S. Mill entre à cet égard dans de longs développements, discute diverses hypothèses, cite de nombreux exemples et finit par poser comme règle de l'action de l'État, l'utilité publique, l'utilité évidente et reconnue de tous. Ainsi l'État a pour mission de lever l'impôt ou les revenus nécessaires à son existence, de nommer et de révoquer ses agents, de veiller à la protection des personnes et des propriétés et au respect des contrats, de faire les lois et de maintenir leur exécution, de pourvoir à la police et à la justice.

Ce droit nul ne le conteste, mais il n'est pas le seul, et la mission de l'État embrasse sans doute encore d'autres attributions non moins utiles ou nécessaires : quelles sont-elles? Quant aux fonctions facultatives, lorsqu'on dit qu'elles sont essentiellement variables, qu'elles dépendent des circonstances, des besoins, du degré de développement et de civilisation, on laisse subsister le doute et l'on ne décide rien. L'intervention de l'État peut encore être directe ou indirecte à quelles règles doit être subordonné l'un ou l'autre de ces modes? Dans quel cas et dans quelle mesure faut-il que l'État prenne l'initiative ou prète son concours, et dans quels autres cas faut-il laisser agir les individus ou les associations? Ces questions ne peuvent trouver de solution que dans une théorie positive et complète de la nature et du but de l'État.

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et délégué de la nation dont émanent tous les pouvoirs.

Il remplit la triple fonction législative, exécutive et judiciaire, à l'aide des pouvoirs constitués dans son sein. Il représente la nation vis-à-vis des nations étrangères et entretient les rapports internationaux.

I maintient l'unité et l'indépendance nationales, la sécurité et l'ordre publics (armée, police, justice, prisons, etc.).

Il perçoit les impôts et les revenus destinés à voir aux services publics.

pour

Il organise ces services, nomme et révoque les fonctionnaires et employés.

Il assure l'exercice des droits naturels, civils et politiques, et procure à chacun les moyens extérieurs de poursuivre les buts divers de sa vocation individuelle et sociale, en écartant les obstacles qui peuvent entraver cette poursuite.

Il protége la liberté individuelle et collective dans toutes ses manifestations légitimes, en ne lui posant d'autres limites que celles du respect de la liberté d'autrui.

Il facilite les relations et les transactions, et encourage spécialement l'esprit de solidarité et d'association. (Voies de communication, navigation, transport des lettres, télégraphes, monnaies, poids et mesures, débouchés commerciaux, crédit, banques, sociétés anonymes, etc.)

Il prévient autant que possible les accidents qui me

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