Page images
PDF
EPUB

si l'homme, le citoyen ne s'élève à la hauteur de sa destinée et ne se rend digne par ses vertus et son patriotisme de l'émancipation à laquelle il aspire et de la haute mission que lui attribue la divine Providence. Aussi tout doit-il se réunir et se combiner, actes et efforts de la société, de l'Église, de l'État, des communes, des provinces, des particuliers et des associations, influences éducatives, religieuses et morales, pour atteindre à ce grand et suprême résultat : l'homme libre protégé par l'État fort et respecté dans ses limites légitimes, les voies de persuasion substituées aux voies de contrainte, le progrès accompli par la libre initiative des individus, le despotisme à jamais vaincu par la liberté.

Quand cet idéal sera-t-il réalisé? C'est le secret de Dieu. L'essentiel est que le but soit clairement indiqué et entrevu. Que les bons et les sages se ceignent donc les reins et marchent résolument vers la lumière sans se laisser rebuter par les obstacles semés sous leurs pas; la multitude, entraînée par leur exemple, suivra leurs traces pour entrer avec eux dans la nouvelle terre promise.

Pénétré de la même espérance et animé de la même conviction, un publiciste célèbre, appelé aujourd'hui à appliquer ses vues sur un vaste théâtre et au sein de la crise qu'il avait prévue, s'écriait il y a quelques années (') :

(') Der Einfluss der herrschenden Ideen des 19 Jahrhunderts auf den Staat, von Baron Jos. Eœtvæs; Leipzig, 1854. Cité par M. Laboulaye dans la Revue Nationale.

<«< La lutte est difficile, le jour est sombre; ce qui émeut le continent, ce n'est pas un combat entre deux partis qui se disputent le pouvoir, c'est un combat entre deux civilisations. Rome et la Germanie recommencent leur duel éternel; une fois encore, l'idée païenne et l'idée chrétienne, le despotisme et la liberté se disputent l'empire du monde; mais, si terrible que soit l'épreuve, l'issue n'en peut être douteuse. Quand une vérité se fait jour, quand les yeux se tournent vers un nouvel astre qui se lève, le succès n'est plus qu'une question de temps. Les passions vieillissent et changent, les partis s'affaiblissent, la vérité ne meurt pas. Sans doute dans un pays où l'on a détruit toute organisation particulière, où l'on a habitué le citoyen à la tutelle de l'État, où l'on a pour ainsi dire ôté à l'individu la capacité de se gouverner lui-même, il faudra plus d'un jour pour changer un système envieilli. L'arbre que pendant un demi-siècle on a taillé à la française ne poussera pas en une nuit des branches libres et vigoureuses; il fera longtemps attendre son ombre protectrice; mais qu'importe ! l'idée fera son chemin, elle s'emparera des esprits; l'État finira par comprendre son véritable inintérêt, dès lors la révolution sera faite; aussitôt que l'État ne pèsera plus sur le citoyen, la liberté sortira du sol avec une prodigieuse énergie. >>

Répétons avec M. Eœlvos: « Du courage, nous ne marchons pas à la destruction, mais à l'achèvement du christianisme; plus le flot est menaçant, plus le navire est battu, et plus nous sommes as

surés que nous approchons du port. Les déceptions qui nous ont atteints, les révolutions qui nous ont abattus, étaient des épreuves nécessaires; pour nous tirer de la fausse voie où la politique est engagée, il ne faut plus qu'un peu d'énergie et de dévouement. Le devoir est tracé, la victoire certaine. Dans le monde des idées elle appartient toujours à la vérité et au courage mis au service de la vérité. C'est sur le christianisme et la morale que des mains pures élèveront la demeure où s'abriteront nos enfants. >>

Un dernier mot, et il s'adresse particulièrement à mon pays bien-aimé. Le ciel a été prodigue envers lui de biens de toute nature; entre toutes les nations, la Belgique se distingue par la fécondité de ses campagnes, la variété et l'activité de son industrie, son culte des arts, le libéralisme de ses institutions, l'esprit religieux, la moralité et le bien-être de ses habitants. Ce sont là ses titres à la considération qui l'environne et ses véritables garanties d'indépendance. Qu'elle craigne de les compromettre en se laissant égarer par les instigations et les vaines promesses de prétendus novateurs, et de sacrifier ses libertés réelles aux fausses idées de progrès qu'on voudrait lui inculquer. La lutte des partis qui s'agitent dans son sein et qui tend de plus en plus à dégénérer en lutte religieuse, constitue un danger permanent que tous les bons citoyens doivent s'efforcer de conjurer par la confession des grands principes de 1830 et le strict maintien des généreuses traditions du congrès constituant: hors de là il n'y a pas de salut.

466 MISSION DE L'ÉTAT, SES RÈGLES, ETC.

Si les doctrines pseudo-libérales pouvaient triompher, si le pouvoir public, au lieu de se renfermer dans sa sphère légitime, se laissait aller aux empiètements qu'on lui conseille et se mettait à la remorque de tel ou tel parti pour enrayer l'action et le développement des libertés conquises par le martyre de nos frères, si l'antique foi pouvait être détruite, si la force prenait la place du droit, l'édifice national, ébranlé dans ses fondements, ne tarderait pas à s'écrouler, et la Belgique, impuissante contre le désordre intérieur, resterait exposée sans défense aux attentats du dehors. Notre force réside dans notre union et dans nos libres institutions : il n'y a pas de traités, de forteresses, d'armée, de combinaisons diplomatiques ou stratégiques qui puissent nous sauver si, nous manquant en quelque sorte à nousmêmes, nous n'avons à opposer à l'invasion étrangère qu'un peuple divisé, mécontent et dépouillé de ses plus nobles attributs. L'histoire enseigne et nous redit que les nations ne se perdent que par leurs fautes et que l'indépendance ne survit jamais à la ruine des libertés. Malheur à nous si nous pouvions méconnaître ou oublier cet enseignement! Malheur à ceux qui, aveuglés par leurs erreurs ou entraînés par leurs passions, oseraient porter une main sacrilége sur l'arche sainte qui porte la fortune et la renommée de la patrie! Mieux vaudrait n'avoir jamais vécu que de subir de siècle en siècle l'anathème d'une nation asservie et condamnée à une déchéance peut-être irréparable.

APPENDICE.

A.

ORGANISATION DES ÉTABLISSEMENTS D'INSTRUCTION

EN ANGLETERRE.

M. Guizot, dans ses Mémoires (t. III, pp. 18 et suiv.), expose et résume de la manière suivante l'opinion qui domine en Angleterre dans les hautes sphères de la société sur l'organisation de l'instruction publique et la part qui y est faite à l'État :

« Nous n'avons point, comme la France et la Prusse, un système général et unique d'instruction publique; mais nous avons, en abondance, des établissements d'instruction publique de tous les genres et de tous les degrés : des écoles élémentaires pour l'éducation du peuple, des colléges pour les études classiques et littéraires, des universités pour l'enseignement supérieur de toutes les sciences.

« Ces établissements sont distincts et isolés; ils subsistent chacun à part et pour son propre compte, avec leurs ressources et leur administration particulières. Ils sont divers; ils ont été et ils restent organisés selon la pensée et le vœu des personnes qui les ont fondés, ou de celles qui les dirigent, ou de la portion du public qui leur confie ses enfants. Ils sont indépendants, sinon complétement, du moins à un haut degré, du gouvernement

« PreviousContinue »