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loi son mécanisme, sa façon, si je puis m'exprimer ainsi, puis sa tendance générale, son but social; si l'assemblée législative tout entière est incompétente pour coopérer à l'œuvre préparatoire, elle a néanmoins une capacité suffisante pour se prononcer sur l'œuvre définitive. Cette distinction est essentielle; elle explique mon idée en même temps qu'elle la justifie.

Il doit être bien entendu, d'ailleurs, que tout député aurait le droit de participer aux délibérations et de prendre même part au vote préalable, moyennant certaines conditions, dans quelque section que ce fût; que les débats des sections spéciales seraient environnés de toutes les garanties de publicité qui existent aujourd'hui. A certains égards, ces sections correspondraient aux sections et aux commissions actuelles, auxquelles beaucoup de représentants, et des plus capables, ont perdu l'habitude d'assister, avec cette différence que la composition du personnel des premières serait plus rationnelle, que leur travail serait plus sérieux et plus fécond, et leur fréquentation plus régulière en raison de l'importance de la mission qui leur serait dévolue.

Le système que je propose aurait, en outre, l'avantage de pouvoir faire délibérer et voter simultanément plusieurs sections sur des projets divers, tandis qu'aujourd'hui un scul projet, quelles qu'en soient la nature et la valeur, absorbe ou du moins est censé absorber l'attention de la Chambre entière. L'immense arriéré qui existe dans le travail législatif pourrait être expédié dans un temps raisonnable, tandis qu'il augmentera

indéfiniment si l'on persiste dans le mode actuel dont les inconvénients ne peuvent être contestés.

J'ajouterai enfin que la discussion et le vote par section seraient limités aux lois spéciales. Les questions d'ordre général et supérieur, les débats politiques proprement dits, scraient portés devant les assemblées complètes, comme ils le sont maintenant.

Au premier abord, en lisant les art. 44 et 42 de la Constitution, on pourrait croire qu'ils forment obstacle à la répartition des travaux et des fonctions dont j'ai fait ressortir les avantages; mais, si on les combine avec l'art. 46, qui attribue à chaque Chambre le droit de déterminer par son règlement le mode suivant lequel elle exerce ses attributions, on se convaincra qu'il ne s'agit après tout que d'une réforme intérieure pour laquelle la législature est parfaitement compétente.

Quelles que soient les objections que peuvent soulever les vues qui précèdent, l'on reconnaîtra certainement qu'il y a quelque chose à faire pour restituer à l'institution parlementaire son action utile et lui imprimer une impulsion plus large et plus féconde. Le régime représentatif est l'objet d'attaques sourdes ou déclarées, et a déjà subi plus d'un échec et plus d'un naufrage. Il faut qu'il se défende et se sauve lui-même en montrant les bienfaits dont il est appelé à être le dispensateur. On se fatigue tôt ou tard du vain bruit d'une tribune où la passion usurpe la place de la raison et du patriotisme ; les regards et les sympathies se détournent d'une arène où les partis s'acharnent dans une lutte impic, alors que

150 MISSION DE L'ÉTAT, SES RÈGLES, ETC.

tant et de si graves intérêts demandent satisfaction. Lorsque l'on se représente les lois à faire, à reviser, à perfectionner, les progrès à accomplir dans la triple sphère matérielle, morale et intellectuelle, chaque session perdue dans de stériles débats accuse à la fois les hommes et l'institution. Cette accusation, il est de notre devoir à tous de la repousser. Quand on songe aux millions confiés annuellement à l'administration, on doit comprendre combien il importe qu'elle soit placée et qu'elle se maintienne à la hauteur de la mission qui lui est attribuée. Il s'agit de la fortune, de la prospérité, de l'honneur du pays; on ne les sauvegardera qu'à la condition d'aborder résolûment l'étude et la solution des questions que j'ai posées et l'application des réformes dont j'ai essayé de faire ressortir la nécessité.

X.

Résumé. Programme de décentralisation. -
Conclusion.

Les idées et les principes que j'ai exposés dans cette étude, pour être bien compris, auraient besoin peut-être de développements que j'ai dû m'interdire. Cependant ils précisent, je pense, d'une manière suffisante la nature et les limites de l'action de l'État et de l'administration dans la société. Ils ont leurs corollaires nécessaires, et la théorie qu'ils résument serait une lettre morte et une vaine utopie s'ils ne trouvaient leur application dans la pratique. Ici le champ s'élargit, on est en présence d'infinis détails, et l'on doit reconnaître qu'il faut compter avec les faits existants, les positions acquises, les habitudes contractées et même, jusqu'à un certain point, avec des préjugés plus ou moins enra

cinés de là la nécessité de procéder avec prudence et de ménager les transitions, afin de ne pas s'exposer à substituer aux inconvénients et aux abus existants des causes d'embarras et de désordre qui ne feraient que déplacer le mal sans y porter remède. La loi de continuité n'est pas moins impérieuse que la loi de progrès. On ne peut méconnaître l'une sans enrayer l'autre et la frapper d'impuissance.

Cette réserve faite, la réforme devrait porter particulièrement sur les points suivants :

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1. Abolition des obstacles, des restrictions et des entraves qui annulent, paralysent ou gênent l'exercice des libertés naturelles, individuelles et collectives, civiles et politiques, ou, en d'autres termes, consécration positive de la liberté de conscience et des cultes, du foyer et de la famille, de l'association, de l'enseignement, -de la charité, de la science, de l'art, - du travail, -de de l'industrie, du commerce, - du crédit, de la presse, - du langage de la tribune, — de la chaire, électorale, communale,

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provinciale, etc.

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2. Règlement et partage des attributions gouvernementales nécessaires entre l'État, les provinces et les communes de manière à restreindre l'action centrale à la direction supérieure, à abandonner le soin des intérêts purement provinciaux et communaux aux administrations provinciales et communales ('), à faciliter la

(1) « C'est dans la commune, » dit M. de Tocqueville, « que réside la force des peuples libres; les institutions communales sont à la

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