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IX.

Réforme administrative, son but et ses moyens.

La réforme administrative en Belgique, comme dans les autres pays où se reproduisent sur une échelle plus ou moins large les mêmes inconvénients et les mêmes abus, dépend de l'application des principes que j'ai posés en ce qui concerne la centralisation en général.

Et, d'abord, il importe de bien déterminer le cercle dans lequel l'administration doit se mouvoir, et qu'elle ne peut franchir sans empiéter sur la liberté des citoyens. S'il est impossible de poser à cet égard des principes absolus et des règles uniformes également applicables à tous les pays et à toutes les situations, il est cependant quelques préceptes qu'en tout état de cause il faut observer. Le premier de ces préceptes est que l'administration ne doit intervenir que lorsque l'individu est impuissant pour agir par lui-même, et seulement.

dans la mesure de cette impuissance; le second est que cette intervention, lorsqu'elle est reconnue nécessaire, doit être calculée de manière à stimuler l'action individuelle ou collective, et cesser du moment où cette action est devenue suffisante pour remplir spontanément les fonctions attribuées jusque-là à l'administration. On peut affirmer à priori que les peuples où l'élément administratif est le plus développé et le plus actif sont aussi les moins libres; l'autorité, toujours présente, intervenant dans tout et à propos de tout, ne laisse guère de place à l'initiative particulière et rend l'association inutile ou impossible, en la frappant d'une sorte de discrédit. Le citoyen, absorbé dans l'État, se repose sur celui-ci; c'est l'État qui doit le préserver des dangers de l'imprévoyance, des effets des saisons, des suites de la maladie, des inconvénients de la concurrence. De là au socialisme, la pente est presque irrésistible. D'un autre côté, le pouvoir annulant, pour ainsi dire, toutes les forces sociales, accepte une responsabilité qui l'expose incessamment aux plaintes, aux mécontentements, pour aboutir à des difficultés inextricables et à des troubles sérieux, qui ébranlent son fondement et compromettent son existence.

C'est contre cette centralisation excessive qu'il faut se prémunir, en définissant d'une manière rigoureuse les limites de l'administration et en les restreignant à mesure de la libre expansion des forces et de l'énergie des efforts des particuliers et des associations.

Ces limites déterminées, vient la question d'organi

sation. I importe que les règles qui régissent l'administration soient claires et précises, que les dispositions. qu'elle est chargée d'appliquer soient en rapport avec les besoins et les intérêts, que les agents préposés à cette application soient capables, actifs et d'une moralité éprouvée. Toute la réforme administrative est subordonnée à ces trois points essentiels. Elle doit avoir pour but et pour résultat :

1o D'organiser, de classer et de coordonner les fonctions de manière à satisfaire aux exigences des services auxquels elles correspondent;

2o D'introduire au sein de l'administration l'élément du progrès et l'unité nécessaire à son action prompte et régulière;

3o De simplifier ses rouages de manière à faciliter sa marche et à établir l'ordre et l'économie la plus sévère dans toutes ses branches;

4o De séparer, autant que faire se peut, l'élément administratif de l'élément politique, afin de soustraire le premier à l'instabilité du second;

5o De supprimer les sinécures, les cumuls onéreux, et de réduire le nombre des fonctionnaires et des employés, tout en améliorant leur sort;

6o D'environner leur nomination et leur avancement de toutes les garanties d'aptitude, de zèle et de moralité;

70 D'élever l'administration à la hauteur de sa mission, en assurant et en favorisant l'instruction de ses agents;

80 D'entourer ceux-ci d'une légitime considération, de consacrer leurs droits comme leurs devoirs, et de les mettre à l'abri de l'arbitraire en garantissant leur indépendance de citoyen;

9o D'assurer enfin leur avenir, ainsi que celui deleur famille, en échange de leurs services.

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Partant de ces prémisses, la réforme administrative embrasse le personnel, l'enseignement, — le classement des attributions et l'organisation intérieure des divers départements, la constitution d'un comité central destiné à éclairer l'administration, à préserver son unité, à préparer, à reviser, à codifier les dispositions qui doivent la régir, et à étudier et à rédiger les projets destinés à être présentés à la législature.

A. En ce qui concerne le personnel, il y a lieu de déterminer :

1o Les conditions d'admission aux emplois;

2o Le mode de nomination;

3o Les conditions d'avancement;

4o Les traitements;

5o Les cas de suspension et de révocation;

6o Les conditions pour la retraite et la mise à la pension.

En Belgique, tous ces points essentiels, sauf les pensions qui font l'objet d'une loi, sont réglés tant bien que mal par des dispositions particulières qui régissent chaque département ministériel, ou même chaque administration spéciale, et qui le plus souvent diffèrent entre

elles de la manière la plus étrange. A ce défaut d'uniformité, à ce décousu, à cette sorte d'anarchie, il convient de substituer l'autorité de la loi qui poserait les principes généraux devant servir de base aux règlements particuliers. Je crois pouvoir me dispenser d'entrer dans tous les détails que devrait embrasser cette loi; il suffit, pour remplir l'objet que je me propose, d'énumérer les règles principales qu'à mon avis elle devrait consacrer.

4o La première condition d'admission aux emplois doit être la capacité. Cette capacité peut, selon les fonctions, être constatée par le diplôme, par l'examen, ou à la suite d'un stage plus ou moins prolongé.

2o La nomination des fonctionnaires et des employés appartient, suivant la nature et l'importance des fonctions, soit aux chefs des départements ministériels sur la proposition des jurys dont il sera fait mention ciaprès, soit au chef de l'État sur la proposition du

ministre.

3o L'avancement doit dépendre en tous cas de titres positifs; il peut, selon les fonctions, être subordonné à l'ancienneté, à la capacité, au zèle et aux services rendus.

4o Les traitements doivent être fixés en raison du grade, de la classe et de la résidence de chaque fonctionnaire ou employé. Il importe qu'ils soient calculés de manière à suffire aux besoins et à assurer l'indépendance des titulaires.

Il y a lieu d'établir une échelle graduée d'appointe

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