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signation sera en espèces. Après un délai de six mois, écoulés depuis l'époque fixée pour la prise de possession, les intérêts courent de plein droit au profit des anciens propriétaires.

Si les travaux projetés ne sont pas exécutés, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit peuvent demander la remise des terrains en cas de revente des immeubles, la loi établit le privilége du rachat en faveur des anciens propriétaires ; ils doivent faire connaître leur intention de racheter dans le délai de trois mois, à partir de la publication des terrains à revendre [60]; cette rétrocession obligée a ses formes particulières, réglées par l'ordonnance du 22 mars 1835 (1). Mais les propriétaires qui ont contraint l'administration à acquérir la totalité de leurs maisons ou terrains, dans les cas prévus par la loi [50-62], ne sont point admis à se prévaloir du privilége de rétrocession.

Les contrats et jugements, en matière d'expropriation, sont visés pour timbre et enregistrés gratis; les contrats de rachat ne sont pas exempts des droits de mutation; il ne s'agit plus en effet d'une mutation pour cause d'utilité publique.

(1) Le contrat de rétrocession est passé devant le préfet ou sous-préfet, à ce délégué, en présence et avec le concours d'un préposé des domaines et d'un agent du ministère, pour le compte duquel l'acquisition des terrains avait été faite. Le prix de la rétrocession est versé dans les caisses du domaine. Si les anciens propriétaires ont encouru la déchéance de leur privilége de rachat, les terrains sont aliénés dans la forme tracée pour l'aliénation des biens de l'Etat, à la diligence de l'administration des domaines.

SECTION III.

DE LA PRISE DE POSSESSION EN CAS D'urgence.

Le principe de la loi de 1841 est que la possession ne peut avoir lieu qu'après le payement de l'indemnité ou la consignation qui équivaut à payement; c'est le principe à l'aide duquel la loi avait mis en action l'article 9 de la charte sur l'indemnité préalable. La loi de 1841 contient des dispositions exceptionnelles sur la prise de possession en cas d'urgence: elles sont une innovation par rapport au mode ordinaire de fixer l'indemnité; mais elles ne constituent pas une dérogation au principe de l'indemnité préalable, dérogation qui serait inconstitutionnelle. Dans le système nouveau sur la dépossession en cas d'urgence, le principe fondamental est toujours que l'indemnité doit être préalable à la prise de possession (1). — Voyons maintenant comment est organisé le mode d'exception.

Pour qu'il y ait lieu à l'application des dispositions exceptionnelles, trois conditions sont nécessaires. Il faut, 1° qu'il y ait urgence; 2° que l'urgence soit spécialement déclarée par un décret ; 3° qu'il s'agisse de terrains non bâtis [65].

(1) Un projet de loi avait été présenté, en 1840, à la chambre des pairs par M. DUFAURE, alors ministre des travaux publics, pour faire autoriser l'envoi en possession provisoire, à la charge de consignation, et vaincre ainsi les résistances fondées sur des calculs d'intérêt. La chambre des pairs avait rejeté l'envoi en possession provisoire; et le projet n'était plus qu'une abréviation de certains délais avec dispense des formes de la purge hypothécaire, quand la valeur du terrain ne dépassait pas 500 fr. (Moniteur, 21 mai 1840). C'est ce projet qui a été refondu dans le titre VII de la loi du 3 mai 1841.

Le décret, qui déclarera l'urgence, ne sera rendu qu'après le jugement d'expropriation. Il sera notifié avec ce jugement, dans les formes déjà expliquées aux propriétaires et détenteurs [15]. La notification contiendra assignation devant le tribunal civil; l'assignation énoncera la somme offerte par l'administration et donnera un délai de trois jours au moins pour la comparution. Au jour fixé, le propriétaire et les détenteurs seront tenus de déclarer la somme dont ils demandent la consignation avant l'envoi en possession. A défaut de comparution, il sera procédé en leur absence.

Le tribunal peut rendre un jugement préparatoire qui ordonnera son transport sur les lieux ou qui commettra un juge pour visiter les terrains, recueillir tous les renseignements propres à en indiquer la valeur et en dresser procès-verbal. Cette opération doit être terminée dans les cinq jours du jugement préparatoire ; et le tribunal, dans les trois jours de la remise du procès-verbal au greffe, déterminera la somme à consigner.

Si les juges ne croient pas nécessaire d'ordonner un préparatoire, ils peuvent fixer immédiatement le montant de la somme à consigner [68]. La consignation doit comprendre, outre le principal, la somme nécessaire pour assurer pendant deux ans le payement des intérêts à 5 pour 100.

La consignation faite et le procès-verbal rapporté, une nouvelle assignation à deux jours de délai, au moins, est donnée devant le président, et sur le vu, tant du procès-verbal que de l'exploit, le président ordonne la prise de possession. Le jugement du tribunal et l'ordonnance du président sont exécutoires sur minute et ne peuvent

être attaqués par opposition ni par appel. Les dépens, taxés par le président, sont supportés par l'administration et non réservés.

La loi, article 71, se tait sur le recours en cassation; mais le recours est possible, puisqu'il n'est pas formellement exclu. - Dans le silence de la loi sur les délais et les formes du recours, on doit suivre par analogie les formes relatives au recours en cassation contre le jugement d'expropriation [art. 10] et appliquer les mêmes causes de cassation : l'incompétence, l'excès de pouvoir, les vices de forme du jugement et de l'ordonnance.

Ce recours, qui est de droit, mais non formellement établi par la loi, ne serait pas suspensif: sous ce rapport, on suivrait la règle ordinaire aux pourvois en matière civile. L'effet suspensif ne peut résulter que d'une disposition spéciale.

La prise de possession est définitive, mais la fixation de l'indemnité est provisoire. Sur la poursuite de la partie la plus diligente, il est procédé à la fixation définitive devant le jury et suivant les formes ordinaires. Le supplément d'indemnité qui pourra résulter de cette nouvelle détermination devra être promptement consigné : la décision du jury sera notifiée par les intéressés à l'administration ou à ses concessionnaires; et le supplément sera consigné dans la quinzaine de cette notification : — à défaut de consignation supplémentaire dans le délai, le propriétaire peut s'opposer à la continuation des travaux.

RÉSUMÉ.

Telle est l'économie de la loi du 3 mai 1841. Notre

analyse embrasse,

Dans la première section, tout ce qui regarde :

1° La cause de l'expropriation;

2o Les objets qui s'y trouvent soumis;

3o La déclaration d'utilité publique et les formes de l'autorisation des entreprises;

4° Les mesures d'administration relatives à l'expropriation et l'arrêté du préfet qui désigne les terrains qui doivent être cédés ;

5° Les cessions à l'amiable;

6o Le jugement d'expropriation et le recours dont il est susceptible;

7° Ses effets à l'égard des propriétaires et des tiers intéressés

;

Dans la seconde section:

1o La déclaration par le propriétaire des intéressés aux questions d'indemnité;

2° Les offres administratives de l'indemnité et le règlement à l'amiable;

3o La composition du jury, ses modes de convocation et d'opération;

4° La décision du jury, sa forme exécutoire et le recours ouvert en cassation;

5° La prise de possession par l'Etat ;

6° La possibilité de la rétrocession :

Dans la troisième section, nous déterminons les règles exceptionnelles de la prise de possession en cas d'ur

gence.

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