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réglés par le code civil, les usagers dans les bois et forêts, dont les droits sont réglés par des lois spéciales selon le vœu de l'article 646 du code, les propriétaires d'immeubles qui ont des servitudes actives sur le terrain exproprié; et par analogie, en matière de domaine congéable, les détenteurs, colons ou domaniers de la tenue convenancière : tous ces ayants droit suivent la condition de la propriété quant à l'existence des charges réelles, mais ils ont un titre à une indemnité qui leur est propre et qui se distingue de celle des propriétaires du fonds;

3o Ceux qui par suite d'un contrat ont un droit personnel à la jouissance de la chose ou à la perception des fruits, les locataires, fermiers, colons partiaires : par l'effet du jugement, ils subissent la résolution du contrat ou la réduction de leur jouissance; ils ont droit à une indemnité personnelle et distincte de celle du propriétaire;

4° Ceux qui prétendent au droit d'exercer des actions en résolution de vente ou des actions en revendication ou autres actions réelles; ils ne peuvent empêcher l'effet du jugement d'expropriation [18]. L'immeuble est affranchi de leur droit; ce droit est transporté sur le prix, et l'indemnité ici se confondra nécessairement avec celle qui représente la propriété ;

5o Les créanciers qui ont des priviléges immobiliers ou des hypothèques conventionnelles, judiciaires, légales sur les immeubles expropriés : ils subissent les effets du jugement d'une manière différente, selon que le jugement a été ou n'a pas été transcrit immédiatement après sa publication et notification.

I. La loi veut que le jugement soit, immédiatement

après la notification, transcrit au bureau des hypothèques de l'arrondissement, conformément à l'article 2181 du code civil; c'est là sa prescription générale pour les cas ordinaires.

Dans la quinzaine de la transcription, les créanciers privilégiés ou hypothécaires qui ont des droits antérieurs au jugement, mais non encore inscrits au bureau des hypothèques, doivent prendre inscription: l'hypothèque légale des femmes, des mineurs, des interdits n'en est point dispensée. - A défaut d'inscription dans ce délai, l'immeuble exproprié est affranchi de tous priviléges et hypothèques, de quelque nature qu'ils soient [17]. C'est là un effet uniforme et absolu. Quant aux droits sur le montant de l'indemnité, il faut distinguer :

Si après l'expiration du délai pour inscrire, l'État a payé le prix au propriétaire, il est valablement libéré; nul recours ne peut être exercé contre lui.

Si l'État n'a pas payé et que des oppositions soient faites entre ses mains par les créanciers qui auraient pu se faire inscrire et qui ne l'ont pas fait, ces créanciers viendront-ils par contribution et sans aucun droit de préférence entre eux ?-Les créanciers qui avaient des priviléges, des hypothèques conventionnelles ou judiciaires non inscrits, sont déchus de toute cause de préférence; mais les femmes, les mineurs, les interdits n'ont perdu que le droit de suite et pourront réclamer encore l'effet de leur hypothèque sur le montant de l'indemnité due par l'État.

Enfin, si un ordre est ouvert pour la distribution du prix par suite d'inscriptions antérieures au jugement,

les créanciers privilégiés et hypothécaires, qui n'auront pas conservé leur droit sur l'immeuble par l'inscription, ne pourront figurer dans l'ordre, sauf encore les femmes, mineurs et interdits, lesquels seront admis au rang de leur hypothèque légale, tant que l'ordre n'aura pas été réglé définitivement entre les créanciers [17].

Les créanciers n'auront, dans aucun cas, la faculté de surenchérir, car la surenchère enlève l'immeuble à l'adjudicataire, et ici l'adjudicataire, c'est l'Etat qui acquiert au nom de l'intérêt public.

II. Malgré le vœu ordinaire de la loi, le jugement d'expropriation peut n'avoir pas été transcrit immédiatement après sa notification. Le défaut d'accomplissement des formalités de la purge des hypothèques n'empêche pas l'expropriation d'avoir son cours. Mais quant aux créanciers, il faut remarquer plusieurs cas possibles :

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Tant que le jugement n'aura pas été transcrit et que les choses sont entières, l'inscription pourra être prise pour la conservation des droits hypothécaires antérieurs à l'expropriation. Si au lieu d'être transcrit immédiatement, il l'est plus tard, le délai de quinzaine pour l'inscription courra du jour de la transcription tardive; eufin, si la procédure arrive au règlement de l'indemnité devant le jury, sans transcription aucune du jugement, les créanciers qui ne seraient pas encore inscrits pourraient intervenir devant le jury pendant l'instance en règlement pour la conservation de leurs droits le jury ne peut s'arrêter à la réclamation, il en renvoie le jugement devant qui de droit; mais le ma

gistrat directeur du jury ordonne la consignation de l'indemnité, jusqu'à ce que le litige soit vidé (arg. des art. 19 et 49).

Les règles applicables à la purge des hypothèques après le jugement d'expropriation, doivent être appliquées, dans le cas de conventions à l'amiable passées entre l'administration et les propriétaires. Les contrats de vente, qui pourront être reçus dans la forme des actes administratifs, seront publiés, affichés, et insérés par extraits dans un journal, comme le jugement même d'expropriation [15]; ils seront ensuite transcrits au bureau des hypothèques, conformément à l'art. 2181 du code; et toutes les règles posées ci-dessus sur les droits des créanciers privilégiés et hypothécaires seront observées par suite de cette transcription.

La loi a fait une exception à l'égard des acquisitions dont la valeur ne s'élèverait pas au-dessus de 500 fr. L'administration peut payer le prix de ces acquisitions, sans accomplir les formalités de la transcription et de la purge des hypothèques : la loi ajoute cependant, sauf les droits des tiers [19].

Or comment les droits des tiers seront-ils conservés? On peut prévoir deux cas : 1° s'il y avait inscription sur les biens cédés à l'État, le payement ne pourrait être fait au propriétaire qu'à la charge par lui de rapporter mainlevée de l'inscription; 2° si les créanciers n'ont pas d'inscription, ils peuvent intervenir lors de la cession faite à l'État, et s'opposer à tout payement qui serait effectué à leur préjudice; 3° les créanciers qui ne seraient pas intervenus au moment de la cession, pourraient faire postérieurement une saisie-opposition entre les maiņs

de l'administration. Par ces diverses combinaisons on arrive à ce résultat, que l'administration, dispensée de purger les hypothèques pour les acquisitions de peu d'importance, ne peut nuire cependant aux créanciers qui se font connaître par les moyens du droit commun. La loi ne parle que des acquisitions dont la valeur ne s'élève pas au-dessus de 500 fr., et non des expropriations pour les mêmes valeurs. Mais elle dit d'une manière générale, « que le défaut d'accomplissement des « formalités de la purge des hypothèques n'empêche << pas l'expropriation d'avoir son cours, sauf pour les << parties intéressées à faire valoir leurs droits ultérieu« rement [19]; » d'où il suit que l'administration peut se dispenser de la transcription et de la purge des hypothèques, même pour les expropriations supérieures à 500 fr., sauf les droits des créanciers qui se seront fait légalement connaître.

Le jugement suppose l'indemnité comme condition résolutoire de l'expropriation et comme condition préalable de la dépossession de l'ancien propriétaire; mais le jugement ne peut statuer sur l'indemnité ; seulement il commet le magistrat directeur du jury devant lequel sera poursuivi le règlement de l'indemnité.

SECTION II.

INTERVENTION DU JURY; RÈGLEMENT ET PAYEMENT DE L'INDEMNITE.

La loi de 1807 déférait au conseil de préfecture le droit de régler l'indemnité; la loi de 1810 le donnait

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