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locale, et qui, même parmi les objets de consommation, doit épargner absolument les objets de première nécessité, comme les grains et les sels. Aucun tarif, en France, ne porte sur ces deux espèces de produits.

L'octroi ne peut tendre à isoler la commune par ses prohibitions, car alors il renouvellerait en partie l'ancien abus des douanes intérieures; il ne doit nullement entraver la circulation des produits de toute espèce que le commerce veut transporter d'un lieu dans un autre ; de là les facultés de passe-debout, de transit, d'entrepôt réel et fictif, qui protégent le commerce contre les droits d'octroi, comme elles le garantissent du paiement des droits d'entrée au profit de l'État.

RAPPORTS DES OCTROIS AVEC L'ÉTAT. PRÉLÈVEMENT SUPPRIME. Depuis le xvi° siècle, le Trésor a toujours prétendu à un droit de prélèvement sur les octrois. Le prélèvement du dixième, sur le produit net, a été exigé par la loi du 24 avril 1806, pour tenir lieu de la retenue qui se faisait sur les octrois pour le pain de soupe des troupes [75]. Adopté en 1814, il a été confirmé encore par la loi du 28 avril 1816, pour toute la durée de cette loi : il a existé, par cette disposition [153], jusqu'au décret du 17 mars 1852, qui a supprimé le droit de 10 p. 100 attribué au trésor public. Ce prélèvement n'avait eu, dans la législation, qu'un caractère provisoire, mais ce provisoire a duré 46 ans; il constituait un impôt préjudiciable aux villes, qui sont souvent obligées de recourir à des emprunts; un impôt qui manquait à la condition fondamentale de notre système de contribution, l'égalité; car chaque ville payait à raison du

chiffre de sa recette, sans aucun égard aux proportions inégales qui pouvaient exister entre les charges et les ressources (1).

Les frais du casernement des troupes, autres que la gendarmerie, sont à la charge de l'État (2); mais comme les taxes d'octroi augmentent les dépenses nécessaires pour la consommation des troupes, il est juste que les villes indemnisent l'État de ce surcroît de charges: de là est venue la règle administrative que les communes doivent contribuer aux dépenses du casernement. La loi des finances du 15 mai 1818, pour éviter toute difficulté entre les villes et l'État sur le mode de contribution, a statué qu'il pourrait être fait, sur les centimes ordinaires et extraordinaires des communes, un prélèvement qui ne pourrait s'élever, par chaque année, audessus de 7 fr. par homme et de 3 fr. par cheval. De plus, l'ordonnance du 5 août 1818 a établi que, dans les villes qui perçoivent des octrois, les fonds nécessaires au paiement de l'indemnité seront compris, chaque année, au budget des communes, et qu'ils seront perçus d'après le mode suivi pour le prélèvement du dixième de l'octroi. Les conseils municipaux peuvent demander l'autorisation de convertir en abonnement fixe, et d'une

(1) Décret ayant force de loi, du 17 mars 1852, art. 25.-Le droit de dia pour cent a été supprimé à partir du 1er mai 1852, relativement aux octrois affermés ; la réduction n'est applicable que lors de l'expiration ou de la résiliation des baux existants.

(2) Les frais du casernement de la gendarmerie sont à la charge des départements (Décret du 11 juin 1810).-En aucun cas, ces dépenses ne peuvent être supportées par les communes.

fraction constante de l'octroi, le produit moyen de l'indemnité établie par la loi (1).

Nous avons déjà fait observer que, dans certains cas, les droits d'octroi pouvaient, en partie ou en totalité, tenir lieu, envers le Trésor, de l'impôt personnel et mobilier des habitants d'une ville. Le système de conversion facultative de l'impôt direct en impôt indirect est reconnu par la loi du 21 avril 1832 (art. 20); mais comme il tend à dénaturer l'impôt mobilier, dont l'assiette repose sur une présomption apparente de revenus, il ne peut être appliqué qu'en vertu d'un décret du : reste, l'autorisation de prélever, sur les produits de l'octroi, une certaine somme destinée à acquitter une partie du contingent personnel et mobilier, peut être demandée par les conseils municipaux, pour affranchir de toute cotisation les habitants dont les loyers sont au-dessous d'un certain taux ; et alors elle a pour objet une mesure de charité publique, que l'Etat s'empresse de sanctionner par un décret (2).

En résumé, l'octroi est un impôt indirect, mais il embrasse bien plus d'objets divers que les contributions indirectes proprement dites : et il est fidèle, dans les tarifs, à la loi fondamentale qui défend d'atteindre les objets de première nécessité et de dépasser, pour les boissons, le taux des droits d'entrée.

(1) Ordonnance du 5 août 1818, art. 101. Traité de l'organisation et des attributions des corps municipaux, par M. BOST, t. 11, p. 228.

(2) Voir deux décrets du 26 août 1853, qui autorisent les villes de Versailles et de Bordeaux à faire ces sortes de prélèvements (Moniteur du 29) ; et mêmes décrets du 22 octobre pour Lyon, Marseille, Cherbourg. (Moniteur du 24).

Dans l'état actuel de notre législation, deux dispositions sollicitent encore une réforme législative :

1° Celle qui permet l'établissement des octrois d'office, par simple décret et malgré le vœu contraire des conseils municipaux ;

2° Celle qui permet la gestion par bail à ferme et régie intéressée (1);

3° Celle qui autorise la conversion totale de l'impôt mobilier en impôt de consommation locale.

SECTION III.

DROITS DE DOUANES.

Les droits de douane sont ceux qui frappent les marchandises étrangères à l'importation en France, et les marchandises nationales à l'exportation.

Les questions de douanes touchent profondément aux bases de l'économie sociale et de la richesse publique. Elles ont donné lieu à la législation réglementaire la plus surchargée de détails : plus de vingt volumes en forment la collection..... Nous ne pouvons ici embrasser une analyse qui réclamerait seule un volume (2).

Deux points de vue généraux renferment tout ce qui

(1) Dans la 3e édition, nous indiquions le droit de dixième comme devant être aboli; or, l'abolition en a été prononcée, comme on l'a vu, par le décret du 17 mars 1852.

(2) Il a été publié, en 1836, un Résumé analytique des lois et règlements des douanes, par M. FASQUEL, 1 vol. in-4o, et, en 1848, un ouvrage intitulé Code des douanes et règlement sur les douanes en vigueur au 1er janvier 1848, par M. BOURGAT, 2 vol. — On trouve dans ce dernier ouvrage l'analyse des Traités de commerce qui sont à consulter pour l'application des droits de douane.

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se rattache essentiellement à notre plan; nous devons considérer les douanes :

1o Dans leur rapport avec le principe d'économie sociale que s'est proposé le législateur;

2o Dans leur rapport avec le régime administratif et l'application des droits.

§ 1or.

DOUANES DANS LEURS RAPPORTS AVEC LES VUES
D'ÉCONOMIE SOCIALE.

Le premier législateur français, en matière de douanes, c'est Henri III. Avant lui existaient les traites à l'intérieur (les douanes entre provinces); de plus, certaines marchandises d'une rare consommation, comme les draps d'or et d'argent, subissaient un droit d'importation; mais c'est par son édit de 1581 qu'une taxe fut établie à l'importation sur toutes les marchandises. C'était une ressource purement financière : il n'y entrait aucune vue de protection pour l'industrie de la France, aucune appréciation des produits respectifs de la France et des autres contrées.

Le second législateur, c'est Colbert: il fut vraiment le créateur d'un système, qui reposait sur une idée grande et féconde; il voulut protéger les développements de l'industrie nationale par des entraves mises à la concurrence de l'industrie étrangère; il créa un système de protection et non un système prohibitif et absolu. La déclaration du 18 août 1667 ordonna la perception de certains droits à toutes les entrées du royaume, et une perception uniforme, à la sortie seulement de quelques matières premières. L'ordonnance du 1" février 1687, rendue après Colbert, mais conformé

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