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c'est lui qui a le pouvoir d'écarter les obstacles qui seraient opposés à la navigation (1). Il pourrait donc ordonner directement la destruction des ouvrages et constructions illégalement établis dans la rivière ou sur ses bords, et qui nuiraient à la navigation ou à la sûreté des personnes.

Des usines peuvent être établies sur certaines parties des rivières navigables, avec l'autorisation du chef de l'État. Mais le décret ne fonde pas un titre irréfragable en faveur du concessionnaire ou de ses représentants; il peut être révoqué par un décret postérieur, après une enquête de commodo et incommodo, à la charge d'une indemnité on peut former opposition devant le conseil d'Etat, par la voie contentieuse, contre l'acte de révocation. Si une modification soit à un barrage, soit à une usine régulièrement établie a été faite sans autorisation, le préfet peut ordonner la destruction immédiate de l'objet accessoire, sauf le recours au ministre (2). Les propriétaires riverains ne peuvent profiter, pour l'agriculture, du voisinage des eaux; l'ordonnance de 1669 [44] leur fait défense de pratiquer des saignées d'irrigation; la loi du 28 septembre 1791, qui l'avait permis, est abrogée; l'intérêt public de la navigation

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(1) Un arrêté du Directoire, 19 ventôse an IV, « prescrit aux administra«teurs de faire la visite des rivières navigables et flottables, d'ordonner la « destruction des usines, moulins, chaussées non fondées en titre, et de dres« ser état de celles dangereuses pour la navigation. >> Mais nous pensons que cet arrêté n'avait en vue que l'état des choses existant et les usurpations nombreuses commises avant l'an VI; le droit exorbitant conféré au préfet ne peut, d'après la loi du 29 floréal an X, appartenir qu'au conseil de préfecture.

(2) Arrêt du conseil d'État, 29 août 1821.

RIVIÈRES NON NAVIG. 111 fluviale l'emporte sur l'intérêt collectif de l'industrie et de l'agriculture.

Les anticipations, les dépôts, et toute espèce de détériorations commises sur les canaux, fleuves et rivières navigables, chemins de halage, francs-bords, fossés et ouvrages d'art, sont constatés, poursuivis et réprimés par voie administrative (1).

SECTION II.

RIVIÈRES NON NAVIGABLES NI FLOTTABLES.

Nous donnerons ici une définition dont tous les éléments ont été prouvés d'avance par la dissertation préliminaire qui ouvre le chapitre sur le régime des eaux, et nous dirons :

Les rivières non navigables ni flottables sont une chose d'utilité générale, dont la propriété n'est à personne, et dont l'usage est commun à tous les riverains sous la tutelle administrative de l'Etat.

Le droit de l'administration, à leur égard, est surtout fondé sur l'intérêt collectif de l'agriculture et de l'industrie. Ici la voie de transport est une chose secondaire; elle ne devient prédominante que lorsque l'Etat, usant de son pouvoir, a déclaré la navigabilité du cours d'eau cet objet étant écarté, c'est principalement le droit de tutelle administrative qui est exercé par l'Etat sur les rivières non navigables, et qui a des effets en certains cas, par rapport au lit naturel du cours d'eau.

(1) Loi du 29 floréal an X.

Du droit de tutelle administrative naissent trois prérogatives en faveur du pouvoir exécutif: 1° le droit de règlement pour l'usage des cours d'eau; 2° la faculté d'ordonner le curage par mesure générale; 3° le droit d'autorisation et de concession pour l'établissement des usines.

Le principe général qui fonde ces prérogatives est dans les lois du 22 décembre 1789 [sect. 3, art. 2], et du 20 août 1790 [chap. 6], qui portent : « Les administra«<tions de département seront chargées, sous l'autorité << et l'inspection du Roi, comme chef suprême de l'ad<< ministration générale........ de la conservation des forêts, « rivières, chemins et autres choses communes (1), et << de diriger autant que possible, toutes les eaux du << territoire vers un but d'utilité générale (2). »

1o Le droit de règlement appartient au chef du pouvoir exécutif; mais les préfets, sous l'approbation du ministre, peuvent faire des règlements provisoires sur l'usage général des eaux, dans l'intérêt de l'agriculture et du roulement des usines. Le règlement émané de l'autorité compétente est obligatoire pour tous, malgré les titres particuliers qui seraient invoqués. Il n'est point attaquable par la voie contentieuse.

2o Le droit d'ordonner ou de faire pratiquer le curage d'une rivière, pour mettre fin aux inondations ou faciliter l'écoulement des eaux dans l'intérêt collectif d'une contrée, appartient au préfet; et comme les pro

(1) Décret du 22 décembre 1789, sect. III. art. 2. (2) Décret du 20 août 1790, chap. 6. in fine.

priétaires riverains profitent du curage, le préfet a aussi le droit d'imposer la dépense sur eux, proportionnellement aux avantages qu'ils en retirent: le conseil de préfecture juge les réclamations contre la taxe administrative (1).

Dans le droit d'autorisation ou de concession se trouve compris tout ce qui concerne les établissements d'usines et les usines établies avec leurs diverses prises d'eau.

Les usines ne peuvent être établies sans l'autorisation du gouvernement par ordonnance ou décret délibéré en conseil d'Etat. La demande en permission est adressée au préfet; il est fait enquête de commodo et incommodo. La demande reste pendant quatre mois publiée par la voie de l'affiche; il peut y être formé opposition (2). Lorsqu'il s'agit d'usines sur cours d'eau, les ingénieurs sont chargés d'indiquer les mesures propres à prévenir tout désordre.

La concession est aux risques et périls de l'impétrant; elle donne un droit à la force motrice de l'eau. L'administration en règle l'usage; elle ne peut plus l'enlever : un changement cependant pourrait avoir lieu, si des résultats graves et imprévus se manifestaient à la suite de l'autorisation. Un établissement nouveau peut blesser différents intérêts: il est indispensable de savoir quels intérêts peuvent servir de fondement réel, soit à une opposition administrative, soit à une action en justice. Il n'existe aucune base d'opposition ou d'action,

(1) Décret du 6 octobre 1791, art. 16. Loi du 14 floréal an XI. (2) Règlement du 27 juillet 1806, art. 29.

si l'établissement nouveau doit causer seulement aux tiers une diminution de profits ou de gain; ainsi le droit d'irrigation des riverains pourra être diminué dans ses effets, les produits de la pêche pourront être moins abondants, l'exploitation des usines moins avantageuse. L'administration est dispensatrice des gains qui peuvent résulter et de la direction qu'elle donne à une dépendance même imparfaite du domaine public, comme les rivières non navigables, et de ses vues relatives à des intérêts collectifs de commerce, d'industrie ou d'agriculture.

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Mais une lésion matérielle ou une perte réelle dans la propriété foncière est une cause d'action : par exemple, le gonflement et le reflux des eaux par suite d'établissement d'écluses; c'est là le cas d'appliquer la règle du droit romain, Beneficium principis nemini debet esse damnosum, et le décret du 6 octobre 1791 : « Les propriétaires ou fermiers des moulins et usines construits «< ou à construire, seront garants de tous les dommages <«< que les eaux pourront causer aux chemins ou proprié<«<tés voisines par la trop grande élévation du déversoir <«< ou autrement. Il seront forcés de te nir ces eaux à « une hauteur qui ne nuise à personne, et qui sera fixée « par le directoire du département (aujourd'hui le pré« fet) (1). » Les droits de propriété et de servitude des riverains ou des propriétaires supérieurs et inférieurs doivent rester intacts; et si la concession nouvelle les blesse, ils ont la voie des tribunaux pour réclamer.

Mais quel sera le but proposé au droit d'action judi

(1) Décret du 28 septembre-6 octobre 1791, tit. 3, art. 16.

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