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nestes effets de l'ignorance et de l'incapacité, comme toutes les grandes monarchies en sont la preuve. Il est donc impossible de substituer la monarchie à la démocratie pure, la somme des inconvénens étant égale pour toutes les deux.

Les inconvéniens sont encore plus considé rables quand la monarchie est héréditaire. De toutes les formes de gouvernement, c'est elle qui repousse le plus les lumières. Jamais l'ame fière du républicain n'eût consenti à se laisser gouverner par des enfans, des imbéciles, par cette bigarrure successive de personnages gnifians, qu'entraîne avec soi une filiation purement animale à la honte et à la perte de la raison et de l'espèce humaine.

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Quant à la forme aristocratique, elle a les mêmes vices et les mêmes défauts que la monarchie, excepté que la chance des talens y est moins bornée, en ce que le nombre des agens est plus considérable; mais elle n'offre pas plus de garantie pour la justesse de leur application (1).

(1) V. le caractère de l'aristocratie dans mon premier des droits de l'homme, page 70 de ouvrage l'original anglois.

Il ne faut donc chercher que dans la démocratie les véritables données qui peuvent pure servir de base à un gouvernement étendu. Elle n'est point susceptible d'extension; sa forme ne sauroit s'y prêter, au lieu que la monarchie et l'aristocratie ne s'y refusent que par impuissance; ainsi en conservant la démocratie comme base, et rejettant les formes corrompues de la monarchie et de l'aristocratie, nous découvrons naturellement le systême représentatif, qui remédie tout-à-la-fois, aux vices de la forme démocratique, et à l'insuffisance des lumières, caractère inhérent aux deux

autres.

La démocratie pure étoit une société qui se gouvernoit elle-même sans avoir recours à des moyens secondaires. Greffez le systême représentatif sur la démocratie; vous aurez un systême de gouvernement capable d'embrasser et de lier ensemble tous les intérêts d'un peuple nombreux, toutes les parties d'un vaste territoire, et avec une foule d'avantages aussi supérieur au gouvernement héréditaire, que la république des lettres l'est à une caste héréditaire de littérateurs.

Les Américains ont formé leur gouverne

ment sur la représentation basée sur la démo cratie. Ils ont tracé le mode sur une échelle

qui, dans toutes les hypothèses, se prête à l'extension du principe. Ce qu'Athènes étoit en miniature, l'Amérique l'est en grand. L'une étoit la merveille de l'ancien monde; l'autre est devenue l'admiration et l'exemple du monde moderne. La forme de son gouvernement est la plus facile à comprendre, la plus avantageuse dans la pratique, elle exclud en même tems l'ignorance et l'incertitude du mode héréditaire, et les inconvéniens de la démocratie pure.

Il est impossible de concevoir un systême. de gouvernement capable d'embrasser un territoire aussi vaste, et des intérêts aussi variés, et d'une manière aussi immédiate que le mode représentatif. La France, malgré sa population et sa grandeur, n'est qu'un point relativement à l'extension de ce systême. Il s'accommode à toutes les possibilités. Il est préférable à la démocratie pure, même dans un petit territoire. Athènes l'auroit substitué avec avantage à sa démocratie.

Ce qu'on appelle gouvernement, ou plutôt, le gouvernement tel qu'il faut le concevoir, n'est autre chose qu'un centre commun, où

s'unissent toutes les parties de la société. Or, on ne sauroit obtenir ce centre d'union par une méthode plus favorable aux intérêts divers de la communauté, et qui les favorise mieux que le mode représentatif. Il rassemble les connoissances nécessaires à l'avantage du tout et des parties. Il fixe le gouvernement dans un état de maturité constante. Il n'est jamais ni jeune, ni vieux, comme je l'ai déjà observé. Il n'est sujet ni aux minorités, ni aux décrépitudes. Il n'est jamais au berceau, ni supporté par des béquilles. Il n'admet pas de distinction entre les lumières et la puissance, il est enfin à l'abri, autant qu'un gouvernement peut l'être, de de tous les accidens qui peuvent subvenir aux individus; et par conséquent il est supérieur à ce que l'on nomme monarchie.

Une nation n'est point un corps, que l'on puisse représenter sous l'emblême du corps humain; elle est plutôt l'image d'un cercle, ayant un centre commun, auquel tous ses rayons aboutissent, et c'est la représentation qui forme ce centre. L'alliage de la représentation et de ce qu'on appelle monarchie, cons titue un gouvernement excentrique; la repré sentation est elle-même la monarchie déléguée

par la nation; elle ne peut s'abaisser par un partage avec un autre.

M. Burke, dans ses discours au parlement et dans ses ouvrages, a employé deux ou trois fois un jeu de mots, qui ne fait naître aucune idée. Il vaut mieux dit-il, avoir la monar

chie pour base, et le républicanisme pour " correctif, que la première pour correctif et , le second pour base. S'il veut faire entendre qu'il vaut mieux se servir de la sagesse pour corriger la folie, que de la folie pour corriger la sagesse, nous sommes à-peu-près du même avis; seulement je pense qu'il vaudroit beaucoup mieux rejetter entièrement la folie.

Mais qu'est-ce que M. Burke appelle monarchic? Voudra-t-il bien nous l'expliquer? Tout homme est capable d'entendre ce que c'est que la représentation, et de concevoir qu'elle renferme nécessairement une grande variété de connoissances et de talens. Mais, qui nous garantira les mêmes avantages du côté de la monarchie? Ou bien, lorsque cette monarchie est le partage d'un enfant, où se trouve la sagesse? La monarchie alors a-t-elle la moindre notion du gouvernement? Où est alors le monarque, où est alors la monar

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