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anciennes démocraties. La totalité du peuple s'y assembloit, et y faisoit les loix à la première personne, pour nous servir d'une expression grammaticale. ) La démocratie pure n'est autre chose que le forum, des anciens gouvernemens, aussi-bien que son principe public. A mesure que ces démocraties devinrent plus populeuses, et que leur territoire s'aggrandit, la simple forme démocratique devint incommode et impraticable; et comme le systême de la représentation étoit inconnu il s'ensuivit que des convulsions subites les firent dégénérer en monarchies, ou qu'elles furent envahies par celles qui existoient alors. Si l'on avoit aussi-bien connu à cette époque le systême représentatif qu'on le connoît de nos jours, il y a tout lieu de croire que ces modes de gouvernement, que nous appellons monarchiques ou aristocratiques, n'auroient jamais pris naissance. Ce fut le besoin d'un systême qui put consolider l'union des diverses parties de la société, lorsqu'elle fut devenue trop nombreuse et trop vaste pour la simple forme démocratique, peut être aussi parce que des hommes amollis et isolés par la vie pastorale, furent aisément la proie

de quiconque voulut les asservir, que co mode de gouvernement put s'introduire.

Comme il est nécessaire de dissiper les erreurs dont on a chargé la théorie du gouvernement, je vais en relever quelques autres,

Une des finesses politiques des courtisans et des cours a toujours été d'injurier ce qu'ils appellent le républicanisme; mais ils ne cherchent jamais à définir ce qu'on a dit, ce qu'on doit entendre par ce mot, Examinons ce qu'il signifie,

Les seules formes de gouvernement sont, la démocratie, l'aristocratie, la monarchie, et ce qu'on appelle maintenant le gouvernement représentatif,

Ce qu'on nomme république, ce n'est point une forme particulière de gouvernement. Ce mot exprime le but, la manière ou l'objet qui nécessite l'institution du gouvernement, et ce à quoi il doit être occupé, RES PUBLICA; les affaires publiques, le bien général, ou, pour le traduire littéralement, la chose publique. C'est un mot dont l'origine est bonne, en ce qu'il rappelle la nature et les soins indispensables du gouvernement; et dans ce sens, il est intrinsèquement l'opposé dụ mot

monarchie dont l'étymologie offre une signification abjecte. Elle annonce un pouvoir arbitraire dans les mains d'un individu qui l'employe pour la chose personnelle

pour la chose publique.

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et non

Tout gouvernement qui n'agit point suivant le principe d'une république, ou, en d'autres formes, qui ne rend pas la chose publique son seul et unique objet, n'est pas un bon gouvernement. Le gouvernement républicain n'est autre qu'un gouvernement établi et exercé pour l'intérêt du tout et de chacune de ses parties. Il n'est pas nécessairement lié à tel ou tel mode; mais il se concilie naturellement avec le mode représentatif, comme le plus propre à garantir aux nations les avantages qu'elles espèrent, en échange des frais du gouvernement.

Divers gouvernemens ont affecté de se nommer républiques. La Pologne, alliage monstreux d'une aristocratie héréditaire et d'une monarchie élective, ne craint pas de s'arroger ce nom. De même la Hollande, dont le gouvernement est principalement aristocratique, est encore surchargé d'un Stathoudérat héréditaire. Mais il n'existe à présent de véritable république

dans son essence et dans son application, que
la gouvernement des Etats-Unis d'Amérique,
qui porte tout entier sur le systême représen-
tarif. Son gouvernement n'a point d'autre objet
que les affaires publiques de la nation, c'est
une Chose-Publique proprement dite
et les
américains ont eu soin qu'il en fut exclusive-
ment occupé, en établissant uniquement la
re-publique sur les bases de la représentation,
et en rejettant toute espèce d'hérédité.

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Ceux qui ont dit que le gouvernement républicain n'est point applicable aux pays d'une grande étendue, se sont trompés en ce qu'ils ont confondu l'objet du gouvernement avec sa forme; car la chose publique est de tous les pays quelle que soit leur étendue et leur population. En second lieu, ils n'ont entendu, sous le mot république, que la simple forme démocratique, telle qu'elle existoit dans les anciennes démocraties où l'on ne connoissoit pas le mode représentatif. Il n'est donc pas vrai qu'une république ne sauroit avoir beaucoup d'étendue, mais une vaste république ne sauroit admettre la simple forme de la démocratie pure; et ceci amène naturellement la question, de savoir quelle forme de gouvernement vaut le

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mieux pour diriger la CHOSE PUBLIQUE d'une nation, lorsqu'elle est devenue trop grande et trop populeuse pour admettre la forme démocratique dans sa simplicité ?

Ce ne peut être la monarchie, car la monarchie présente les mêmes objections que la démocratie pure.

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Il est possible qu'un individu conclue un assemblage de principes, d'après lesquels il établisse un gouvernement constitutionnel pour une étendue quelconque de territoire. Je ne vois là qu'une opération de l'esprit, agissant par ses propres forces. Mais l'application de ces principes aux circonstances nombreuses et variées d'une nation à son agriculture, à ses manufactures, à son commerce, etc. etc., exige des connoissances d'un autre genre qu'on ne peut recueillir que dans les diverses classes de la société. C'est un assemblage de connoissances pratiques, qu'aucun individu ne sauroit posséder ainsi, dans l'application, l'insuffisance des lumières prescrit au gouvernement monarchique, des bornes aussi étroites, qu'une grande population au gouvernement démocratique. Trop d'extension plonge celui-ci dans le désordre; et livre le premier aux fu

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