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jection de l'esprit humain dans les états monarchiques, puisque le gouvernement y est formé sur un niveau d'abjection?

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Point de

caractère fixe. Aujourd'hui un sentiment domine, le lendemain c'est un autre. Il change avec le tempéramment de chaque individu, et par le caractère de chaque successeur. Il prend tour-à-tour les divers attributs de l'enfance, de la décrépitude, de la caducité; tantôt entre les bras de sa nourrice, puis avec des lizières, on le voit aussi se traîner sur sa béquille. Il renverse l'ordre salutaire de la nature. Il donne a l'enfant, commande aux hommes; et les fantaisies de cet âge guident la maturité et l'expérience. En un mot, nous ne pouvons concevoir un mode de gouvernement plus ridicule qu'une monarchie héréditaire, sujette à toutes ces probabilités

S'il pouvoit être fait une loi par la nature, ou un décret enregistré dans le ciel et promulgué sur la terre, qui fixât invariablement la vertu et la sagesse dans les castes privilégiées qui se perpétuent sur les trônes, il n'y auroit plus d'objection contre leur hérédité. Mais nous voyons la nature agir contradictoirement à ce systême, comme voulant en faire sentir le ridi

cule; nous voyons dans tous les pays, que les facultés intellectuelles des monarques, pour

qui leur naissance fut un garant de la souveraineté, sont au-dessous des esprits les plus médiocres. Celui-ci est un tyran, celui-là un imbécile, cet autre un insensé; quelques-uns réunissent ces trois qualités. Il est donc impossible d'avoir du bon sens et de se confier à ce mode de gouvernement.

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Ce n'est point à l'abbé Sieyes que j'ai besoin d'appliquer ce raisonnement; il m'a épargné cette peine, en proposant son opinion.,, Si ,, l'on demande, dit-il, ce que je pense du " droit d'hérédité, je réponds sans balancer, qu'en bonne théorie, la transmission héré,,. ditaire d'un pouvoir ou d'un emploi quel" conque, ne peut jamais s'accorder avec les " loix d'une véritable représentation : l'héré" dité, dans ce sens, porte atteinte aux princi"pes, autant qu'elle outrage la société. Mais, ,, continue-t-il, consultons l'histoire de toutes

les monarchies et principautés électives. Y en , a-t-il une où le mode électif ne soit pire que , la succession héréditaire ?,,

Disputer lequel est le plus mauvais des deux, c'est convenir que tous deux sont mau

vais; et en cela nous sommes d'accord. La pré-
férence que donne Sieyes est une condam-
nation de la chose qu'il préfère. Une pareille
manière de raisonner sur cet objet est inadmis-
sible;
elle porte définitivement une accusa-
tion contre la nature, comme si elle n'avoit
laissé de choix à l'homme, pour son gou-
vernement, qu'entre deux maux, dont le
moins dangereux porte atteinte aux principes
et outrage la société. Laissant de côté pour l'ins-
tant, toutes les calamités que la monarchie a
causée sur la terre, rien ne prouve plus évi-
demment son inutilité, dans une forme quel-
conque de gouvernement civil, que le soin de
la rendre héréditaire. Accorderions-nous ce
droit d'hérédité pour une fonction qui de-
manderoit de la sagesse et des talens? Eh bien,
toutes fonctions, quelles qu'elles soient, où
l'on peut se passer
de talens et de sagesse, sont
superflues et insignifiantes.

La succession héréditaire est le ridicule de la monarchie. Elle la met sous le point de vue Le plus burlesque, en faisant d'elle une charge que peuvent remplir des enfans et des idiots. Il faut avoir quelques talens pour être simple ou vrier; il n'est besoin pour être roi, que d'avoir

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la forme humaine, que d'être un automate vivant. Cette espèce de superstition peut durer encore quelques années, mais elle ne resistera pas long-tems au réveil de la raison, à la connoissance plus approfondie du véritable intérêt de l'homme.

Pour M. Burke, il est le zélateur de la monarchie, non pas tout-à-fait comme pensionnaire, s'il en est un, comme je le pense ; mais en qualité d'homme d'état. Il a conçu pour le genre humain, un mépris que le genre humain se fait un devoir de lui rendre. Il le considère comme un troupeau d'êtres qu'il faut gouverner par l'astuce, les illusions et le faste; et suivant lui, une idole sur le trône y figureroit aussi bien qu'un homme. Je lui dois cependant la justice d'avouer qu'il a été fort poli envers l'Amérique. Je l'ai toujours entendu soutenir que les Américains étoient plus éclairés que les Anglois ou toute autre nation Européenne, et que par conséquent leur gouvernement pouvoit se passer d'illusions.

Quoique la comparaison faite par Sieyes, entre la monarchie héréditaire et la monarchie élective nous soient inutiles, puisque le systême représentatif les rejette l'une et l'autre, si j'avois

à faire ce parallèle, je déciderois autrement que lui.

Les guerres civiles occasionnées par des droits héréditaires en litige, sont plus nombreuses, ont été plus sanglantes, ont duré plus long-tems, que celles occasionnées par les élections. Toutes les guerres civiles dont la France a gémi, ont pris leur source dans le systême de l'hérédité; elles furent produites soit par des prétentions à l'hérédité, soit par l'imperfection de la forme héréditaire, qui admet les régences, c'est-àdire la monarchie en nourrice. A l'égard de la Grande-Bretagne, son histoire est pleine de semblables malheurs. Les querelles pour la succession entre les maisons d'York et de Lancastre, durèrent un siècle entier ; et d'autres de même ; nature, se sont renouvellées depuis cette époque. Celles de 1715 et de 1745, n'avoient pas d'autre cause. La guerre de succession pour la couronne d'Espagne divisa presque la moitié de l'Europe. Les troubles de Hollande sont venus de l'hérédité du Stathouderat.

Une fonction héréditaire, dans un gouvernement qui s'appelle libre, est une épine dans le pied; elle y cause une fermentation qui tend à s'en débarrasser.

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