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de ces hypothèses, au lieu de se borner à requérir le juge d'instruction qu'il soit informé, il délivrait lui-même un ordre d'arrestation, il se rendrait coupable d'un aftentat à la liberté.

Les juges de paix, les officiers de gendarmerie, les maires et adjoints, et les commissaires de police, considérés comme officiers de police auxiliaires du procureur de la République, ont les mêmes attributions et les mêmes pouvoirs que les procureurs de la République eux-mêmes ; ils peuvent donc, dans les deux cas de flagrant délit et de crime ou délit commis dans l'intérieur d'une maison 4, soit faire saisir les prévenus présents, soit décerner un mandat d'amener contre ceux qui sont absents 2. Toute arrestation ordonnée hors de ces hypothèses serait un crime.

533. Le droit d'ordonner une arrestation appartient encore à une classe de fonctionnaires, aux préfets des départements et au préfet de police à Paris (art. 10 du Code d'instr. crim.). On s'est élevé avec raison contre cette attribution. Le droit exorbitant de disposer de la liberté des citoyens ne doit être accordé qu'aux fonctionnaires qui réunissent à la garantie de l'inamovibilité toutes les garanties de la magistrature judiciaire. Un mandat d'amener n'est pas un simple acte conservatoire, c'est un acte de juridiction. Arrêter un citoyen préventivement, c'est, dans une foule de positions sociales, le condamner au déshonneur et à la ruine. La loi a refusé de conférer une semblable omnipotence au procureur de la République, aux officiers de police auxiliaires; elle ne doit pas être remise aux mains d'un préfet. Mais le texte de l'article 10 du Code d'instruction criminelle n'admet aucun doute, et il ne faut pas oublier d'ailleurs que ce Code date de 1808, c'est-à-dire de l'époque où le despotisme impérial était arrivé à son plus haut période. On ne doit pas s'étonner que Napoléon ait voulu investir les préfets des attributions les

1. * * V. la note précédente.

2. C. instr. crim., art. 48, 49 et 30; ord. 29 oct. 1820, art. 148. V. notre Traité de l'instruction criminelle, t. 4, n. 1941 et suiv.; Carnot, sur l'art. 49; Legraverend, t. 1", p. 302.

plus étendues ils étaient le centre et le nerf de sa vigoureuse administration 1.

Cependant, il résulte des discussions du Conseil d'Etat que l'intervention de ces fonctionnaires avait été réservée pour des cas extraordinaires; le projet du Code portait seulement ces mots : « La police judiciaire sera exercée par les préfets pour les crimes qui intéressent la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat. » M. Treilhard défendait cette disposition devant le Conseil en disant : « Le préfet n'agit que dans des occasions qui sont très rares. Son action ne contrarie pas celle de la justice, lorsque, ayant, par exemple, surpris des conjurés, il dresse procès-verbal, interroge, entend les témoins, et livre les prévenus aux tribunaux. Si on le réduit à provoquer l'action de la justice, les traces du crime seront effacées avant que la justice se soit mise en mouvement. » Napoléon n'approuva pas la restriction de l'article aux crimes politiques « Le préfet, dit-il, comme chargé de la police administrative, veille sur les malfaiteurs, évente leurs projets, fait saisir les pièces de conviction, et s'empare des coupables. Il semblerait donc utile qu'il pût aussi interroger sur-le-champ et constater les traces de tout crime quelconque. La section lui donne la police judiciaire pour les cas qui intéressent la sûreté publique, parce qu'elle sait qu'il a une correspondance, des bureaux, la disposition de la force armée, en un mot tous les moyens de la bien exercer : pourquoi l'empêcher de diriger ces mêmes moyens contre les autres crimes 2 ? »

De là la rédaction actuelle et générale de l'article 10. Mais si sa disposition peut s'étendre à tous les crimes, l'esprit qui l'anime n'a pas cessé d'être le même. C'est une faculté réservée au préfet dans les circonstances extraordinaires, lorsqu'il est urgent de saisir le coupable et les instruments du crime, lorsque le plus léger retard pourrait en effacer les traces. De ces observations, que confirme le texte de l'ar

1. ** Les Chambres sont actuellement saisies d'une proposition de loi à l'effet d'abroger l'art. 10 du Code d'instruction criminelle.

2. Procès-verbaux du Conseil d'Etat, séance du 26 août 1808.

ticle 10, il faut conclure que le préfet est incompétent pour ordonner une arrestation, lorsque la justice a déjà commencé l'instruction de l'affaire, puisque son action spontanée ne serait plus motivée; que ce fonctionnaire ne peut agir qu'au cas de flagrant délit, puisque, si le délit n'est pas flagrant, il n'y a point d'urgence; enfin, que l'action du préfet est personnelle et ne peut être déléguée 1.

Toutefois, dans cette circonstance, le préfet, s'il n'a pas la qualité d'officier auxiliaire du procureur de la République, n'agit pas non plus comme administrateur. Il fait un acte de police judiciaire; le but unique de son intervention est de livrer les auteurs d'un délit à l'autorité judiciaire. Il en estde même dans l'hypothèse prévue par l'article 509 du même Code, qui attribue aux préfets, sous-préfets, maires et adjoints, officiers de police administrative ou judiciaire, lorsqu'ils remplissent publiquement quelques actes de leur ministère, le droit de faire saisir les individus qui les troubleraient dans leurs fonctions; car ce trouble constitue un délit, et le but de l'arrestation est, non point d'infliger aux coupables une détention administrative, mais de les conduire devant les juges compétents.

534. Mais ce droit d'arrestation que l'autorité administrative exerce ainsi dans quelques cas au profit de la police judiciaire, ne peut-elle l'exercer encore dans d'autres circonstances? En d'autres termes, a-t-elle le droit de détenir certaines personnes, par mesure de police et en vertu d'un simple ordre administratif? Cette question est fort grave; car on n'ignore pas que, dans la pratique, l'administration est. entraînée par une sorte de nécessité à exercer des droits qui pourraient peut-être lui être contestés; il s'agit done, dans l'intérêt de la liberté individuelle, non-seulement de poser les limites à son pouvoir, mais de froisser peut-être quelques usages établis.

En thèse générale, l'autorité administrative n'a aucun droit

1. V. au surplus, relativement au caractère et à l'étendue du droit des préfels, notre Traité de l'instruction criminelle. t. 3, ch. 4, n. 1202 et suiv., 20 éd.

sur la liberté des citoyens ce droit n'appartient qu'à l'autorité judiciaire, suivant les limites et dans les cas fixés par la loi. Cette règle fondamentale, qui forme la garantie la plus imposante de la liberté individuelle, se trouve textuellement consacrée dans l'article 609 du Code d'instruction criminelle, qui déclare que: «nul gardien ne pourra, à peine d'être poursuivi et puni comme coupable de détention arbitraire, recevoir ni retenir aucune personne qu'en vertu soit d'un mandat de dépôt, soit d'un mandat d'arrêt décerné selon les formes prescrites par la loi, soit d'un arrêt de renvoi devant une Cour d'assises, d'un décret d'accusation ou d'un arrêt ou jugement de condamnation à une peine afflictive ou à un emprisonnement. » Donc, toute détention en vertu d'un ordre administratif serait une détention arbitraire et punissable.

Toutefois on a élevé des doutes sur ce principe; au texte de l'article 609 on a opposé un autre texte qui semblerait à la première vue y jeter quelques nuages. L'article 120 du Code pénal, qui forme la sanction de l'article 609, et qui s'éloigne cependant sous ce rapport des termes restrictifs de cet article, ne reconnaît de détention arbitraire que dans l'action du gardien qui a retenu un prisonnier sans mandat ni jugement, ou sans ordre provisoire du gouvernement. D'où il suit que la détention par ordre administratif serait autorisée et légale. Il faut expliquer ce dernier texte; cette explication se trouve dans la législation existante à l'époque de sa rédaction.

Le gouvernement était investi, par l'art. 46 de la constitution du 22 frimaire an VIII, d'un droit d'arrestation par mesure de police; s'il était informé qu'il se tramât quelques conspirations contre l'Etat, il pouvait décerner des mandats d'amener et d'arrêt qui avaient un effet légal pendant dix jours. Ce droit fut organisé par l'art. 60 du sénatus-consulte du 28 floréal an XII, qui institua la commission sénatoriale de la liberté individuelle, chargée de faire cesser ces arrestations après le dixième jour. Enfin, le décret du 3 mars 1810, sur les prisons d'Etat, étendit et régla le système des arrestations, par mesure de haute police, en en confiant l'exercice au conseil privé. On sait que, même après la charte, ce système exceptionnel fut quelque temps continué par les lois

des 29 octobre 1815 et 26 mars 1820, qui conféraient également au gouvernement le droit d'arrêter et de détenir, sans les renvoyer devant les tribunaux, les individus prévenus de certains délits politiques.

535. C'est à ce droit, constitutionnel à l'époque de sa rédaction, que se référait l'art. 120; il fallait bien, puisque le gouvernement pouvait ordonner une arrestation, que le geolier pût recevoir sans crime la personne arrêtée. Cet article se référait encore à l'art. 45 du même Code, qui permettait au gouvernement de faire arrêter et détenir les condamnés à la surveillance qui avaient rompu leur ban.

Cette double exception au droit commun s'est successivement effacée de la législation. Le droit d'arrestation par mesure de haute police, détruit par la charte, ramené momentanément et comme mesure d'exception par la gravité des circonstances politiques, est définitivement aboli. L'art. 45 du Code pénal a été également modifié par la loi du 28 avril 1832, et la détention légale substituée à la détention arbitraire que cet article autorisait. La disposition de l'art. 120 ne doit donc plus avoir d'application : le droit d'arrestation par ordre administratif a disparu. Cependant on allègue quelques circonstances spéciales, on cite certaines classes de personnes qui motiveraient une dérogation à cette règle journellement on arrête sans mandat et sans jugement les évadés des prisons et des bagnes, les déserteurs et les soldats retardataires, les mendiants et les filles publiques, les fous, les voyageurs sans passeport et les étrangers. Il faut examiner le droit de l'administration à l'égard de ces divers individus.

Quant aux évadés des prisons et des bagnes, le droit de les arrêter sans mandats de justice n'est pas douteux; car ils se trouvent en état de flagrant délit. Dès que les agents de la force publique les reconnaissent, ils ont le droit de les saisir: mais en cela ils n'obéissent point à un ordre administratif ; ils agissent en vertu du jugement de condamnation qu'ils exécutent la feuille des signalements ne renferme point d'ordre d'arrestation; elle ne fait qu'indiquer les moyens d'exécuter les ordres de la justice. Il n'y a donc point ici de détention administrative.

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