Page images
PDF
EPUB

77

Art. de la main à la main, et sous récépissé. Elle se fait aussi par la voie du greffe. Dans ce dernier cas, les pièces à communiquer sont d'abord déposées au greffe, où celui qui reçoit la communication peut aller les voir et les inspecter, sans déplacement, et sous la surveillance immédiate du greffier. Ce mode est surtout employé lorsqu'il s'agit de pièces originales, ou de titres précieux (1).

78

Il fallait bien fixer un délai pour la signification des défenses, autrement la durée du procès eût été abandonnée à la discrétion de celles des parties qui, le plus souvent, est intéressée à faire différer le jugement. Cependant le délai n'est pas fatal, c'est-à-dire qu'après la quinzaine, les défenses peuvent encore être signifiées, jusqu'à ce que le demandeur ait donné une sommation pour venir plaider. Remarquez en même temps que le demandeur ne pourrait pas poursuivre l'audience, et prendre un jugement avant l'expiration du délai, parce que ce délai est une des principales garanties auxquelles la justice doit veiller. Le jugement serait nul, de nullité substantielle (2).

Huit jours sont accordés à l'avoué du demandeur pour répondre aux défenses. Ce délai n'est pas plus fatal que le premier, tant que l'audience n'est point sollicitée.

La raison de l'inégalité du délai tient à la différence de position où se trouvent respectivement les parties.

Le défendeur que l'on vient attaquer a besoin d'un plus grand nombre de jours, pour rechercher ses titres, se consulter, arranger et présenter ses moyens. Il n'en faut pas tant au demandeur pour répondre; il avait pris son temps avant de commencer les hostilités ; il a dù prévoir ce qui pourrait lui ètre opposé et se préparer d'avance à le repousser.

La loi ne permet point de signifier des répliques.

Voilà donc, en définitive, à quoi se réduit l'instruction ordinaire des procès d'audience (3), qui marchent sans incidents, et

(1) Voyez, ci-après, le chap. 9, des Exceptions, $5. (2) Arrêt de la cour de Paris. Sirey, 29-2-321.

78

ne réclament ni enquêtes, ni vérifications, ni Art. interrogatoires, etc. Chacune des parties a la faculté de signifier une requête.

Aucunes autres écritures, ni significations. $1 ne peuvent entrer en taxe. Dans la discussion du Code au conseil d'État, quelqu'un demanda que, pour mieux assurer l'effet de cette disposition, il fut interdit à l'avoué de répéter, même contre son client, les écritures qui ne seraient point entrées en taxe. Cette rigueur, appliquée à tous les cas, eût été d'une extrème injustice. On répondit qu'une partie venant à s'apercevoir, après sa requète signifiée, qu'elle a oublié de faire valoir quelques-uns de ses moyens, ou de produire toutes les pièces nécessaires à sa cause, doit conserver la faculté de réparer cette omission, à ses frais, par une nouvelle signification; c'est-à-dire que les frais de cette signification ne pourront, en aucun cas, être répétés contre l'adversaire. Mais on fit observer aussi que cette partie n'en devra pas moins payer à son avoué l'addition d'écritures qu'elle lui aura fait faire.

Autrefois on accusait quelques procureurs de signifier des copies de requète par extrait et d'intercaler plus tard, dans la grosse ou original, un énorme remplissage de rôles, lorsque la sentence leur faisait gagner les dépens. Cet abus n'est plus possible ; car les avoués sont obligés de déclarer, au bas 104 des originaux et des copies de toutes leurs requêtes et écritures, le nombre de rôles dont elles se composent, à peine de rejet.

Enfin il est libre aux plaideurs de faire ou 80 de ne pas faire d'instruction. Le défendeur peut demandeur audience, et plaider aussitôt qu'il a un avoué constitué. De son côté, le demandeur peut aussi poursuivre le jugement, dès que les défenses de son adversaire lui ont été signifiées, et dédaigner d'y répondre.

L'acte par lequel l'un des avoués poursuit l'audience contre l'autre, s'appelle un à venir plaider, ou tout simplement un à venir. Dans l'ancienne pratique, on les mutipliait excessivement; on se donnait ciuquante ren

(3) On se sert de cette expression pour les distinguer des procès par écrit. V. ci-après, chap. 6.

dez-vous à l'audience, avant de songer sérieusement à y paraître, et à y faire trouver les avocats. Aujourd'hui, le Code ne permet d'admettre en taxe qu'un seul à venir pour chaque partie.

C'est peut-être une prévention trop favorable, mais je crois qu'il eût été dificile de mettre, dans l'instruction ordinaire des causes, plus de réserve, plus d'économie, et une nécessité plus stricte; d'y ménager mieux le temps, et d'y laisser moins de prise aux abus.

Comparez la marche de la procédure, en France, avec la complication des formes chez les Anglais, avec l'entortillement de leurs diverses espèces de writs, la variété de leurs fictions, leurs rejoinder et leurs surrejoinder, leurs rebutter et leurs sur-rebutter, et tous ces mille détours que les plaideurs sont obligés de parcourir, avant d'arriver à (1) Voyez l'Introduction, chap. 10.

l'issue générale et au jugement du pays (1)! Comparez notre système d'instruction judiciaire avec celui de l'Allemagne, où l'on écrit tout, où rien n'est public, où le sac d'une lente et dispendieuse procédure est renvoyé, par le juge saisi de l'affaire, à l'examen secret de la Faculté de Droit d'une Université, pour faire rendre la sentence, laquelle revient cachetée à ce juge, qui la prononce à huis clos devant les parties (2)! Comparez, et je m'assure que vous serez moins tenté de deprimer l'œuvre de nos législateurs.

Reporterez-vous vos doléances sur les désordres de la pratique? je vous dirai de les adresser aux magistrats. La loi se confie à leur sagesse et à leur fermeté, pour le maintien de ses dispositions. En matière de procédure et de frais, il faut retourner cette maxime, que tout ce qui n'est pas défendu est permis. Il faut redire sans cesse que tout ce qui n'est pas permis est défendu.

(2) Instit. judic. de M. Meyer, t. 4, chap. 14.

Art.

80

CHAPITRE IV.

DE LA COMMUNICATION AU MINISTÈRE PUBLIC (a).

(Liv. 2, tit. 2, art. 83-84 du Code de Proc.)

Art.

83

La loi du 24 août 1790 avait dit : « Au civil les commissaires du roi exerceront leur ministère, non par voie d'action, mais seulement par celle de réquisition, dans les procès dont les juges sont saisis (1). »

Cette règle était trop absolue. Le Code civil, notamment, est venu réclamer un grand nombre d'exceptions, et nos institutions judiciaires ont dù se conformer à ses exigences. Elles ont donc admis la modification suivante : « En matière civile, le ministère public agit d'office dans les cas spécifiés par la loi (2). »

Lorsque le ministère public procède par voie d'action, il prend dans la cause le nom de partie principale.

Lorsqu'il reste dans sa sphère de surveillance, pour maintenir l'observation des lois, requérir, et conclure, il est partie jointe.

Je ne dois le considérer ici que sous ce dernier aspect. Il s'agit des causes qui doivent être communiquées au ministère public,

(a) Conf. Carré, Proc., t. 1, p. 250. Org. et Comp., t. 1, p. 279.- Dalloz, t. 11, p. 467.-Chauveau, Comm. du Tarif, t. 1, p. 146.

(1) Titre 8, article 2. Voyez dans mon in

c'est-à-dire, des causes auxquelles il n'a pris Art aucune part active, avant cette communica- s tion; et l'on conçoit aisément qu'il n'est pas besoin de lui communiquer un procès où il plaide, comme partie principale, et pour lequel il a déjà fourni son contingent d'instruction.

Il fallait à la justice un guide, à la faiblesse un appui, à la société tout entière une sorte de représentant, et surtout aux lois d'intérêt général un organe, une sauvegarde contre les prétentions toujours renaissantes de l'intérêt particulier. Mieux valait prévenir les infractions à ces lois, que d'attendre qu'elles eussent été commises, pour casser les jugements.

Telle est l'utilité de la communication au ministère public. Il se fait partie jointe dans certaines causes, mais il ne se joint ni à l'un, ni à l'autre des plaideurs, il ne prend parti que pour la loi.

« Deux hommes viennent d'épuiser dans

troduction, chapitre 18, ce que j'ai écrit touchant l'origine du ministère public, et ses fonctions en général.

(2) Loi du 20 avril 1810, art. 46.

leurs débats toute la sagacité de l'intérêt et tout le pouvoir de la science. Un troisième orateur se lève : recueillez-vous pour l'entendre, écoutez-le sans défiance, et avec respect. Il n'a d'autre but que la vérité; il retrace, il apprécie tout ce qu'on vient de dire; ensuite il motive le jugement de sa conscience. Quelquefois, apercevant le bien public compromis dans cette contestation privée, il élève en sa faveur une voix prédominante, et la justice est sans cesse ramenée au principe qui consacre tous les droits particuliers, en les réglant d'après l'intérêt général (1). »

Je n'essayerai point de mesurer l'immensité de la carrière ouverte au ministère public. A le considérer seulement comme partie jointe, j'éprouverais encore trop d'embarras, pour exprimer l'idée que je me fais de cette abondante érudition qui répand la lumière sur les points les plus obscurs, de cette pénétration qui saisit la fraude au milieu de ses plus subtils détours, de cette prudence qui ne hasarde rien, de ce calme qui se reconnaît à l'exactitude de l'examen, à la candeur des motifs, à la simplicité des développements dans les preuves, de cette éloquence, langue naturelle des grandes pensées, et de tous ces talents qu'il est si beau de compter parmi ses devoirs!

Cependant on peut, à vingt-deux ans at

(1) Répert. de jurisp., vo ministère public, § 5. (2) Voyez les articles 53, 99, 114, 184, 200, 560, 471, 515 du Code civil; et les art. 47, 227, 249, 231, 311, 559, 572, 585, 589, 498, 668, 762, 782, 795, 805, 856, 858, 863, 879, 885, 886, 891 892, 900, 1039 du Code de procédure civile. Voyez aussi le règlement du 1808 (*).

(a) Le ministère public est recevable à interjeter appel des jugements qui statuent sur les demandes en aliénation d'immeubles, appartenant en tout ou en partie à des mineurs, soit que l'aliénation soit demandée par les tuteurs des mineurs, soit qu'elle le soit par les majeurs à qui les immeubles appartiennent en commun avec les mineurs. (Br. 27 juillet 1827. Jurisp. de Br., 1827-2-78. Jurispr. du XIXe siècle, 1727-3-147. Dalloz, t. 21, p. 468.)

(*) Voir aussi la loi du 17 avril 1835, sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, art. 17, la loi du 21 avril 1810, BONCENNE. — TOME 1.

[blocks in formation]

Le procureur du roi doit être entendu dans toutes les affaires qui tiennent à l'ordre public.

A cette règle générale établie par l'art. 83 du Code de procédure, viennent se rattacher, comme autant de conséquences, une infinité de dispositions éparses dans nos lois et dans nos règlements (2).

Dans les causes où la loi exige la communication au ministère public, il y a nullité, s'il n'a pas été entendu, et si le jugement a été rendu contre celle des parties à raison de laquelle la communication devait être faite. Cette nullité forme un grief d'appel, pour les cas de premier ressort, et une ouverture de requète civile, lorsqu'il s'agit d'un arrêt 480, § 8. ou d'un jugement souverain.

Il importe donc d'expliquer les doutes que pourraient faire naître quelques-unes des généralités de l'art. 83.

Je n'insisterai point sur ce qui concerne l'État, le domaine, les communes, les établissements publics, les dons et legs faits aux pauvres, les tutelles, les mineurs, les interdits, les personnes présumées absentes (a).

Le ministère public a, dans les affaires qui concernent des mineurs, qualité pour proposer, même d'office, tous les moyens qu'il croit propres au maintien de leurs droits.

Ainsi, il peut proposer d'office, dans une poursuite en expropriation forcée dirigée contre des mineurs, les moyens de nullité qu'il croirait pouvoir être invoqués contre la procédure qui précède l'adjudication préparatoire.

Ces moyens de nullité peuvent être proposés, nonseulement parle saisi lui-même, mais encore par toute personne ayant qualité, et lorsqu'ils l'ont été par le ministère public dans l'intérêt des mineurs, ceux-ci peuvent attaquer, par la voie d'appel, la décision rendue par le tribunal sur ces moyens, si cette décision leur est désavantageuse.

Les moyens proposés par le ministère public dans

sur les mines, art. 89, et l'arrêt de la cour de cassation de Bruxelles du 31 mai 1836. (Jur. du XIXe siècle, 1837-1-136.

55

[blocks in formation]

Les récusations, les prises à partie, les renvois pour cause de parenté ou d'alliance, touchent de trop près à la dignité de la justice et à la sécurité des justiciables, pour que l'intervention du ministère public n'y soit pas commandée.

Il faut en dire autant des règlements de juges, et des déclinatoires sur incompétence, dans lesquels le principe des juridictions se trouve toujours engagé.

Mais on a voulu distinguer entre l'incompétence à raison de la matière, qui tient à l'ordre public, et celle à raison de la personne, qui peut être couverte parce qu'elle n'a trait qu'à des droits privés. On a prétendu que la première était seule communicable.

C'était à tort. Il m'est libre sans doute de ne point quereller la compétence d'un tribunal dont je ne suis pas justiciable; alors il n'y a point de déclinatoire. Mais, si je conclus à être renvoyé devant mes juges naturels, une question de juridiction territoriale va être agitée; l'ordre public, que je pouvais ne pas éveiller, sera invoqué, et le ministère public ne devra pas rester muet. Le projet du Code portait : « Seront communiqués au procureur du roi... les déclinatoires sur incompétence à raison de la matière. » Le Tribunal fit observer que les incompétences à raison de la personne devaient également être comprises dans l'article, parce qu'elles tenaient à l'ordre public, dès qu'il y avait déclinatoire. Le conseil d'État supprima ces mols, à raison de la matière, afin d'étendre la nécessité de la communication à l'une et à l'autre espèce d'incompétence (1).

La loi du 14 août 1790 avait joint le ministère public à toutes les causes des femmes, soit qu'elles fussent autorisées par leurs maris, soit qu'elles le fussent par la justice.

l'intérêt des mineurs doivent profiter même à leurs consorts majeurs, lorsque ces moyens leur sont communs et frappent sur une procédure qui ne peut se diviser. (Br. 26 juin 1852. Jurispr. de Br. 18321-50. Jurispr. du XIXe siècle, 1852-3-568.- Dalloz, t. 21, p. 478.

C'était une trop grande extension, et une surcharge de communications inutiles.La femme pouvant, dans le droit commun, hypothéquer, aliéner ses biens, avec l'autorisation de son mari, et sans l'intervention de la justice, il n'est point à craindre qu'ils abusent l'un et l'autre de formes judiciaires, pour pratiquer indirectement ce qu'il leur est libre de faire directement et à découvert.

Le système du Code a reproduit la nécessité de la communication, pour les causes des femmes non autorisées par leurs maris. Il en résulte que le procureur du roi doit être entendu, toutes les fois qu'une femme se trouve en instance, sous l'autorisation de la justice seulement.

A l'égard des femmes qui plaident avec l'autorisation de leurs maris, l'intervention du ministère public n'est exigée que lorsqu'il s'agit de leur dot, et qu'elles sont mariées sous le régime dotal. L'inaliénabilité de la dot est le principe fondamental de ce régime; c'est un moyen offert aux familles, pour leur conservation, pour assurer le sort ds enfants, pour protéger la femme contre sa propre faiblesse, et contre l'influence de son mari. Interest rei publicæ mulieres dotes suas salvas habere (2). Mais les époux pourraient conspirer contre leur avenir, exposer la dot aux atteintes d'une contestation réelle ou fictive, et négliger les moyens qui empècheraient la consommation du sacrifice. La loi y pourvu, elle a chargé le ministère public de veiller, et de combattre à la fois, le mari, la femme elle-même, s'il le faut, et leurs adversaires, pour sauver le fonds dotal.

Que si l'aliénabilité de la dot a été stipulée par le contrat du mariage, comme le permet l'art. 1557 du Code civil, ou si les biens sont paraphernaux, on rentre alors dans le droit commun, dont j'ai parlé plus haut. Où serait le motif de surveiller en jugement, ce que

[blocks in formation]

Art 63

« PreviousContinue »