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se fonde; qu'on lui indique le juge devant lequel il devra comparaître; qu'on lui donne le temps de chercher les titres qu'il pourra opposer, et de faire ses dispositions pour se rendre au tribunal.

Il faut qu'on lui désigne clairement celui qui le fait assigner; qu'il ne soit pas exposé à le prendre pour un autre, et qu'il puisse le trouver au besoin. Le même motif exige qu'il connaisse l'avoué qui représentera son adversaire.

Il n'y a rien là qui ne soit essentiellement nécessaire pour assurer et protéger le droit sacré de la défense. On pourra bien rencontrer des cas particuliers où l'utilité de quelques-unes de ces précautions se fera moins sentir; mais la loi dispose pour ce qui arrive le plus ordinairement, et nous serions bientôt envahis par l'arbitraire et livrés au danger des surprises, si chaque cas particulier obtenait la faveur d'une dispense.

Ce n'est pas tout. Celui contre lequel l'action est intentée ne se présente point; le condamner, tant qu'il n'apparaît pas qu'il ait été réellement appelé, serait une révoltante iniquité. A qui le juge s'en rapportera-t-il? Dans la plus haute antiquité, le demandeur sommait lui-même le défendeur de le suivre au tribunal, ou l'y traînait de force, ou prenait des témoins. On conçoit que cette brutale simplicité n'est plus dans nos mœurs. La preuve testimoniale a beaucoup perdu de son crédit; on ne l'admet plus guère que lorsqu'il n'est pas possible d'en avoir une autre. Il faut donc confier à des officiers revètus d'un caractère spécial le droit de citer devant les tribunaux et de certifier par écrit le fait de la citation, avec toutes ses circonstances. Voilà une garantie légale pour la conscience du juge.

L'officier chargé de donner la citation la laissera-t-il au premier venu, si celui auquel elle est destinée n'est pas à son domicile? Quelle sûreté y aura-t-il de la remise de cette citation à l'assigné, si elle n'est pas déposée entre les mains d'une personne de sa maison, que les liens étroits ou des rapports journaliers d'habitation attachent à ses intérêts?

L'homme de bon sens à qui vous tiendrez ce langage comprendra parfaitement votre

principe et ses conséquences; il ira au-devant de vos doutes, il les résoudra. Mis sur la voie, il esquisserait lui-même les articles d'un règlement; il aviserait, en y réfléchissant, aux difficultés que vous auriez omises et aux moyens de prévenir les fraudes. Il voudrait que l'officier public fût tenu de se faire connaître, et, pour ainsi dire, de se légitimer; il trouverait l'expédient de faire remettre la citation à un voisin ou au maire, dans les cas que le législateur a prévus.

On objectera que si le bon sens indique la nécessité d'un délai dans telle circonstance donnée, le raisonnement ne fera pas deviner la durée de ce délai, dont le terme fatal peut être fixé à dix jours, comme à huit ou à quinze, sans que les principes de la loi natuturelle en soient blessés ; qu'il en est ainsi de beaucoup d'autres règles de détail où la lettre de la loi est tout.

Chaque délai a dû être calculé en raison des distances, suivant la nature des actes et la position des parties. Un terme était surtout nécessaire, et le terme le plus conforme à ces vues a été fixé. Les points purement réglementaires ont beaucoup d'importance pour le palais, et fort peu pour l'école. Les plus intrépides praticiens ne manquent pas d'ouvrir le Code et de le tenir sous leurs yeux, lorsqu'ils ont à commencer et à conduire une procédure neuve ou compliquée. On aura donc recours au texte pour ces détails, jusqu'à ce que l'habitude les ait rendus familiers. Je pourrais même ajouter qu'il n'est point d'étudiant qui ne retienne avec la plus prompte facilité la mesure des pricipaux délais, tels que ceux de l'ajournement, de l'opposition, des enquêtes, de la péremption, de l'appel, de la requète civile, etc.

Mais le législateur ne descend pas toujours jusqu'aux difficultés trop minutieuses et trop mobiles que peut faire naître inopinément l'instruction d'un procès; cependant leur solution doit se trouver dans la loi (1). Or la raison de la loi revient ici avec toute son importance, pour diriger la justice dans le choix des analogies.

(1) Quasi hoc legibus inesse credi oportet. L. 27 ff. de leg.

CHAPITRE IV.

PLAN DE L'OUVRAGE. DE LA JURISPRUDENCE DES ARRÊTS.

!

Je trouve, dans un article de l'instruction donnée, en 1807, pour les écoles de droit, l'esquisse du plan que j'essayerai de suivre dans cet ouvrage. « L'enseignement des matières positives consiste moins à faire connaître les textes qui sont entre les mains de tout le monde, qu'à bien développer les principes généraux sur lesquels ces textes sont appuyés. Un étudiant aura beaucoup profité dans ses cours, s'il en rapporte une bonne méthode pour étudier, pour entendre la loi et pour en faire une juste application. »

En effet, l'étude de la procédure n'offrira que des mots et des formules à retenir, elle ne produira qu'une tendance à la subtilité et une malheureuse confusion du juste et de l'injuste, si les premiers pas dans la carrière ne sont éclairés par ce développement des principes généraux, et dirigés, de conséquence en conséquence, jusqu'aux règles de détail, qui s'expliquent alors d'elles-mêmes, et semblent, s'il est permis de le dire, se revètir de leur utilité.

Pour la procédure surtout, l'enseignement doit marcher du connu à l'inconnu. Il serait imprudent de franchir les idées intermédiaires

et de les laisser derrière soi, sans les avoir soigneusement explorées. Il faut s'arrêter souvent pour indiquer des origines, donner des définitions et fixer des points de reconnaissance. Les définitions sont comme les sondes que les navigateurs ont toujours à la main, lorsqu'ils s'avancent vers des bords ignorés.

Cette méthode peut présenter de l'intérêt et de la variété, sans admettre de frivoles distractions et sans donner à l'enseignement une étendue démesurée. Si je ne me trompe, quelques recherches historiques sur les anciennes formes, un coup d'œil sur les usages pratiqués chez nos voisins, des rapprochements adaptés avec sobriété à l'explication des titres du Code qui semblent les provoquer, peuvent relever par une sorte d'attrait l'étude de la procédure, répandre sur ses fins un jour favorable, et faire mieux apprécier les réformes et les améliorations qu'elle doit aux leçons du passé. Cognito uno, cognoscitur et alter.

Nos jeunes gens avides d'instruction, l'espoir de la magistrature et du barreau, ne me reprocheraient point de reculer trop loin les limites de la science, sije leur disais : Remontez à l'idée première d'où sortit la nécessité des formes, et attachez à ce point fixe le pre

mier anneau de leur chaîne.

Dès qu'il fut reconnu, pour l'établissement et le maintien de l'ordre, que chacun ne pourrait être le juge et le vengeur de sa querelle, il y eut des magistrats.

L'autorité des magistrats n'a jamais pu s'exercer sans des règles bonnes ou mauvaises, simples ou compliquées, raisonnables ou absurdes, suivant les temps et les lieux. Il y avait des formes pour les épreuves du fer chaud et de l'eau bouillante, pour les combats judiciaires; il y en a mème pour la justice des cadis.

Les lois de procédure, comme toutes les lois, ont rencontré, suivant l'expression de Montesquieu, les passions et les préjugés du législateur. Quelquefois elles ont passé au travers, et s'y sont teintes; quelquefois elles y ont resté, et s'y sont incorporées.

Sous cet aspect, croyez-vous que l'étude de la procédure et de ses formes, qu'on pourrait appeler les mœurs judiciaires, soit dépourvue de cet intérêt qui excite et soutient la curiosité? Vous auriez sans doute beaucoup à fouiller et à recouvrir: hos labyrinthos partim fodere, partim retegere (1). Mais, avec un peu de persévérance, vous y trouveriez l'origine d'un grand nombre de lois et d'usages dont les traces subsistent encore dans nos Codes; des causes dont les effets paraissent bizarres, parce qu'elles ne sont pas connues; des théories qui ne sont plus que des souvenirs ou des leçons de l'histoire; des points dont l'obscurité se dissipe à mesure qu'on en approche, et l'explication d'une foule de contradictions et de difficultés par la différence des époques, des institutions et du caractère des peuples.

C'est ainsi, comme nous l'apprend Pasquier, en ses Recherches de la France, qu'on allait puiser jusque dans les fabliaux des trouvères des documents précieux pour l'intelligence des coutumes, sur les droits des fiefs et sur l'administration de la justice. Les poëtes et les romanciers d'alors n'étaient pas encore assez habiles pour draper leurs figures d'imagination, ils appliquaient naïvement aux personnages qu'ils mettaient en scène les usages de leur pays et de leur temps.

Mais il est des élèves à qui des circonstances de position et une destination particulière peuvent ne pas permettre ces excursions hors du cercle d'un cours annuel de procédure.

L'enseignement doit être å la portée de tous; il doit aplanir et préparer pour tous la route du savoir, que chacun pourra prolonger au gré d'une noble émulation.

Le Code contient les formes suivant lesquelles on doit intenter les demandes, y dé

(1) Dumoulin.

fendre, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les faire exécuter. C'est l'idée générale que Pothier a donnée de la procédure civile. On y trouve aussi des règles particulières pour certaines affaires dont le fond n'est pas contentieux, et dans lesquelles le juge n'intervient que pour apposer le sceau d'une consécration.

Mais on y chercherait vainement ce quiconcerne l'organisation judiciaire, les attributions et la compétence des tribunaux, l'établissement des officiers ministériels et la nature des différentes actions.

Il eût été mieux de réunir ces fragments du droit public et du droit civil, disséminés dans une foule de lois dont il ne subsiste plus que des articles isolés, pour en composer les prolégomènes du Code. C'était le vœu de quelques Cours, et principalement celui de la Cour de cassation.

Un livre préliminaire sur l'administration de la justice serait une belle introduction à la procédure; cette part faite à la théorie compléterait le système; l'ordre y serait plus naturel, et les premières dispositions n'auraient pas l'inconvénient de supposer la connaissance de celles qui suivent.

Il est question, dès l'ouverture du Code, des actions personnelles et mobilières, des actions réelles et mixtes et de leurs subdivisions; un élève qui n'aura point de notions acquises là-dessus, comprendra difficilement les diverses règles de compétence qui en résultent. Ce mot de compétence, ceux de dernier ressort, de juridiction, n'auront pour lui qu'un sens obscur et inapplicable, tant qu'il ne connaîtra pas les attributions et les pouvoirs des tribunaux ordinaires et des tri

bunaux d'exception. Mais quels sont les tribunaux ordinaires, et quels sont les tribunaux d'exception ? Ces choses ne sont point dans le Code; rien n'y est défini, préparé; il ne s'adresse qu'à des initiés qui savent déjà la langue et les principes de la procédure.

Je crois done qu'il est utile de donner préalablement une idée générale de notre organisation judiciaire et des révolutions qu'elle a subies depuis 1790. J'en prendrai occasion de dire un mot sur l'administration de la

justice chez les Anglais, et sur les tentatives qui furent faites pour importer en France leurs jurés au civil.

Je traiterai de la juridiction et de ses principales divisions, de la compétence et des diverses espèces d'actions; puis, abordant les titres du Code, je rattacherai, selon l'exirence de la matière, les principes du droit civil, commercial et criminel aux règles de la procédure. Comment expliquerait-on les enquêtes sans parler de la législation sur la preuve testimoniale; le désaveu, sans parler du mandat; la vérification des écritures, sans parler des titres privés et authentiques; le faux incident, sans parler du faux principal; les redditions de compte, sans parler des différents comptables; la réception des cautions, sans parler du cautionnement; la distribution par contribution, sans parler des privilèges; la saisie immobilière, les surenchères, l'ordre, sans parler des hypothèques, des aliénations volontaires et des expropriations forcées; l'arbitrage volontaire, sans parler de l'arbitrage forcé?

Il est indispensable d'exposer les règles générales, avant d'en venir aux exceptions; c'est ce qui me détermine à reporter la justice de paix immédiatement après le titre des matières

sommaires.

De même que la justice commerciale, la justice de paix est un tribunal extraordinaire. ses attributions sont spéciales, elles ne comprennent que des choses simples et d'une petite valeur. Les formes y sont familièrement adoucies, et comme abandonnées à l'instinct ue la nécessité.

Malheureusement tout cela n'est que d'exception. La rigueur et la solennité des formes tablies pour les tribunaux ordinaires, voilà la règle générale. Ainsi le veut notre état de société. La sagesse de l'antiquité était la sasesse d'une heureuse ignorance; la sagesse d'aujourd'hui est la sagesse de l'expérience qui sait les ruses et les inventions de la fraude pour éluder la loi.

L'explication de la manière de procéder en justice de paix n'est donc que l'indication Dethodique des retranchements qu'on a faits, " faveur de cette institution, sur les formes

de la procédure ordinaire; ce qui suppose celle-ci déjà connue.

Tel est l'ordre que le Code a suivi pour les matières sommaires et les matières commerciales; il y avait même raison pour les justices de paix.

J'écris sur la procédure après des professeurs et des jurisconsultes habiles. Ils ont redressé beaucoup d'erreurs et éclairci beaucoup de doutes qui s'étaient élevés à l'apparition du Code; ma tâche en sera plus facile. Cependant il reste des questions très-graves dont la solution flotte encore incertaine entre les divers avis des auteurs et les hésitations de la jurisprudence; j'y apporterai le tribut de mes réflexions.

Je citerai peu d'arrêts; on l'a fort bien dit : La science du droit n'est point un art d'imitation.

Nos Codes sont encore trop nouveaux pour que les arrêts puissent avoir une autorité doctrinale, surtout dans les écoles. C'est à la loi elle-même qu'il faut s'élever. Un examen approfondi de ses dispositions, l'étude de son esprit, l'aperçu de son but inspirent une heureuse confiance, et donnent cette sûreté de jugement que n'ont guère les chercheurs d'arrêts. Pour eux, une décision nouvelle est comme une dernière loi qui abroge tout ce qu'ils avaient appris jusque-là; leur variable intelligence ne peut suffire à la distinction des nuances dans les espèces, et finit par se briser au milieu des autorités qui s'entre-choquent. Longum iter per præcepta, breve per exempla; si la voie des préceptes est la plus longue, elle est la plus sûre.

La jurisprudence des arrèts se forme d'une longue suite de décisions semblables sur un point de droit pur et dégagé des faits et des circonstances qui peuvent influer dans son application (1). Il y avait là-dessus une belle loi dans le droit romain. Imperator noster Severus rescripsit, in ambiguitatibus quæ ex legibus proficiscuntur, consuetudinem aut rerum PERPETUO SIMILITER JUDICATA

(1) Modica enim circumstantia facti inducit magnam juris diversitatem. Dumoulin.

RUM auctoritatem, vim legis obtinere debere (1). Cette autorité, établie par la constance unanime des Cours, jette une grande clarté sur les monuments de la législation; sans changer les lois, elle restreint un sens trop large; elle étend par analogie des dispositions trop resserrées ; elle concilie des textes qui semblaient se contrarier; elle comble leur vide et fait parler leur silence. C'est alors qu'on peut dire avec le chancelier Bacon : Les arrêts sont les ancres de l'État.

Le temps n'a point assez consacré pour nous la jurisprudence des arrêts; « c'est un subject encore trop ondoyant et trop divers, » pour me servir d'une expression de Montaigne.

Je choisis une preuve entre mille. La Cour de cassation avait jugé jusqu'en l'an XII qu'un juge de paix ne pouvait pas statuer en dernier ressort sur une possession dont la valeur était indéterminée, quelque modiques que fussent d'ailleurs les dommages-intérèts réclamés à cause du trouble. Bientôt elle adopta un autre système, et décida cinq fois de suite qu'il y avait lieu au dernier ressort toutes les fois que le demandeur au possessoire ne réclamait pas des dommages-intérêts au-dessus de 50 fr. Ce fut pour le plus grand nombre des auteurs

(1) L. 38 ff. de legib.

(2) THEODORICUS apud Cassiod. (3) Res inter alios judicatæ neque emolumentum afferre his qui judicio non interfuerunt,

et des magistrats un point arrêté et hors de toute discussion. Cependant le tribunal de Bourges a eu la noble fermeté de combattre un préjugé qui semblait si solidement établi; il a décidé autrement. On n'a pas manqué de se pourvoir en cassation. La Cour suprème est revenue sur ses pas; elle a dit, comme ce monarque auquel l'histoire a donné le nom de Grand: Propter justitiam et pro lege servanda, patimur nobis contradici (2).

Les arrêts sont aujourd'hui des armes avec lesquelles on lutte beaucoup trop au Palais. Les arrêts offrent sans doute un préjugé favorable pour les questions semblables à celles qu'ils ont résolues. Il est utile, il est même nécessaire pour un avocat de se tenir au courant et de les bien connaître; mais l'autorité de l'exemple ne doit pas dépouiller la raison de ses droits et de sa force. L'habitude de ne chercher des ressources que dans les recueils nourrit l'indolence, arrète les progrès de l'étude et ces heureux élans du génie auxquels la justice est redevable de ses triomphes les plus brillants. Quand on s'appuie sur la loi, il n'est ni téméraire ni indécent de remettre en question ce qui paraît avoir été jugé pour d'autres (5).

neque præjudicium solent irrogare... Nec, in simili negotio, res inter alios actas absenti præjudicare, sæpè constitutum est. L. 2 et 4 Cod. quib. res judic.

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