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CASSATION (CIV.) 12 août 1862.

1° PRIVILÈGE,

COMMUNAUX.

TRAVAUX

tion de la construction du pont, conformément TRAVAUX PUBLICS, au cahier des charges qui stipulait la résolu2o LOUAGE D'OUVRAGE, OU-tion contre l'adjudicataire pour inexécution de ses engagements, à charge par le second VRIERS, ACTION directe. adjudicataire d'indemniser le premier des travaux déjà effectués, en lui payant une somme dont la seconde adjudication devait définitivement fixer le montant. Sur cette nouvelle adjudication, le sieur Lapotaire a été déclaré adjudicataire, moyennant une somme de 80,500 fr. à payer au premier adjudicataire, évincé, pour prix de ses travaux.

1o Le privilége établi par le décret du 26 pluv. an II, au profit des ouvriers ou fournisseurs de matériaux, sur les fonds dus par l'Etat aux entrepreneurs de travaux publics, ne s'applique pas aux fonds dus par une commune aux entrepreneurs de travaux communaux, alors même que l'Etat aurait accordé une subvention à la commune pour l'exécution de ces travaux (1).

2° L'action directe accordée aux ouvriers par l'art. 1798, Cod. Nap., contre le maître, jusqu'à concurrence de ce que celui-ci doit à l'entrepreneur, ne peut s'exercer, au cas de faillite d'un premier concessionnaire de travaux, sur le prix dú par un second concessionnaire au premier pour cession de la concession, ce prix ne représentant pas une somme due par le maître à l'entrepreneur (2).

C'est en cet état de choses que le syndic du sieur Lejeune-Gaillard, alors tombé aussi en faillite, et les sieurs Courtois et Robillard, ses concessionnaires, ont prétendu qu'étant restés créanciers du concessionnaire primitif ou de ses ayants droit d'une somme de 39,000 fr., ils devaient être admis au passif de la faillite des sieurs Bourdon-Dubuit et comp., non-seulement au marc le franc et concurremment avec leurs autres créanciers, mais comme privilégiés sur les 80,500 fr. à eux dus par le nouvel adjudicataire. Ils fondaient cette prétention, soit sur le décret du 26 pluv. an II, qui accorde privilége aux ouvriers des entrepreneurs des travaux publics sur les sommes qui leur sont dues par l'Etat; soit sur l'art. 1798, Cod. Nap., qui autorise les ouvriers de l'entrepreneur à se faire payer directement par celui pour le compte duquel les travaux

ont été faits.

30 juin 1859, jugement du tribunal de commerce de la Seine qui déclare cette prétention mal fondée.

1 Espèce.-(Synd. Lejeune-Gaillard et autres C. synd. Bourdon-Dubuit.) Les sieurs Neveu et comp. se sont rendus adjudicataires de l'entreprise d'un pont communal à Misy-sur-Yonne, qui fait suite à un chemin vicinal de grande communication, et dont l'établissement avait lieu dans l'intérêt des communes voisines. Les adjudicataires se chargeaient de l'entreprise, moyennant un péage, une subvention de 35,000 fr. fournie par l'Etat, et diverses sommes qui devaient être payées par les communes intéressées. Les adAppel; et, le 13 fév. 1860, arrêt de la Cour judicataires sous-traitèrent pour la maçonnerie et les terrassements avec le sieur Lejeune-Gail- de Paris qui confirme en ces termes : lard; puis ils cédèrent leur entreprise, qui, leurs conclusions en admission privilégiée dans « Considérant que les appelants appuient après être passée par plusieurs mains, arriva la faillite Bourdon sur les dispositions de l'art. en celles des sieurs Bourdon-Dubuit et comp. -Ces derniers étant venus à tomber en failli- 1er de la loi du 26 pluv. an II et sur celles de te, il a été procédé à une nouvelle adjudica- Considérant que la loi du 26 pluv. an II ne l'art. 1798, Cod. Nap.;-Sur le premier moyen : (1) V. dans le même sens, Paris, 24 janv. 1846 dispose que pour les travaux faits au compte (t. 2 1846, p. 645); Cass. 18 janv. 1854 (t. 1 1854, de l'Etat et quand les fonds destinés à leur p. 384).—Jugé, toutefois, qu'il en est autrement au paiement sont déposés au Trésor ;-Que, dans sujet de travaux exécutés sous la direction de com- l'espèce, si le Gouvernement a donné une submunes, quand, à raison de leur nature ou des lois qui vention, il a mis l'entreprise tout entière à régissent spécialement ces communes, le prix en est la charge d'un concessionnaire ;-Que celuiréellement payé par l'Etat, Paris, 27 août 1853 (t. 1 ci a agi seul dans son propre intérêt et sous 1854, p. 387).-D'autres arrêts ont également décidé sa responsabilité personnelle; Que si les que le privilége établi par le décret du 26 pluv. an II fonds se trouvent déposés à la caisse des conest inapplicable au cas de travaux départementaux; Bordeaux, 30 nov. 1858 (1859, p. 879). Contr., signations en attendant qu'il soit statué sur Angers, 31 mars 1852 (t. 2 1852, p. 274)... et aux les droits des créanciers, ils ne sont point détravaux exécutés pour le compte de la liste civile; posés dans les caisses de l'Etat dans le sens Cass. 18 déc. 1860 (1861, p. 526), et la note. de la loi de pluviôse an II; Que ces fonds En un mot, le privilége n'a lieu qu'autant que l'Etat n'ont jamais appartenu à l'Etat et sont par est débiteur direct et principal. Ce privilége ne peut leur nature complétement étrangers aux displus être invoqué quand, comme dans notre espèce, positions spéciales de la loi invoquée par les l'Etat n'a pris qu'un engagement secondaire ou de appelants;-Sur le deuxième moyen :-Consigarantie. Tel est encore le cas où il a garanti un mi- dérant que l'art. 1798 dispose sur les rapports nimum d'intérêts relativement à des travaux de che- entre les propriétaires et les ouvriers, dans le mins de fer exécutés, non par lui, mais par des comcas où se place entre eux un entrepreneur ; pagnies; Poitiers, 9 mars 1859 (1859, p. 880); Cass. 16 juill. 1860 (1860, p. 788).-V. au surplus que, dans l'espèce, Bourdon n'était point enKép. gén. Pal. et Supp., ° Privilège, n. 620 et suiv. trepreneur pour autrui; qu'il était le proprié(2) V. Rép. gen. Pal, et Supp., v Louage d'ou-taire lui-même ; qu'il construisait pour son compte; que, dès lors, on ne voit pas com

Frage, n. 98 et suiv.

-

ment il y aurait lieu à l'application de l'art. 1798, Cod. Nap.;-Considérant que Bourdon, construisant pour lui-même, a fait faillite, et qu'ainsi le privilége de ses ouvriers ne peut être réglé que par l'art. 549, Cod. comm.;Par ces motifs, etc. »>

Attendu que

blique avec cette destination;
l'une et l'autre de ces conditions manquent
dans l'espèce, puisque, d'une part, il s'agis-
sait, non de travaux faits pour le compte de
l'Etat, mais d'un pont communal dont la dé-
pense devait être couverte par des subven-
tions communales et particulières, et par un
droit de péage dont le taux et la durée devaient
servir de base, d'après le cahier des charges,
à l'adjudication de ces travaux ; et que, d'au-
tre part, les sommes affectées à leur acquit-
tement n'avaient pu être et ne furent pas, en
effet, déposées par l'Etat dans une de ses
caisses publiques; qu'ainsi c'est à bon droit
que l'arrêt attaqué a écarté de la cause le dé-
cret du 26 pluv. an II ;

POURVOI en cassation par le syndic de la faillite Lejeune-Gaillard, et par les sieurs Courtois et Robillard. 1er Moyen. Violation du décret du 26 pluv. an II, en ce que l'arrêt a refusé d'accorder aux représentants du sieur Lejeune le bénéfice de ce décret par le motif erroné que les conditions exigées pour son application faisaient défaut dans l'espèce.-Deux conditions, a-t-on dit, sont requises pour l'exercice du droit de préférence établi par le décret du 26 pluv. an Sur le deuxième moyen :-Attendu que l'art. II, au profit des ouvriers ou fournisseurs de 1798, subsidiairement invoqué par les demanmatériaux qui ont contracté avec un entre-deurs, est tout aussi inapplicable; qu'en effet, preneur ou adjudicataire de travaux publics. La première, c'est que les travaux soient exécutés par ordre ou pour le compte de l'Etat; la seconde, c'est que les sommes sur lesquelles le privilégé est réclamé soient dues par l'Etat et représentent le prix de ces travaux. Or, d'une part, dans l'espèce, il s'agissait d'un pont à établir sur une rivière navigable et flottable, dans un intérêt général et en vertu d'un décret impérial; les travaux avaient été adjugés par le préfet; l'adjudication avait été approuvée par décision ministérielle, et la dépense était en partie à la charge de l'Etat, qui fournissait une subvention de 35,000 fr. Il s'agissait donc de travaux exécutés par les ordres et pour le compte de l'Etat. D'autre part, si la réclamation des représentants du sieur Lejeune n'avait pas pour objet, en tout ou en partie, la subvention même promise par l'Etat, elle avait au moins pour objet une somme qui en était la représentation, puisque c'était le prix des travaux exécutés par le premier adjudicataire, travaux auxquels s'appliquait la subvention destinée à y faire face. C'était donc en définitive les deniers de l'Etat qui étaient en cause; de telle sorte qu'à tous les points de vue, les demandeurs en cassation étaient fondés dans l'exercice du privilége spécial établi par la loi du 26 pluv. an II.

2o Moyen. Violation de l'art. 1798, G. Nap., en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'admettre le privilége établi par cet article, sous prétexte qu'il ne s'agissait pas de sommes dues à l'entrepreneur par celui pour le compte duquel les travaux avaient été faits, bien qu'ils fussent dus par celui qui s'était rendu adjudicataire aux lieu et place du premier, auquel les fonds en litige devaient être payés.

ARRÊT.

cet article, en autorisant l'action directe des ouvriers contre celui pour lequel les ouvrages ont été faits, dispose pour une hypothèse qui n'est pas celle de la cause, puisque les sommes dues ou déposées par Lapotaire, second adjudicataire, sont le prix de sa propre adjudication; qu'il n'en est dù compte, aux termes du cahier des charges, qu'à la faillite du précédent concessionnaire auquel Lapotaire a été substitué; que l'action directe de l'ouvrier fournisseur n'était pas plus fondée contre l'un que contre l'autre; qu'elle était en dehors du cas prévu par l'art. 1798, Cod. Nap., et qu'ainsi l'arrêt attaqué n'a pas violé cet article en ne l'appliquant pas; sauf le droit des demandeurs à venir en concours avec les autres créanciers dans la faillite dont il s'agit ;-Rejette, etc.

Du 12 août 1862.-C. cass., ch. civ.-MM. Pascalis, prés; Lavielle, rapp.; de Marnas, 1er av. gén. (concí. conf.); Clément et Bosviel, av. 2e Espèce.-(Jolly C. Synd. Bourdon-Dubuit.)

Du 12 août 1862.-Autre et semblable ar

rêt, Cass. ch. civ., mêmes prés., rapp. et av. de la Cour de Paris du 13 fév. 1860; MM. Augén., sur le pourvoi contre un second arrêt bin et Bosviel, av.

CASSATION (Civ.) 13 août 1862.
APPEL, CONTREFAÇON, SAISIE, ORDONNANCE
D'AUTORISATION, RÉFÉRÉ.

L'ordonnance du président du tribunal civil, qui, statuant en référé sur l'opposition formée à l'exécution d'une première ordonnance autorisant la saisie d'objets prétendus contrefaits, par suite de la réserve contenue dans cette ordonnance, subordonne l'autorisation au dépôt préalable d'un cautionnement, n'est pas LA COUR ;- Sur le premier moyen :-At-plus susceptible d'appel que la première ordontendu que le privilége réclamé par les deman-nance avec laquelle elle se confond, et dont elle deurs sur le fondement du décret du 26 pluv. est le complément (1). (L. 5 juill. 1844, art. 47.) an II, est repoussé par les termes mêmes de ce décret, puisqu'il n'accorde ce privilége qu'à la double condition: 1° que les travaux auront été exécutés pour le compte de l'Etat; 2° que les fonds affectés à l'acquittement de ces travaux auront été déposés dans une caisse pu

Il en est ainsi, alors même qu'avant de rendre la seconde ordonnance, le président aurait entendu les parties dans leurs explications contradictoires (2).

(1-2) Il est de jurisprudence constante, au tribunal

(Masse C. Rattier et Crapelet.) Par ordonnance du 22 mars 1860, rendue sur requête, le président du tribunal de la Seine autorisa le sieur Masse à faire saisir, par simple description, dans la fabrique des sieurs Rattier et comp., des objets manufacturés en caoutchouc, préparés, suivant lui, en contrefaçon d'un brevet dont il est propriétaire. Cette ordonnance portait qu'au cas de difficultés, il en serait référé au président.-Mais lorsque le sieur Masse voulut faire procéder à la saisie, les sieurs Rattier s'y opposèrent, en se fondant sur ce qu'une poursuite en contrefaçon

de la Seine, que le président auquel est demandée une autorisation dépendant de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, peut n'accorder cette autorisation qu'à la charge de lui en référer en cas de difficulté; et que l'ordonnance qu'il rend sur ce référé n'étant qu'une suite de la première, peut, soit modifier, soit révoquer l'autorisation précédemment accordée. Rien ne s'oppose en effet à ce que le président, qui pourrait refuser l'autorisation demandée, ne l'accorde que sous la condition d'un examen ultérieur qui pourra être provoqué par la partie contre laquelle il permet d'agir. Cette jurisprudence a été sanctionnée par plusieurs arrêts de la Cour de Paris et de diverses autres Cours impériales rendus en matière de saisie-arrêt. V. en dernier lieu, Paris, 15 mars 1856 (t. 2 1856, p. 46), et les arrêts indiqués en note; Lyon, 6 (et non 18) mai 1861 (1862, p. 34); -Rep. gen. Pal, et Supp., vo Saisie-arrêt, n. 68 et

suiv.

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« Attendu que, dans les circonstances, il y a lieu d'imposer un cautionnement à Masse;Disons que, dans la huitaine de ce jour, Masse sera tenu de déposer à la caisse des consignations une somme de 2,000 fr. affectée au paiement des frais et dommages-intérêts auxquels il pourrait être condamné envers Rattier et comp.; sinon et faute de ce dépôt, disons que l'ordonnance du 22 de ce mois sera rapportée purement et simplement, et que mainlevée sera faite de toute saisie exécutée en vertu de ladite ordonnance; ce qui sera exécuté par provision, nonobstant appel et sans y préjudicier. »

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5 mai 1860, arrêt de la Cour de Paris, qui, admettant ce dernier système, déclare l'appel non recevable en ces termes :

Appel par le sieur Masse, soutenant que le président, n'ayant pas autorisé une saisie proprement dite, mais une simple description des objets prétendus contrefaits, n'avait pu astreindre le requérant à fournir une caution, laquelle ne peut être exigée, d'après l'art. 47 de la loi du 5 juill. 1844, qu'au cas de saisie. A cet appel, les sieurs Rattier et comp. ont opposé La conséquence de cette faculté ainsi reconnue au une fin de non recevoir prise de ce que l'orprésident, c'est que l'ordonnance qu'il rend sur le donnance du président qui autorise une saisie référé réservé à la partie n'a pas le caractère conten- d'objets prétendus contrefaits, par application tieux d'une ordonnance de référé proprement dite; de l'article précité, de même que la seconde mais qu'elle est la suite et le complément de l'ordon- ordonnance qui, complétant la première, sounance conditionnelle précédemment rendue, et que, dès lors, la seconde ordonnance, émanant, comme met le requérant à l'obligation de fournir cau1: première, du pouvoir discrétionnaire que la loi tion, n'ayant aucun caractère contentieux, donne au président, n'est, pas plus que celle-ci, sus. mais étant rendues par le président dans la ceptible d'appel; V. Paris, 15 mars 1856, et Lyon, plénitude de l'exercice de son pouvoir discré6 mai 1864 (précités).-V. cependant Montpellier, 7tionnaire, ne sont pas susceptibles d'appel. avril 1854, et Bordeaux, 19 mars 1855 (t. 2 1855, p. 250 et 251); Lyon, 25 avril 1856 (1857, p. 175), et 29 juin 1857 (1858, p. 1065).-V. aussi Bioche, Dict. de proc., v Saisie-arrêt, n. 212.-Mais ces dernières décisions ne sauraient prévaloir sur celles rendues par la Cour de Paris, qui nous paraissent plus conformes au sens de la loi, Or, ce qui est vrai quand il s'agit de l'ordonnance autorisant une saisie arrêt, l'est également au cas d'ordonnance autorisant une saisie d'objets prétendus contrefaits: les principes étant les mêmes dans les deux cas, la solution doit être semblable. V. en ce sens, Paris, 11 fév. 1846 (t. 1 1846, p. 675).-On trouve cependant, dans un arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 1860 (1860, p. 1148), des motifs dont on pourrait tirer des inductions contraires; mais un motif n'a pas l'autorité d'une décision, et nous croyons que c'est dans le nouvel arrêt que nous rapportons qu'il faut chercher le véritable sentiment de la Cour suprême sur cette question. V. au surplus, sur le droit d'appel en cette matière, Nouguier, Brev. d'inv., n. 845 et 846; Renouard, id., n. 236; Calmels, Propriété et contrefaçon, n. 623; Goujet et Merger, Dict. de dr. comm., v Contrefaçon, n. 92 et suiv. -V. aussi Rép. gen. Pal, et Supp., v° Brevet d'invention, n. 491 et suiv.

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« Considérant que l'ordonnance du président rendue en vertu de l'art. 47 de la loi du 5 juill. 1844, soit qu'elle accorde, soit qu'elle refuse les mesures autorisées par la loi, émane du pouvoir discrétionnaire de ce magistrat ; que, lorsqu'elle autorise la saisie sous condition d'en référer en cas de difficultés, et qu'en conformité de cette condition le juge ordonne le dépôt d'un cautionnement dans les circonstances d'une saisie dont la loi le constitue l'unique et souverain appréciateur, la deuxième ordonnance n'est que la suite et le complément de la première; qu'ayant la même source, elles ont le même caractère, et que ni l'une ni l'autre n'est susceptible d'appel. »

POURVOI en cassation pour violation des art. 806 et 809, Cod. proc., et fausse application de l'art. 47 de la loi du 5 juill. 1844, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non susceptible d'appel une ordonnance de référé rendue sur une contestation soulevée à l'occasion d'une

--

lui

saisie d'objets argués de contrefaçon, et en tribunal civil le pouvoir d'autoriser les proexécution de la disposition d'une précédente priétaires de brevets d'invention à faire procéordonnance qui n'autorisait cette saisie qu'en der à la désignation et description détaillées faisant réserve des droits du juge des référés, des objets argués de contrefaçon; qu'il attrien cas de difficultés. L'ordonnance du pré- bue au même magistrat le pouvoir d'accorder sident qui autorise la saisie, a dit le deman- ou de refuser la permission de procéder par deur, est sans doute à l'abri de tout recours; voie de saisie desdits objets, et qu'il lui laisse mais si une contestation s'élève à propos de la faculté d'imposer au requérant un cautionl'exécution de cette ordonnance, le président nement;-Attendu que l'usage de ces pouvoirs prononce cette fois, non plus inter volentes et est confié à l'appréciation discrétionnaire du sine causæ cognitione, mais inter volentes et juge qui en est investi, et que s'il lui convient causâ cognità. Il exerce alors une juridiction de ne statuer qu'après avoir entendu les parcontentieuse, puisqu'il statue sur des intérêts ties en leurs explications contradictoires, cette opposés et après des débats contradictoires circonstance n'altère en rien la nature de ses entre les deux parties, dont l'une a cité l'autre pouvoirs, et ne convertit pas ses ordonnances Atdevant son tribunal.. Or, dans l'espèce, tel en actes de juridiction contentieuse; était bien le caractère de l'ordonnance frap- tendu que lorsque, comme dans l'espèce, le pée d'appel. Cet appel ne pouvait donc être juge ajoute à son ordonnance qu'il autorise les déclaré non recevable, sous prétexte que le parties à lui en référer en cas de difficultés, juge avait usé d'un pouvoir qu'il tenait de sa cette voie par lui ouverte pour compléter et juridiction purement volontaire et gracieuse. pour rectifier, au besoin, l'ordonnance par Pour le défendeur, on a répondu : L'ordon-rendue, n'est qu'un mode d'exercice du pounance du président qui autorise la saisie et voir discrétionnaire à lui conféré; que l'orfixe un cautionnement en vertu de l'art. 47 de donnance complémentaire ou rectificative qui la loi de 1844, soit sur requête, soit en référé, intervient par suite du référé ainsi réservé se est évidemment un acte du pouvoir discré- confond avec la première ordonnance, est de tionnaire, non soumis à l'appel. Cela résulte la même nature, et n'est pas plus qu'elle susde la nature de la mesure, de l'ensemble des ceptible d'appel;-Attendu que la loi de 1844, lois de procédure, et est établi par une juris- loin d'ouvrir contre les décisions du président prudence et une doctrine unanimes. Il s'agit le droit d'appel, veut, au contraire, par son de mesures d'urgence et provisoires à appré- art. 48, qu'à défaut par le requérant de s'être cier d'après les circonstances ou les conve- pourvu dans la huitaine, la saisie ou descripnances du moment, et ne rentrant nullement tion soit nulle de plein droit, sans préjudice, dans le cercle des attributions de la juridic-s'il y a lieu, de dommages-intérêts ;-Attendu, tion ordinaire. L'ordonnance qui permet la saisie est une application spéciale du pouvoir discrétionnaire conféré au président, soit par les art. 558, 822, 826, Cod. proc., en matière de saisie-arrêt, de saisie foraine et de saisierevendication, soit par l'art. 72 sur les ajournements à bref délai, soit par l'art. 931 sur les levées de scellés, etc... En toutes ces matières, le droit commun est la non-recevabilité de l'appel. La cassation de l'arrêt attaqué ferait naître, dans la pratique, les difficultés les plus grandes et les plus multipliées en paralysant à chaque instant les droits des brevetés. Il ne faut pas objecter la gravité des mesures autorisées par le président en vertu de l'art. 47. Elle n'en change pas la nature dans ce cas, non plus que dans celui de l'art. 558, Cod. proc., dont la portée n'est pas moindre. D'ailleurs il s'agit de mesures essentiellement provisoires, ne préjugeant nullement le fond, puisque le président ne décide rien sur l'existence ou l'inexistence de la contrefaçon. N'y aurait-il pas même un remède immédiat, s'il était nécessaire, dans l'action au principal que le droit autorise toujours, comme il arrive lorsque, le président ayant ordonné sur requête l'assignation à bref délai, on soutient au principal qu'il y avait lieu d'observer le délai ordinaire des ajournements?

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en fait, qu'après avoir, par ordonnance du 22 mars 1860, autorisé Masse à pratiquer une saisie sur Rattier et Crapelet, en ajoutant qu'il lui en serait référé en cas de difficultés, le président du tribunal civil de la Seine, par ordonnance ultérieure rendue le 27 du même mois, audition faite des avoués des parties, a décidé qu'un cautionnement serait déposé par Masse, et que, faute de ce dépôt, l'ordonnance du 22 se trouverait rapportée;-Attendu qu'en déclarant non recevable l'appel interjeté contre cette seconde ordonnance, rendue, comme la première, dans les limites du pouvoir discrétionnaire attribué par l'art. 47 de la loi du 5 juill. 1844 au président du tribunal civil, l'arrêt attaqué, loin d'avoir violé ledit article, non plus que l'art. 809, Cod. proc. civ., en a fait, au contraire, une juste application ;— Rejette, etc.

Du 13 août 1862.-C. cass., ch. civ.-MM. Pascalis, prés.; Renouard, rapp.; de Marnas, 1er av. gen. (concl. conf.); Duboy et Rendu, av.

CASSATION (CIV.) 19 août 1862.
LEGS, CADUCITE, INTERDIT, ALIENATION PAR

LE TUTEUR.

L'aliénation de la chose léguée, opérée, pendant la vie du testateur, par toute autre cause légale que le fait même de celui-ci, entraîne la caducité du legs, une telle alienation consti

tuant une perte de la chose léguée dans le sens de l'art. 1042, Cod. Nap. (1)

Cela serait, du reste, absolument contraire à la pensée de la disposition dont il s'agit. PourAinsi, au cas où le testateur a été frappé quoi, lorsque le testateur a aliéné l'objet léd'interdiction depuis la confection de son tes-gué, la loi fait-elle résulter de cette aliénation tament, l'aliénation des objets légués, consentie par son tuteur suivant les formes légales et dans un but de sage administration, rend le legs caduc; tellement que le légataire ne saurait prétendre aucun droit sur le prix non encore payé de cette aliénation : ici ne s'ap- | plique pas la règle de l'art. 1303, C. Nap. (2). | (Bernard et Dufour de Neuville C. Bernard.) Les sieurs Ernest Bernard et Dufour de Neuville se sont pourvus en cassation contre l'arrêt de la Cour de Paris du 30 juill. 1860, que nous avons rapporté dans notre vol. de 1861, p. 379.

la révocation du legs? Tous les auteurs s'accordent à dire que c'est parce que l'aliénation révèle un changement de volonté de la part du testateur. Et la loi, différente en cela de notre ancien droit, attribue le même effet aux divers modes d'aliénation, parce qu'ils indiquent tous la pensée d'un retour sur la libéralité précédemment faite. L'arrêt dénoncé envisage la question à un tout autre point de vue. A la volonté absente du testateur, il substitue celle du tuteur du testateur interdit; le testateur est représenté par son tuteur; en conséquence, l'aliénation légalement faite par ce dernier lui paraît devoir produire les mêmes effets que Ce pourvoi était fondé sur la violation des celle émanant du testateur lui-même. Mais art. 1038 et 1042, Cod. Nap., en ce que l'arrêt ne prend pas garde que si le tuteur est l'arrêt attaqué avait déclaré que l'aliénation commis pour faire des actes d'administration, d'un objet légué, faite après l'interdiction il ne se confond pas néanmoins avec la perdu testateur, entraînait la révocation d sonne, et que l'autorité dont il est investi ne libéralité, alors même que le prix restait lui permet pas de faire des actes exclusivedû lors du décès et représentait l'objet ment personnels, tels que la révocation d'un légué. Pour faire produire aux aliénations testament. Or, donner à l'aliénation consentie consenties par le tuteur de la dame de Mau- par lui l'effet d'une révocation, n'est-ce pas lui champs l'effet d'une révocation de legs, a-t-on conférer cette faculté exorbitante? Mais si dit, l'arrêt attaqué s'est fondé principalement l'art. 1038 ne peut recevoir ici son application, sur les termes généraux de l'art. 1038, qui, en la décision de l'arrêt attaqué peut-elle trouver se servant des mots toute aliénation, aurait une base plus solide dans la disposition de l'art. compris dans sa disposition les aliénations des 1042 relatif à la perte de la chose léguée ? Ce objets légués de quelque nature qu'elles fus- dernier article prévoit deux hypothèses : ou sent. Mais il faut remarquer que, dans cet ar-la perte est survenue durant la vie du testaticle, les mots toute aliénation ne sauraient se séparer de ceux que fera le testateur, lesquels se trouvent dans la même phrase. Si donc ces termes doivent embrasser toute espèce d'aliénation, ils ne s'appliquent néanmoins, d'après le texte, qu'à celles qui émanent du testateur lui-même. Ainsi, l'aliénation faite par le testateur, la seule dont parle la loi, doit se distinguer de l'aliénation faite par le tuteur du testateur interdit, dont la loi ne parle point. Si l'art. 1038 dit que la première emporte révocation du legs, il ne le dit pas à l'égard de la seconde. Or, en pareille matière, les prescriptions sont de droit étroit, et il n'est pas permis d'argumenter d'un cas à l'autre

(1-2) V. sur ces deux points, la note détaillée qui accompagne l'arrêt attaqué de la Cour de Paris du 30 juill. 1860 (1861, p. 379), arrêt que la Cour de cassation maintient ici, mais par des motifs différents. La Cour suprême commence, en effet, par établir, contrairement à ce que décidait l'arrêt attaqué, qu'il ne peut être question de révocation dans l'espèce, puisque l'aliénation de la chose léguée n'a pas été faite par le testateur lui-même; et elle ne rejette le pourvoi que par ce motif que l'aliénation, qui avait eut lieu légalement pendant la vie du testateur, entraînait la caducité ou l'extinction du legs par le retranchement de l'objet légué des biens du testateur; en sorte que ce n'est pas dans l'art. 1038, C. Nap., qu'il faut chercher la solution, mais bien dans l'art. 1042.-V. au surplus, Rép. gén. Pal, et Supp., v Testament, n. 1430 et suiv., 1574 et suiv.

teur, ou bien elle est arrivée après la mort du testateur. Dans le premier cas, celui-ci est réputé avoir connu la perte, et comme il n'a point fait un nouveau don, son silence équivaut à une révocation. Dans le second cas, l'événement de force majeure qui a détruit la chose doit être supporté par son propriétaire, c'est-à-dire par le légataire, res perit domino. Il

importe de remarquer que la perte dont il s'agit dans cet article est celle qui résulte d hasard, d'un cas fortuit ou d'une force majeure. Mais ce qu'il faut surtout reconnaître, c'est que la loi y a en vue la perte totale de la chose, l'anéantissement de l'objet : « Le legs, dit-il, sera caduc, si la chose a totalement péri. » Or, ce n'est nullement ce qui se rencontre dans l'espèce actuelle. Et d'abord, ce n'est point un événement accidentel qui a fait disparaître les objets légués, c'est une aliénation faite par le tuteur de la dame de Mauchamps. Cette aliénation même est restée ignorée de la testatrice, qui se trouvait en état de démence. Il est donc impossible de lui attribuer, de près ou de loin, une intention révocatoire. Á ce premier point de vue, l'on reconnaît que l'art. 1042 est inapplicable à la cause. Mais ce qui rend surtout l'application de cette disposition tout à fait impossible, c'est que les objets légués n'ont point complétement péri: ces objets sont représentés par les prix des ventes qui n'ont pas été payés avant le décès de la testatrice, ni même versés dans la succession, et qui ne sont point confondus dans son actif.

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