Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

nisme, et travaillait au salut de tous. Pour confirmer cette assertion, il suffirait de rappeler la conduite du Clergé dans les divers siéges que Paris eut à soutenir contre les Normands; celle de Francon à Rouen. Mais nous possédons des actes qui parlent plus haut, et prouvent plus que ces dévoùmens particuliers. Dans un Synode tenu aux environs de Reims en 881, les Évêques adressent au Roi une supplique qui mériterait d'être traduite pour l'enseignement de ceux de nos jours. Ils l'invitent à s'entourer d'un conseil composé d'ecclésiastiques et de militaires, afin de pourvoir aux besoins de tous. Que ce pauvre peuple, disentils, qui, depuis tant d'années, souffre des pillages de toutes sortes, et supporte les exactions des Normands, soit enfin soulagé. Enfin, Charles-le-Gros, dans un capitulaire, s'adresse aux Évêques pour veiller au salut public. En effet, il nous reste des traces positives qui prouvent que le clergé, dans ses synodes, chercha à faire tout ce que les Rois négligeaient dans l'intérêt général. Ce n'est pas à dire qu'il n'y eût des prêtres indignes; mais il est remarquable qu'ils furent en nombre très-petit, moindre même que dans des temps plus heureux. L'Église d'ailleurs savait et pouvait punir; c'était son peuple, et, d'après les lois, elle avait droit absolu de justice dans son sein. Nous avons quelques textes de jugemens rendus contre des membres du Clergé. Nous ne comptons point comme une faute reprochable, surtout dans notre siècle, le fait de porter les armes. Il y eut des Évêques, des Abbés et des moines qui se distinguèrent dans cette guerre de tous les jours contre les payens normands, hongrois ou sarrasins; car bien souvent les villes, abandonnées ou trahies par leurs Comtes, furent défendues par leur Clergé : au moins il savait périr avec elles.

Ainsi, les derniers mots, les derniers actes publics qui nous sont restés du neuvième siècle, sont encore des preuves de l'activité de l'Église pour le salut de la France. Dans les derniers faits nous la retrouvons encore, ainsi qu'au cinquième, construisant les provinces, agglomérant les peuplades, qui furent appelées de ce nom. De même nous retrouvons, dans les derniers actes de la

vie temporelle du dixième siècle, les signes de la loi militaire qui présida à la naissance de la nationalité française. C'est l'utilité militaire qui crée les chefs et les rois; et la race de Pepin finit comme elle avait commencé. C'est un duc de France, un nouveau Maire, qui commence la nouvelle dynastie qui vient la remplacer.

HISTOIRE DE LA FRANCE SOUS LA TROISIÈME RACE.

CHAPITRE PREMIER.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES RÉVOLUTIONS DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU DIXIÈME AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE.

La société sortit du dixième siècle, pourvue d'institutions et de destinées toutes nouvelles. La Loi de la Vassalité héréditaire avait remplacé la Loi de la Vassalité par élection. La population se ▸ trouvait partagée en plusieurs groupes qui commencèrent à vivre séparément, et qui n'eurent plus, de français, que leur origine. Chaque point du grand Empire de Charlemagne, bien que doué d'une impulsion qui le poussait à un résultat commun, poursuivit sa tendance avec les formes de son individualité particulière, et devint une nation. L'Italie fut divisée en petites seigneuries féodales; l'Allemagne fut partagée en sept grandes seigneuries. Elle maintint son unité, en conservant un Empereur pour la représenter. Mais celui-ci devint électif, et les électeurs furent les sept grands Seigneurs féodaux, dont la réunion formait le plaid général de la nation Germanique. En France, le pouvoir royal devint héréditaire, et le royaume fut gouverné comme un grand fief. Ainsi, le point de départ et le but furent les mêmes pour tous les pcuples; mais chacun développa le germe déposé dans son sein, avec ses facultés propres. Aussi chaque pays s'avança dans la voie du progrès avec des vitesses inégales.

HISTOIRE DE LA FRANCE SOUS LA TROISIÈME RACE. 87 Dès ce jour, il y eut un Droit public Européen. Dans les siècles précédens, l'Armée Catholique n'avait qu'à combattre. Elle n'avait avec ses ennemis aucun principe commun et convenu, sur lequel elle pût fonder un traité. Aussi la guerre ne fut jamais interrompue que par des trèves. Mais dès l'instant où il y eut plusieurs peuples vivant sous une même loi morale, il y eut aussi un Droit des Gens, et la Diplomatie prit origine.

L'originalité de cette période de la Société Européenne se réfléchit dans toutes ses œuvres. Le Langage, les Arts, les Sciences, revêtirent des formes jusqu'alors inconnues, et marchèrent à des conséquences qui promettaient le monde intellectuel nouveau, où nous vivons aujourd'hui. L'individualité des peuplades se reproduisit dans les variétés de langage. Quant aux Arts et aux Sciences, ils conservèrent un caractère général, comme l'origine dont ils émanaient. Ils ressortaient de la pensée Catholique: ils furent donc unitaires et universels, ainsi qu'elle l'était elle-même. Jusqu'à ce jour, l'Architecture avait conservé le Style Byzantin. Elle en prit un nouveau : elle inventa le Style qu'on a improprement appelé Gothique, et que nous nommerons Catholique, parce qu'à l'époque de sa création il n'existait plus un seul Goth, ni un seul Arien, parce qu'il naquit précisément sur le sol créé par le Catholicisme, c'est-à-dire dans l'Empire fondé par les Francs. On commença, au onzième siècle, à rebâtir toutes les Églises; et cela fut si général, que tous les historiens ont noté le fait, et que fort peu d'Églises Byzantines ont échappé à cette fureur de reconstruction. Le Style Architectural suivit, dans les monumens destinés aux usages particuliers, celui qu'on avait adopté dans les monumens consacrés au Culte. Quant à la Lithurgie, cette autre partie de l'Art ecclésiastique, et tout ce qui s'y rattache, elle resta Romaine, ainsi que cela devait être.

ཨ་

Les Sciences aussi commencèrent, vers la fin du onzième siècle, à donner les premiers signes des modifications que l'introduction du germe Chrétien devait y produire un siècle ou deux plus tard; car l'idée générale scientifique avait été changée par le Christianisme. Il établissait, en effet, en principe que le monde était

88

gouverné par des forces brutes, dont l'homme pouvait se rendre le maître. Cet axiome chrétien résume très-bien : Natura est vis à Deo insita. Aux discussions purement relatives à l'interprétation du Dogme Chrétien, en ce qu'il renfermait de moral, et dont chacune est signalée, dans l'histoire de l'Église, par celle d'une hérésie, succédèrent les discussions métaphysiques et l'étude même des spécialités physiques.

On reprit les sciences au point où l'École d'Alexandrie les avait laissées. Mais, comme le plus petit nombre des écrits de cette École avaient été traduits en latin, la seule langue savante du moyen âge, il fallait, après avoir épuisé ce qu'ils contenaient, aller en chercher la suite dans les manuscrits grecs. Or, cette dernière langue était complétement inconnue, éloignée d'ailleurs du contact de la partie de l'Europe où l'on s'occupait de travaux intellectuels. On apprit que ces livres précieux'existaient, traduits, chez les Arabes, avec lesquels la guerre avait entretenu de nombreuses communications, bien qu'elles ne fussent que celles qu'établissent toujours les prisonniers et les trèves, entre ennemis. On alla donc chercher les écrits grecs chez les Maures, et on les copia en latin d'après des textes arabes (1).

(1) Il est une opinion, particulièrement en faveur aujourd'hui, et du nombre de celles qui ont été émises dans le siècle dernier, dans le but de prouver que le Christianisme n'avait jamais été qu'une doctrine rétrograde, complétement stérile dans les arts, les sciences, etc. Dans cette opinion, on attribue aux Arabes une grande influence sur la civilisation Européenne. Nous croyons que c'est une erreur, et nous sommes fondés sur l'observation de la succession parfaitement graduée, et parfaitement continue, du développement des arts, des sciences et de l'industrie dans le Nord. Nous ne craignons même pas d'assurer que notre Europe n'a reçu des Musulmans rien au-delà de quelques observations de détail, plus faciles à recueillir dans leur climat que dans le nôtre, de quelques procédés de calcul, quelques instrumens d'analyse chimique, etc., peu importans, dont la plupart ne méritent même pas d'être cités, et qu'on eût inventés infailliblement, s'ils n'eussent pas été déjà trouvés. On a attribué aux Arabes l'invention de l'Algèbre; et cependant l'on possède un traité du Grec Diophante sur l'Algèbre et ses applications. Ce savant Astronome écrivait au quatrième siècle. On a dit aussi que les chiffres étaient d'invention Arabe. Tout le monde sait maintenant que notre système de numération est indien; mais ce que tout le monde ne sait pas, c'est que le nom de chiffre ne vient pas de l'arabe, mais du Mot grec, siphra, σip, par le

« PreviousContinue »